BMCR 2024.02.36

Emperor, army, and society: studies in Roman imperial history for Anthony R. Birley

, , , Emperor, army, and society: studies in Roman imperial history for Anthony R. Birley. Antiquitas, 1.77. Bonn: Habelt Verlag, 2022. Pp. xiii, 506. ISBN 9783774943605.

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Le présent ouvrage rend hommage aux recherches, et à la personne, d’Anthony Birley (1937-2020). Pensé pour refléter son travail, il comporte quatre grandes parties : la Bretagne romaine, les empereurs et les impératrices, l’histoire administrative et militaire de l’Empire romain, l’historiographie antique et moderne. Comme le veut la loi du genre, les contributions sont diverses, variées, nécessairement inégales et l’unité scientifique d’ensemble est relative. Il faut cependant souligner la grande qualité des articles dans un volume formellement sans reproche[1]. Surtout, le livre présente bien les grands axes du travail de Birley : la Bretagne, le gouvernement de l’empire, l’armée, la prosopographie, les biographies d’empereurs, l’édition de l’oeuvre de son maître Ronald Syme (une facette qui ne doit pas être sous-estimée)… La diversité des contributeurs et contributrices et leur importance académique témoignent de la place de Birley dans le champ scientifique et de sa position remarquable entre le continent et le monde anglo-saxon. En général ces hommages s’attachent à la “dedication to facts and contexts” d’Anthony Birley, que souligne à juste titre Mary Boatwright dans sa contribution : c’est un hommage à la méthode, presqu’ au style historique, ainsi qu’à une personnalité dont le caractère généreux est plusieurs fois mentionné.

Après l’introduction présentant l’oeuvre de Birley, la première partie s’ouvre logiquement sur la contribution d’Andrew Birley présentant la découverte de gants de boxe à Vindolanda et replaçant ces objets remarquables dans le contexte de l’armée romaine, du fort et de ses fouilles intimement liées à Anthony Birley et à son frère Robin. John Wilkes présente ensuite un essai sur les motivations de la conquête de la Bretagne par Claude avec un intérêt notable pour la question fiscale. Tiziana Carboni consacre une synthèse aux officiers équestres en Bretagne ; elle discute en particulier des militiae petitores ; il aurait été utile de renvoyer à la liste qu’en avait dressé Ségolène Demougin[2] et, pour les bénéficiaires, à l’ouvrage de Jocelyne Nelis-Clément[3]. David J. Breeze s’occupe aussi de chevaliers en analysant le statut des commandants à Maryport. Considérant l’historiographie, il discute, avec clarté et méthode, en particulier des deux tribuns de la cohors I Hispanorum, et montre qu’on ne peut actuellement trancher entre les hypothèses avancées pour expliquer la double présence de ce grade. Reprenant l’expression shakespearienne « band of brothers » utilisée par Anthony Birley[4] , mais qui fait aussi écho à son usage par Stephen E. Ambrose dans un ouvrage d’histoire militaire à succès[5], Oliver Stoll s’intéresse à la sociabilité et à l’identité des soldats à partir de l’alimentation. Prenant en compte la nourriture et la boisson, il soulève la question des traditions culinaires et des lieux de restauration, comparant Vindolanda au camp de Războieni-Cetate, en Dacie, abritant lui aussi une cohorte de Bataves. Ses réflexions sont une invitation bienvenue à approfondir le sujet et à poursuivre les recherches. Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier examine l’onomastique des Bataves à Vindolanda constatant une latinisation importante mais aussi “un solide maintien des noms indigènes”. Le choix du latin n’était donc pas imposé par l’armée. Roger S.O. Tomlin publie et commente une défixion découverte à Gloucestershire et présentant la particularité d’être un texte latin rédigé en alphabet grec. La victime d’un vol y espérait la vengeance de Mercure Arueriacus.

