BMCR 2023.04.18

Guide to Biblical coins

, Guide to Biblical coins. 6th edition. New York: American Numismatic Society, 2022. Pp. 668. ISBN 9780897223706.

Le livre recensé n’est pas inconnu. Il s’agit de donner une opinion critique sur la sixième édition d’un livre dont l’influence ne s’est jamais démentie depuis sa première parution, il y a plus de quarante-cinq ans. Malgré quelques discussions scientifiques que l’on pourrait mener sur une poignée de détails, avant toute chose, il faut remercier David Hendin pour son travail continu afin de maintenir ce livre à jour, si complet et si facile à lire. Il demeure très utile pour les numismates, les historiens, les archéologues et pour tout spécialiste ou étudiant en histoire biblique. Il n’est nul besoin d’avoir de connaissance spécifique, ni en numismatique, ni en histoire juive, pour lire ce livre clair et pédagogique. Toute l’histoire des Juifs du Second Temple est brillamment racontée par l’intermédiaire des monnaies. Et ce qui rend ce livre si agréable pour tous les publics, c’est en partie la quantité d’anecdotes qu’il fournit, d’illustrations et de photographies (plus de deux mille).

Le livre est bien structuré. Le premier chapitre définit ce que l’on entend par « monnaie biblique » et plusieurs éléments techniques sont donnés, sur la production de monnaies dans l’Antiquité, sur la manière d’en collectionner légalement, de distinguer des monnaies authentiques et des falsifications, etc. Le deuxième chapitre traite des poids et mesures et de la question des fraudes. Les huit chapitres suivant, dans l’ordre chronologique, analysent les monnaies juives depuis la période perse jusqu’à la révolte de Bar Kokhba. Le onzième chapitre étudie les monnaies romaines concernant les affaires juives, par exemple la série « Iudaea Capta » et la monnaie de Nerva « Fisci Iudaici Calumnia Sublata », ainsi que les contremarques légionnaires, entre autres. Le douzième traite des monnaies du Nouveau Testament (l’obole de la pauvre veuve, le statère dans la bouche du poisson, la monnaie du tribut, etc.). Enfin, le treizième chapitre liste quelques éléments corrélés : quelques émissions de Mazaeus, du royaume ituréen, des gouverneurs romains de Syrie, de la famille royale d’Adiabène, entre autres. De très utiles instruments closent le volume : une bibliographie complète et tenue à jour, une concordance des références croisées des diverses monnaies étudiées, trois appendices : les alphabets et leurs équivalents numériques, la métrologie des bronzes juifs et un index des légendes latines, enfin un index général et soixante-huit planches réunissant les photographies de 681 monnaies.

Puisque l’objectif est de fournir un avis critique, on osera signaler que quelques-unes des interprétations de David Hendin peuvent être éventuellement discutées par quelques spécialistes. En effet, le livre n’évite aucune difficulté et prend parti dans les débats, quoique toujours avec une remarquable prudence.

Parmi ces interprétations, selon Hendin, « Antiochus [IV] focused on Jerusalem as a key financial resource for his kingdom » (p. 120). Le manque de liquidités après le traité d’Apamée est présenté comme la cause principale de la mise aux enchères de la prêtrise durant ce règne, puis du pillage du temple. C’est là, bien sûr, l’interprétation classique, mais l’on peut signaler pour les lecteurs les plus intéressés que quelques chercheurs l’ont remise en question[1]. Il existe quelques indices que le royaume séleucide ne pouvait être ruiné par les conditions du traité et, selon Sylvie Honigman et Gilles Gorre, le contrôle accru des finances du temple répondait bien au projet des rois hellénistiques du IIe siècle avant notre ère[2].

À propos de la fiscalité romaine, David Hendin écrit que « financial pressures were all the more intolerable since local rulers were no longer Jewish, but Romans who heaped one abuse on another » (p. 293). Trois éléments peuvent être mentionnés ici. Premièrement, les « abus » des autorités romaines peuvent en partie être une invention narrative de Flavius Josèphe. De fait, l’historien ancien a transformé les préfets et procurateurs en mauvais gouverneurs parce que cela faisait partie de son projet rédactionnel[3]. Deuxièmement, les élites locales restent juives jusqu’à la destruction du temple[4]. Troisièmement, il n’y a guère de preuve que cet appauvrissement de la population juive à l’époque romaine soit davantage qu’une impression. Au contraire, des vestiges archéologiques et des données textuelles pourraient suggérer que les populations de la Judée et de la Galilée sont en majorité prospères à cette époque[5]. Si cela est vrai, la révolte ne peut avoir été causée par les conditions économiques, mais fut motivée par quelques causes bien plus fondamentales.

