BMCR 2020.12.29

Julius Caesar’s battle for Gaul: new archaeological perspectives

, , Julius Caesar's battle for Gaul: new archaeological perspectives. Oxford; Philadelphia: Oxbow, 2019. Pp. xxvi, 309. ISBN 9781789250503. $55.00.

[Authors and titles are listed at the end of the review.]

Le livre édité par Andrew Fitzpatrick et Colin Haselgrove réunit les contributions présentées lors d’une conférence tenue à Oxford en 2017, The Archaeology of Caesar in Britain and Gaul.[1] Les travaux présentés ici s’inscrivent dans le cadre d’un développement des études archéologiques consacrées à la guerre des Gaules, à la suite notamment des fouilles menées à Alésia par Michel Reddé et Siegmar von Schnurbein et dont les résultats furent publiés en 2001.[2] Le présent ouvrage a pour but d’offrir au lecteur un aperçu des données archéologiques récentes sur la présence militaire romaine en Gaule mais également de présenter les différentes voies empruntées par la recherche en archéologie ou en numismatique. Il réunit pour cela des chercheurs internationaux qui présentent ici les conclusions de recherches parfois déjà connues des spécialistes mais réunies pour la première fois en anglais.

Après une liste des illustrations (nombreuses et de bonne qualité) et des tableaux, une liste des sources anciennes utilisées dans le livre et une liste des auteurs, l’ouvrage s’ouvre sur une introduction suivie de quinze contributions. Les notes et les références bibliographiques sont regroupées à la fin de chaque texte.

Dans un premier chapitre introductif, Fitzpatrick et Haselgrove évoquent rapidement l’histoire de l’étude archéologique de la guerre des Gaules depuis Napoléon III, insistant sur le regain d’intérêt et les progrès de ces dernières décennies. Suit une revue détaillée des différents chapitres dont le but est de souligner les principaux thèmes transversaux qui structurent l’ouvrage: l’histoire militaire romaine et l’évolution de la pratique guerrière des Romains; l’étude des sociétés de l’âge du Fer et l’impact de la guerre des Gaules sur celles-ci. La fin du chapitre ouvre de nouvelles directions pour de futures recherches: affiner la chronologie de l’âge du Fer, approfondir et préciser notre connaissance des sites militaires romains, identifier les traces de l’impact des guerres sur les sociétés et les populations. Placé en introduction, ce chapitre synthétise les contributions, ouvre de nouvelles perspectives et a le mérite de donner une cohérence à l’ensemble, certains chapitres n’ayant pas de rapport direct avec le titre de l’ouvrage, ni même avec la guerre des Gaules.

Dans le premier chapitre, Christopher Krebs, spécialiste de l’étude des textes césariens, présente un court article sur l’importance d’une lecture attentive et contextualisée du de bello Gallico (BG), mais qui ne correspond pas à sa contribution lors de la conférence, pourtant plus originale, publiée dans le cadre d’un autre projet.[3] Dans le chapitre 2, Greg Woolf replace la guerre des Gaules dans le contexte de l’histoire et de la politique expansionniste de la République romaine liée à la compétition aristocratique pour le pouvoir à Rome. Il présente ainsi la Gaule et les Gaulois comme un « collateral damage » de la politique intérieure romaine. Enfin, dans un long chapitre 3, Ian Ralston dresse un portrait de la Gaule à l’aube de la conquête. Spécialiste de l’archéologie de l’âge du Fer en Gaule, l’auteur s’appuie sur sa connaissance exhaustive des sociétés du monde celtique pour offrir un contrepoint détaillé aux informations fournies par César. Sa conclusion rappelle l’importance des structures économiques gauloises dans la réalisation des campagnes militaires césariennes et dans la rapide assimilation des civitates dans l’empire romain.

Les dix chapitres suivants concernent plus directement les traces archéologiques des guerres romaines, mais sortent parfois du cadre de la guerre des Gaules. Ainsi, le chapitre 4 aborde les traces des guerres sertoriennes en Hispania. Après un bref rappel des principales interventions romaines dans la Péninsule Ibérique entre 218 et 19 av. J.-C., Ángel Morillo et Feliciana Sala-Sellés évoquent les traces archéologiques des guerres menées contre Sertorius entre 76 et 73 av. J.-C., peu identifiées jusqu’à présent. Ils soulignent le renouvellement méthodologique à l’œuvre depuis deux décennies et les progrès permettant une meilleure exploitation des données disponibles. Les auteurs notent pour la première fois l’identification de camps avec des défenses en terre et en bois datés de cette période, comme celui de Vila Joiosa. Le problème des traces archéologiques non contextualisées est évoqué avec la difficulté de dater certains militaria tardo-républicains, et le risque d’une identification trop systématique de la période sertorienne au détriment d’autres événements, comme les campagnes césariennes de 49-45. Si le sujet de cette contribution est éloigné de la guerre des Gaules, il souligne l’importance des apports de l’archéologie ibérique dans l’identification et la classification des traces archéologiques des guerres romaines dont bénéficient ensuite directement les recherches sur les campagnes militaires en Gaule.