Dans la seconde partie, Mary T. Boatwright examine le cas d’Agrippine la jeune à travers ses esclaves et affranchis. Leurs attestations peu nombreuses témoignent de la condamnation de la mémoire de leur maîtresse. Gian Luca Gregori et Antonio Romano considèrent eux aussi la question de la condamnation de la mémoire, à partir du cas de Domitien. Ils envisagent notamment les inscriptions où elle n’a pas été appliquée. Invitant à se méfier d’une réflexion en termes de pourcentages, ils attirent l’attention sur l’importance des contextes : ainsi un cadre religieux semble être protecteur. Leurs conclusions incitent à la nuance, la mémoire de Domitien ne semblait pas nécessairement condamnable pour tout le monde en 96. Le dernier des Flaviens intéresse aussi Konrad Vössing qui défend prudemment une date haute pour la préture de Pline, sujet discuté, appuyant, mais sans argument absolument dirimant, une position tenue par Birley. Everett L. Wheeler examine une partie de l’historiographie récente sur la guerre parthique de Lucius Vérus. Il revient sur ses origines et ses débuts, prenant en compte les nouveautés – principalement la datation du cursus de Neratius Proculus – et réagissant à des hypothèses récentes pour défendre, avec bon sens, une interprétation assez classique, faisant fond sur ses nombreux travaux concernant les armées orientales – qui gagneraient, indiquons-le en passant, à être rassemblés en un seul volume. Michael Alexander Speidel reprend la chronologie des voyages de Caracalla entre 212 et 216. Entérinant les progrès récents de la recherche sur la question, il les appuie et en tire les conséquences pour interpréter la position de Caracalla face aux Parthes, permettant ainsi de mieux cerner son imitation d’Alexandre le Grand. José Remesal Rodríguez considère le ravitaillement en huile de Rome et les confiscations en Bétique après la défaite d’Albinus. Il fait le bilan de plusieurs nouveautés, issues notamment des fouilles du Monte Testaccio. On notera la confirmation que la marque LFCCVFS est attribuable à Fabius Cilo, la coexistence de différents systèmes de propriétés passées aux mains de l’empereur dans diverses conditions, la datation sous Caracalla d’une restructuration administrative de l’organisation du transport de l’huile – mesure qui ne semble pas avoir été durable. Bien des informations restent à tirer du Testaccio. L’article fait ainsi la transition avec la partie consacrée aux aspects administratifs et militaires de l’histoire de l’empire romain.

Lawrence Keppie fait l’histoire des légions consulaires, numérotées I à IIII, à la fin de la République à la lumière des découvertes épigraphiques récentes, réfutant au passage la présence d’une legio Martia sur l’inscription AE 2015, 580, à Astigi. John Rich reconsidère les fastes d’Amiternum et la fin des guerres civiles. S’opposant à une restitution de Géza Alföldy, il propose de revenir à une lecture, peu remarquée, de Stein: Bell[um Alexand]r(inum) confect(um). Des incertitudes subsistent cependant. Une analyse plus précise de la pierre – avec éventuellement les techniques de numérisation 3D et d’imagerie – permettrait peut-être de les lever. Edward Dabrowa dépeint les activités diplomatiques des gouverneurs de Syrie, surtout connues au Ier siècle de notre ère. Malgré les mandata impériaux, les gouverneurs avaient une latitude d’action et jouaient un rôle important dans les relations romano-parthes. Werner Eck établit une synthèse claire de la présence militaire romaine en Judée, démontrant, à partir de la dislocation des troupes, un caractère exceptionnel, lié aux révoltes ayant eu lieu entre 66 et 135. Giuseppe Camodeca publie l’épitaphe inédite – mais incomplète – d’un sénateur de l’époque de Domitien, Retrouvée à Salerne, mais sans doute en provenance du Latium, l’inscription nous fait connaître la carrière d'[Aemilius] Cicatricula Sentius. Consul dans la première moitié des années 80, il avait intégré le patriciat en 73. Mort vers 90, il a laissé une somme record pour son tombeau. L’essai de Jonathan C.N. Coulston compare brièvement les deux colonnes de Trajan et de Marc Aurèle avec un intérêt particulier pour le costume des soldats et l’organisation générale. Pour la seconde des colonnes on ajoutera à sa bibliographie l’ouvrage de Johannes Griebel[6]. Antonio F. Caballos Rufino présente la promotion municipale de Carmo (Bétique) à travers la figure du notable Servilius Pollio. Paul Holder publie six diplômes militaires d’époque antonine découverts en Ukraine. Lukas de Blois contribue par une synthèse sur le règne de Gallien, revenant sur les transformations administratives et militaires de la période. Benet Salway considère plusieurs nouveautés concernant des gouverneurs en Asie Mineure au IIIe siècle, notamment à propos de la mise en place de la province de Phrygie-Carie. Péter Kovács retrace l’histoire de l’Illyricum entre Orient et d’Occident au Ve siècle et comment une partie de la région passa sous le contrôle de Constantinople. Ioan Piso et Anja Ragolič publient une inscription tardive d’Emona, épitaphe du jeune fils d’Harietto campidoctor du numerus Inuictorum seniorum, montrant aussi comment l’inscription semble appartenir à un milieu chrétien. Elizabeth A. Meyer présente l’évolution des pratiques testamentaires, où la part de l’écrit est croissante, au regard de leur perception et de leur réglementation par le pouvoir impérial.

