BMCR 2022.07.06

Blondus Flavius. Roma instaurata

, Blondus Flavius. Roma instaurata. Edizione nazionale delle opere di Biondo Flavio, 7. Roma: Istituto Storico Italiano per il Medioevo, 2020. Pp. cxxxviii, 166. ISBN 9788898079995.

Le travail d’édition nationale des œuvres de Biondo Flavio se poursuit dans la collection de l’ISIME et en 2020 est paru l’édition critique de Roma Instaurata 1 par Fabio Della Schiava. Il faut immédiatement noter que ce travail vient combler un manque car si l’insertion de cette œuvre dans les études sur l’archéologie romaine ou l’historiographie sur les Antiquarii est assez connue et étudiée, il manquait un regard sur les motifs idéologiques, politiques mais aussi apologétiques qui parcourent l’oeuvre, manifeste de la politique culturelle du Pape Eugène IV.

L’auteur rappelle d’ailleurs en préambule son positionnement par rapport aux éditions en cours depuis une dizaine d’années notamment celles, bilingues, éditées par les Belles Lettres et assume le fait qu’il va livrer une édition critique érudite établie grâce aux méthodes philologiques les plus strictes.

Une vaste introduction (p. XXV-LXVI) présente l’oeuvre dans son contexte mais fait également la part belle à l’historiographie et notamment (p. XXXV) à partir des travaux de C. Dionisotti sur les relations entre Valla et Biondo. Les travaux récents de Fulvio Delle Donne sont également cités, notamment pour aider à l’identification des destinataires de la correspondance de Biondo qui aide à comprendre le travail éditorial mené sur une période assez brève par Biondo pour la Roma instaurata. La reprise de la différence entre la méthode de Biondo, qualifiée de moderne ici, avec celle des mirabilia médiévales (p. XLII), certes déjà étudiée, permet ici à l’auteur d’approfondir les liens avec les autres humanistes contemporains de Biondo et leurs propres méthodologies et notamment avec Giovanni Tortelli (p. XLVI). La troisième partie de l’introduction porte sur les sources (p. XLVII-LXVI) en les recensant de manière quantitative vraiment précise et en tentant également de résoudre des énigmes parvenues jusqu’ici, notamment sur l’identification d’un « Apollodorus quidam » auteur d’une description de Rome au XIVe siècle. En réalité l’auteur n’y parvient pas mais nous explique sa propre méthodologie sur l’identification des sources : plus que la méthode intertextuelle dérivative (un texte « de départ » est présent dans un texte « d’arrivée »), ici l’intertextualité se fait imitative et il faut alors décrypter les apparitions, parfois microscopiques, dans le texte d’arrivée de tout un panel de sources. L’exemple pris ici est celui de RI, III, 92-110 avec la lettre (Fam. IX, 13) de Pétrarque à Philippe de Vitry sur la définition de l’image chrétienne de Rome par les premiers humanistes. On n’y trouve pas de « source » telle qu’on l’entend de façon classique mais une citation implicite en réalité qui montre que Biondo a dû lire cette lettre. Cette méthodologie, outre le résultat d’une précision terrible auquel elle aboutit, est fascinante et pour tout dire nous rend également admiratifs! La réception de la Roma instaurata n’est pas oubliée (p. LIX-LXVI) : de la première diffusion auprès de la Curie (avec l’identification ici des manuscrits ayant circulé) et chez les humanistes contemporains, Poggio, Alberti, Tortelli ou encore Maffeo Vegio, à la seconde vague de diffusion dans les années soixante du quinzième siècle jusqu’enfin à la réception dans l’Italie septentrionale, encore peu étudiée (Brescia, Padoue, Milan possèdent des manuscrits de la Roma Instaurata). L’auteur n’a pas négligé d’examiner la circulation de l’oeuvre outre-monts : Jura, France, Nuremberg et même sans doute les Pays Bas où une description de Maastricht de 1485 est peut-être tributaire de la lecture de Biondo.

Une vaste note au texte (p. LXVII-CXXXVII) expose la méthodologie de l’auteur en son édition critique : débutant par une description codicologique de tous les témoins manuscrits, il les classe par familles de témoins, puis examine les témoins imprimés pour nous proposer un stemma codicum (p. CXXX) impeccable en prenant l’hypothèse d’une rédaction intermédiaire. L’enquête minutieuse est menée selon les méthodes philologiques les plus rigoureuses et examine également les paratextes (index, titres etc.). Les critères d’édition sont à ce stade posés de façon claire ainsi que les choix orthographiques.

Le texte en lui-même (p. 1-135) est muni de notes abondantes et précieuses : notes de l’apparat critique bien entendu mais aussi notes explicatives du contexte, des références intertextuelles qui soulignent la maestria et l’immense culture de l’auteur qui nous guide dans le texte de Biondo mais aussi dans ses sources probables antiques et médiévales. Le chapitre XLI est exemplaire de cette érudition non autotélique qui aide son lecteur tout en ne sacrifiant pas à la rigueur et à l’aridité scientifique : Biondo évoque la « porta triumphalis » et son pont, en la reliant à la topographie et aux monuments contemporains (Saint Pierre, le Vatican) et l’auteur ici nous décrypte toutes les sources possibles, y compris grecques éventuelles (Flavius Josèphe, mais dans sa traduction latine), qui accompagnent la promenade historique de Biondo. On pourrait multiplier les exemples de lectures et montrer combien cette édition critique est précieuse car non seulement elle donne accès à un texte rigoureusement édité mais elle en explicite absolument tout point de contexte, de contenu, d’intertextualité en donnant vraiment à voir les monuments anciens de l’époque romaine antique à l’époque médiévale (voir notamment p. 94 ou 128-129).

Des index terminent le livre de façon classique : p. 139-160 noms et lieux et p. 161-164 manuscrits et documents d’archives avec leur localisation et cote.

La bibliographie se trouve en fin d’introduction et l’auteur précise qu’elle a été arrêtée en 2018.

Il faut réellement saluer cette édition qui met à disposition des chercheurs et des étudiants un texte juste, précis, édité de façon scientifique ainsi que les outils nécessaires à sa compréhension et à sa recontextualisation. Bien entendu des esprits chagrins regretteront l’absence de traduction dans une langue vernaculaire mais d’une part elles existent en français dans la collection des Belles Lettres qui permettent de toucher un public un peu plus large d’amateurs éclairés qui ont surtout besoin d’avoir accès au contenu et d’autre part avec une édition à présent critique les traductions ne pourront en être que plus précises.