Dans le chapitre 5, Gilbert Kaenel tente le difficile inventaire des traces archéologiques relatives aux événements narrés par César en 58, lors de sa campagne contre les Helvètes. L’auteur écarte notamment les traces d’incendies relevées à Bern ou au Mont Vully, puis évoque l’absence de vestiges du pont détruit par César ou des défenses établies par les Romains, ainsi que les incertitudes entourant la localisation de la bataille de Bibracte.

Dans le chapitre 6, Michel Reddé présente un bilan des récentes recherches archéologiques sur les travaux militaires romains durant la guerre des Gaules. L’auteur évoque rapidement le camp de Mauchamp, les découvertes plus récentes autour de Gergovie, puis le siège et la bataille d’Alésia, qui occupent sans surprise une place importante à travers un bilan des fouilles franco-allemandes de 1991-1997, et enfin le siège d’Uxellodunum dont la localisation est confirmée par les récents travaux de Jean-Pierre Girault.[4] L’auteur évoque l’intérêt et les enjeux futurs de l’archéologie militaire romaine. Bien que peu nombreuses, les traces archéologiques de la guerre des Gaules sont en effet inestimables pour notre connaissance des campagnes césariennes.

Le chapitre 7 présente la contribution de Nico Roymans sur l’archéologie de la violence de masse, en particulier autour du massacre des Tenctères et Usipètes en 55. L’auteur y défend notamment son hypothèse d’une identification du camp germain et du lieu du massacre à Kessel/Lith. Sa conclusion sur une activité génocidaire motivée par une haine des Romains à l’égard des peuples germains est discutable.[5]

Le chapitre 8 est l’occasion pour Andrew Fitzpatrick de faire le point sur les traces archéologiques des lieux de débarquement de César en Bretagne en 55 et 54. Les fouilles menées à Ebbsfleet ont permis l’identification de défenses érigées par les Romains après leur débarquement en 54. La comparaison des techniques utilisées avec celles d’Alésia et leur localisation sur la côte confirment ces hypothèses, d’autant plus que les traces archéologiques s’accordent avec le texte césarien.

Le chapitre 9 présente l’originalité d’aborder les traces archéologiques des défenses gauloises contre les Romains. Spécialiste des Bituriges, Sophie Krausz évoque d’abord la campagne de César sur leur territoire en 52 et le siège de leur capitale: Avaricum. L’auteur relève entre autres les traces d’un rempart massif caractéristique des oppida des Bituriges et présente ici ce qu’elle considère être une des dernières inventions gauloises en matière de défense: un remblai massif recouvrant et complétant un murus gallicus. Les similarités relevées entre différents sites indiqueraient un plan coordonné de défense élaboré au sein de la civitas.

Dans le chapitre 10, Lionel Pernet aborde l’archéologie et l’histoire des auxiliaires gaulois. Auteur d’une thèse sur l’armement de ces auxiliaires,[6] l’auteur s’intéresse principalement à leur identification grâce aux armes retrouvées en contexte funéraire (la liste des sites analysés est fournie en annexe). Entre autres points, Pernet relève dans l’évolution de l’architecture funéraire une volonté d’affirmer un nouveau pouvoir probablement acquis des mains des Romains en récompense de bons et loyaux services rendus lors de la conquête.

Dans le chapitre 11, Sabine Hornung revient sur les traces d’un camp romain découvert en 2010 à Hermeskeil en Allemagne. L’étude approfondie de la provenance des meules de pierre des moulins à main mis au jour semble s’accorder avec les mouvements des troupes romaines en Gaule entre 55 et 52 et l’auteur propose de voir dans ce camp une base d’opération utilisée par Labienus en 53, puis à nouveau contre les Trévires en 51.

Le chapitre 12 s’éloigne de la guerre des Gaules en présentant un site archéologique exceptionnel daté de la campagne de César en Espagne en 49, le site de Puig Ciutat, présenté par Àngels Pujol, Manuel Fernández-Götz et leurs collègues. Le site a été bien étudié et nous avons une bonne connaissance de son organisation interne, de sa chronologie et de son histoire. Daté du milieu du ier siècle av. J.-C., il présente des signes importants de destruction violente tels qu’ils sont désormais identifiés par les archéologues. Ces éléments permettent de conclure à un assaut mené par une armée extérieure, sans doute lors d’opérations précédant la campagne césarienne d’Ilerda contre un poste pompéien chargé de surveiller la route des Pyrénées.

Comme le précédent, le chapitre 13 ne reprend pas une contribution de la conférence mais présente un article de Colin Haselgrove sur l’importance de la guerre des Gaules dans la chronologie des monnaies de l’âge du Fer. L’auteur y souligne le point de repère que constitue la guerre des Gaules et insiste sur la nécessité de lier archéologie et numismatique dans ce dossier.

La numismatique constitue également le thème du chapitre 14 qui présente la contribution de Philip de Jersey sur la découverte du trésor Le Câtillon II à Jersey en juin 2012. Le trésor étudié comprend majoritairement des statères attribués aux Coriosolites mais l’auteur soulève à nouveau la question de l’identification de ces frappes, aucune inscription ne venant confirmer cette hypothèse uniquement basée sur les lieux de découvertes. Malgré un enfouissement plus tardif, lors de l’occupation romaine de l’île, une grande partie des pièces semble liée aux campagnes de 57 et 56 en Gaule: l’île de Jersey pourrait être un refuge pour des populations fuyant les troupes romaines ou illustrer un repli stratégique depuis l’Armorique.