La dernière partie intitulée “Ancient et Modern Historiography” commence par un article de philologie, Anthony J. Woodman présentant une série de corrections, de réflexions et d’émendations dans le livre 16 des Annales de Tacite. Federico Santangelo se penche sur deux problèmes concernant l’autobiographie d’Hadrien. D’une part son lien avec PFayum 19 – il paraît peu probable qu’il s’agisse d’un extrait de l’autobiographie – et de l’autre un des présages touchant Hadrien et impliquant son manteau (paenula), épisode qui peut sembler authentique (SHA, Hadr. 3, 5). Bruno Bleckmann examine l’histoire de la dynastie antonine dans la Chronique d’Eusèbe telle qu’on peut la reconstituer à partir de Jérôme et des traductions arméniennes. On constate notamment la valorisation de Pertinax face à Commode et l’importance d’Athènes. Ces traces de traditions perdues sont traitées avec une méthode justement prudente. Après avoir retracé l’’histoire de l’épigraphie au Colisée, Silvia Orlandi publie une inscription d’époque tardive, qui y fut copiée par Pellegrini entre 1874 et 1875. Perdue, elle était restée ignorée. Il s’agit d’un fragment d’une décision impériale concernant les spectacles. Gustavo A. Vivas García considère le conseil impérial dans l’oeuvre de Syme montrant son intérêt pour l’entourage des empereurs et les choix qui l’expliquaient, dont un refus de la biographie. Péter Prohászka apporte un complément bienvenu à la publication des lettres de Syme par Birley en donnant la correspondance entre Syme et András Alföldi en 1938, à partir des archives hongroises, et en la restituant dans son contexte. Keith Bradley se penche sur le célèbre poème d’Hadrien à la veille de sa mort et sur sa place dans l’oeuvre de Marguerite Yourcenar. L’académicienne avait une connaissance claire des difficultés qu’il posait, examinées par Birley dans un article dédié. Enfin Jon E. Lendon revient sur les biographies impériales écrites par Birley pour en considérer la méthode et les implicites, en particulier la place de la prosopographie. Petit regret pour un article très éclairant, la conscience que Birley avait de l’obscolescence nécessaire de son travail a entraîné deux éditions pour ses Marcus Aurelius et Septimius Severus, mais il faut signaler, pour le premier des deux que la seconde édition de 1987 avait fait l’objet en 1993 d’addenda avec des corrections importantes. Il revint en outre à la biographie de Marc Aurèle dans l’ouvrage collectif dirigé par Marcel Van Ackeren[7]. Une bibliographie complète d’Antony Birley termine le volume ainsi qu’un index des noms de personne et des sources. Le volume ne pourra donc qu’intéresser les nombreux savants et étudiants amenés, pendant encore longtemps, à croiser l’oeuvre féconde d’Anthony Birley.

 

Authors and Titles

W. Eck, F. Santangelo, K. Vössing, A Book for Tony Birley.

 

Roman Britain

A. Birley, Boxing for the Roman Empire, the Gloves are Off.

J. Wilkes, The Britannia of Claudius: ‘Iusti Triumphi Decus’ or ‘Pretium Victoriae’? Personnal Glory or Taxes and Army Pay: The Motivation for Conquest?

T. Carboni, Ufficiali equestri in Britannia.

D. Breeze, The Status of the Commanding Officer at Maryport.

O. Stoll, ‘A Band of Brothers’. Bierdurst und Heimathunger. Essen und Trinken und die Frage nach der Regimentsidentität römischer Truppeneinheiten in den Grenzzonen des Imperiums.

M.-T. Raepsaet-Charlier, Quelques réflexions à propos de l’onomastique des soldats bataves de Vindolanda.

R. Tomlin, Latin Dressed Up as Greek: Deciphering a Curse against Theft in Roman Britain.

 

Emperors and Empresses

M. Boatwright, The Missing familia of Agrippina the Younger.

G.L. Gregori, A. Romano, Domiziano: memoria ‘damnata’ o rispettata? Una riflessione sulla documentazione epigrafica di Roma.