Prenons un troisième et dernier exemple. David Hendin suit la Mishna en écrivant que le shekel tyrien était la seule monnaie admise pour le paiement du demi-shekel (p. 314). Uniquement pour l’intérêt de la discussion, on peut insister sur le caractère très tardif de cette règle et considérer que quelques dispositions ont été prises afin d’admettre le denier pour cet impôt, au moins pour le paiement des agios. Le shekel tyrien est tout simplement la monnaie d’argent la plus courante dans la région. Mais, peut-être, quelques monnaies séleucides, toujours en usage à la veille de la Grande Révolte, pouvaient-elles être acceptées également dans le temple. On peut proposer que l’opposition entre le denier, représentant la fiscalité romaine, et le shekel dédié aux finances du temple, n’est qu’une opposition idéologique tardive, à dater peut-être après la destruction du temple[6].

Ces discussions ne sont aucunement des critiques de ce livre si impressionnant, complet et utile. L’objectif de ces remarques est de souligner qu’il existe de nombreux débats dans le domaine de l’histoire du judaïsme du Second Temple. En insistant sur ces points de (léger) désaccord, il s’agit surtout de signaler l’accord du présent relecteur sur l’essentiel des théories, discussions, argumentations et conclusions formulées par David Hendin dans ce livre magistral.

D’autres propositions innovantes se révèlent très intéressantes. Par exemple, que « Éléazar le prêtre » dont le nom apparaît sur les monnaies de bronze et d’argent de la première année de la guerre de Bar Kokhba, n’était pas un contemporain, mais une référence au fils d’Aaron (p. 330)[7]. Ou, quelques pages plus loin, que la légende de Nerva, « Fisci Iudaici Calumnia Sublata » ne célébrait pas l’abolition de l’impôt du fiscus Iudaicus, mais, au contraire, la suppression de l’impôt juif qui était une insulte au pouvoir romain et l’invention du fiscus Iudaicus par les prédécesseurs de l’empereur (p. 420-421).

On le voit, le livre n’est pas une simple synthèse : il est innovant, bien documenté, très informé sur de très nombreux sujets. Grâce à cette sixième mise à jour, il accompagnera encore longtemps la recherche et demeurera l’un des meilleurs livres à propos des monnaies du judaïsme du Second Temple, à mettre entre toutes les mains.

 

Notes

[1] Voir la discussion et les références bibliographiques dans M. Girardin, L’offrande et le tribut. Histoire politique de la fiscalité en Judée hellénistique et romaine (200 av. J.-C. – 135 apr. J.-C.), Bordeaux, Ausonius, 2022, p. 162-163.

[2] G. Gorre and S. Honigman, « Kings, Taxes and High Priests: Comparing the Ptolemaic and Seleukid Policy », in S. Bussi (éd.), Egitto dai Faraoni agli Arabi, Pisa – Roma, Fabrizio Serra Editore, 2013, p. 105-119.

[3] W. Eck, « Die Römischen Repräsentanten im Judaea: Provokateure oder Vertreter der Römischen Macht? », in M. Popović (éd.), The Jewish Revolt against Rome. Interdisciplinary Perspectives, Leiden – Boston, Brill, 2011, p. 45-68.

[4] M. Goodman, The Ruling Class of Judaea. The Origins of the Jewish Revolt against Rome (A.D. 66-70), Cambridge, Cambridge University Press, 1987 ; J. Choi, Jewish Leadership in Roman Palestine from 70 C.E. to 135 C.E., Leiden – Boston, Brill, 2013.

[5] A. Keddie, Class and Power in Roman Palestine. The Socioeconomic Setting of Judaism and Christian Origins, Cambridge, Cambridge University Press, 2019 ; M. Aviam, « The Economic Impact of the First Jewish Revolt on the Galilee », in T. R. Blanton IV, A. Choi and J. Liu (éd.), Taxation, Economy, and Revolt in Ancient Rome, Galilee, and Egypt, London – New York, Routledge, 2022, p. 95-107 ; C. T. McCollough, « The Economic Transformation of an Early Roman Galilean Village. A Keynesian Approach », in T. R. Blanton IV, A. Choi and J. Liu (éd.), Taxation, Economy, and Revolt in Ancient Rome, Galilee, and Egypt, London – New York, Routledge, 2022, p. 108-125 ; M. Girardin, « La fiscalité romaine et le contexte économique de Jésus de Nazareth », Études théologiques et religieuses, vol. 97/1, 2022, p. 23-39.

[6] M. Girardin, « Monnaie du tribut, monnaie de l’offrande en Judée séleucide et romaine », Revue des Études Anciennes, vol. 121/1, 2019, p. 71-91.

[7] D. Hendin, « On the Identity of Eleazar the Priest », Israel Numismatic Journal, vol. 18, 2014, p. 155-167.