Le chapitre 15 fait office de conclusion et Laurent Olivier revient sur le rôle des investigations du xixe siècle à Alise-Sainte-Reine dans l’identification de la période gauloise de l’âge du Fer tardif. L’auteur affirme ainsi que l’attribution aux Gaulois des armes mises au jour à Alise, établie par Jean-Baptiste Verchère de Reffye en 1864, aurait davantage contribué à la définition d’un âge du Fer tardif en Europe que la découverte du site de La Tène.

Au terme de cet ouvrage, l’objectif de ses éditeurs est atteint. Les contributions réunies ici allient synthèses et études de cas, croisant l’étude des textes avec l’archéologie et la numismatique, pour offrir un riche aperçu des récents développements de la recherche sur la guerre des Gaules. Mais au-delà de la seule étude de ce conflit, la variété des sujets pourra susciter l’intérêt de chercheurs travaillant aussi bien sur l’histoire militaire romaine que sur les sociétés d’Europe occidentale à la fin de l’âge du Fer. Le livre a surtout l’intérêt de réunir en anglais les contributions de différents spécialistes internationaux, souvent accessibles par ailleurs, facilitant ainsi l’accès à leurs recherches pour le grand public anglo-saxon.

Authors and titles

1. Introduction (Andrew Fitzpatrick and Colin Haselgrove)
2. Scylla, Caesar and Charybdis: (Mis)readings of the Gallic War (Christopher Krebs)
3. The Gallic Wars in Roman history (Greg Woolf)
4. The Sertorian Wars in the conquest of Hispania: From data to archaeological assessment (Ángel Morillo and Feliciana Sala-Sellés)
5. 58 BC: The Helvetii, from the Swiss Plateau to Bibracte… and back (Gilbert Kaenel)
6. Recent archaeological research on Roman military engineering works of the Gallic War (Michel Reddé)
7. Caesar’s conquest and the archaeology of mass violence in the Germanic frontier zone (Nico Roymans)
8. Caesar’s landing sites in Britain and Gaul in 55 and 54 BC: Critical places, natural places (Andrew Fitzpatrick)
9. Gauls under siege: Defending against Rome (Sophie Krausz)
10. Fighting for Caesar: The archaeology and history of Gallic auxiliaries in the 2nd – 1st centuries BC (Lionel Pernet)
11. The Hermeskeil fortress: New light on the Caesarian conquest of eastern Belgic Gaul and its aftermath (Sabine Hornung)
12. Archaeology of the Roman Civil Wars: The destruction of Puig Ciutat (Catalonia, Spain) and Caesar’s campaign in Ilerda (49 BC) (Ángel Pujol, Manuel Fernández-Götz, Roger Sala, Carles Padrós, Eduard Ble, Robert Tamba and Xavier Rubio-Campillo)
13. The Gallic War in the chronology of Iron Age coinage (Colin Haselgrove)
14. The island of Jersey: Focus of resistance or field of last resort? (Philip de Jersey)
15. The second battle of Alesia: The 19th-century investigations at Alise-Sainte-Reine and international recognition of the Gallic period of the late Iron Age (Laurent Olivier)

Notes

[1] Cette conférence s’inscrit dans le cadre de leur projet de recherche destiné à étudier les traces archéologiques des campagnes césariennes en Grande-Bretagne: In the Footsteps of Caesar: the archaeology of the first Roman invasions of Britain (University of Leicester).

[2] Michel Reddé, Siegmar von Schnurbein, Alésia. Fouilles et recherches franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du Mont-Auxois (1991-1997), Paris: De Boccard, 2001. Voir ensuite les publications du Centre archéologique européen de Bibracte : Matthieu Poux, Sur les traces de César. Militaria tardo-républicains en contexte gaulois, Glux-en-Glenne: Bibracte, 2008, et Michel Reddé, L’armée romaine en Gaule à l’époque républicaine. Nouveaux témoignages archéologiques, Glux-en-Glenne: Bibracte, 2018.

[3] Christopher Krebs, “The World’s Measure: Caesar’s geographies of Gallia and Britannia in their contexts and as evidence of his world map”, American Journal of Philology, 139/1, 2018, p. 93-122.

[4] Jean-Pierre Girault, La fontaine de Loulié au Puy d’Issolud. Le dossier archéologique du siège d’Uxellodunum, Glux-en-Glenne: Bibracte, 2013.

[5] Sur l’utilisation de la notion de génocide, voir Sophie Hulot, « César génocidaire? Le massacre des Usipètes et des Tenctères (55 av. J.-C.) », Revue des Études Anciennes, 120/1, 2018, p.73-99.

[6] Lionel Pernet, Armement et auxiliaires gaulois (iie-ier siècles avant notre ère), Montagnac : éditions Monique Mergoil, 2010.