K. Vössing, Tunc… haec feci (Plin. Epist. 3,11) – noch einmal zur Datierung von Plinius’ Prätur.

E.L. Wheeler, Verus’ Parthian War. Some Notes on Recent Work.

M.A. Speidel, Caracalla in Thrace and the Beginning of His Parthian War.

J. Remesal Rodriguez, Septimius Severus and the Supply of Rome. A Debated Issue.

 

Administrative and Military History of the Roman Empire

L. Keppie, Consular Legions in the Late Republic.

J. Rich, The Fasti of Amiternum and the End of the Civil Wars.

E. Dabrowa, The Diplomatic Activity of the Governors of Syria.

W. Eck, Iudaea/Syria Palaestina und seine militärische Besatzung: ein Beispiel für römische Realpolitik?

G. Camodeca, La carriera di [—Cicat]ricula Sent[ius—] console sotto Domiziano in una iscrizione inedita reimpiegata a Salerno.

J.C.N. Coulston, The Columns of Trajan and Marcus Aurelius: a Tale of Two Monuments.

A.F. Caballos Rufino, The Municipal Promotion of Carmo and its Early Elite.

P. Holder, Some Roman Military Diploma Fragments Found in Ukraine.

L. de Blois, The Emperor Gallienus and the Senate. Administrative and Military Reform in the Roman Empire of the Mid-Third Century AD.

B. Salway, Roman Governors and Government of Asia Minor in the Third Century AD: Recent Developments.

P. Kovács, Amissio Illyrici. The ‘Loss of Illyricum’ in the Fifth Century.

I. Piso, A. Ragolič, Harietto and Dagalaifus in Emona. Ein Beitrag zur Geschichte des spätrömische Heeres.

E. Meyer, Practice, Emperors, and the Mechanic of Testaments.

 

Ancient and Modern Historiography

A.J. Woodman, Problems in Tacitus, Annals 16.

F. Santangelo, Hadrian’s Libri Vitae Suae: Two Problems.

B. Bleckmann, Die Geschichte der Antonine in der Chronik des Eusebios: quellenkritische Beobachtungen.

S. Orlandi, ‘Scavando nelle carte’. Un provvedimento imperiale relativo agli spettacoli noto da un documento d’archivio della fine dell’800.

G. García Vivas, El consejero imperial en Syme. Tres textos significativos.

P. Prohászka, Sir Ronald Syme und András Alföldi – Aus der Korrespondenz von zwei Altertumsforschern vor dem Zweiten Weltkrieg.

K.R. Bradley, Five Exquisite Lines.

J.E. Lendon, A.R. Birley and His Emperors.

 

Anthony R. Birley, Bibliography 1961-2020

Books, Articles, and Book Chapters.

Book Reviews.

 

Notes

[1] Outre un problème de crochet droit, un de casse et un curieux Alterthumsforschern dans la table des matières, nous n’avons relevé que deux coquilles : p. 152 n. 26, à Xiphilinus et p. 191 où la parenthèse “see below, p. 000” doit renvoyer à la page suivante.

[2] S. Demougin, “Les vétérans dans la Gaule Belgique”, in M. Dondin-Payre et M.-Th. Raepsaet-Charlier, Cités, municipes, colonies, Paris, 1999, p. 359-360, il faut depuis ajouter à la liste AE 2004, 206 et ZPE, 178, p. 271.

[3] J. Nelis-Clément, Les Beneficiarii, militaires et administrateurs au service de l’Empire, Bordeaux, 2000, p. 312-313.

[4] Henri V, acte IV, scène III ; A.R. Birley, “A band of brothers: equestrian officers in the Vindolanda tablets”, Electrum 5, 2001, p. 11-30 et A.R. Birley, Garrison Life at Vindolanda. A Band of Brothers, Stroud, 2002..  Nous remercions les éditeurs de la BMCR pour avoir attiré notre attention sur l’origine de la citation.

[5] S.E. Ambrose, Band of Brothers, E Company, 506th Regiment, 101st Airborne: From Normandy to Hitler’s Eagle’s Nest, New York, 1992.

[6] J. Griebel, Der Kaiser im Krieg. Die Bilder der Säule des Marc Aurel, Berlin, 2013.

[7] M. Van Ackeren éd., A companion to Marcus Aurelius, Wiley-Blackwell, Chichester, 2012.