BMCR 2015.12.22

Decimi Magni Ausonii, Ludus septem sapientum. Introduzione, testo, traduzione e commento. Spudasmata, Bd 160

, Decimi Magni Ausonii, Ludus septem sapientum. Introduzione, testo, traduzione e commento. Spudasmata, Bd 160. Hildesheim; Zürich; New York​: Georg Olms Verlag, 2014. cliv, 137. ISBN 9783487151656. €39.80 (pb).

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La célèbre légende des “sept sages”, forgée par la tradition grecque et qui devait être promise à une longue et large postérité, par le biais notamment de l’ Historia de septem sapientibus et de ses multiples versions en langue vernaculaire, pour l’occident, ou de son adaptation dans Les mille et une nuits en orient, a aussi et d’abord été diffusée et étudiée par les Latins, de l’époque classique à la fin de l’empire. Le poète bordelais Ausone a composé au sujet des sept sages grecs un court poème de 230 vers intitulé précisément Ludus septem sapientum, qu’il a dédié à un autre poète de son cercle, Latinus Pacatus Drepanius. C’est de cet opuscule qu’Elena Cazzuffi a proposé, dans sa thèse de doctorat, une nouvelle édition et une traduction italienne, introduites par une étude monographique sur le poème et suivies d’un commentaire vers à vers: l’ensemble paraît aujourd’hui dans la collection Spudasmata.

Dans une très riche introduction (p. lxv-cliv), que précède une abondante bibliographie (p. ix-lxiii), Elena Cazzuffi aborde, l’une après l’autre, toutes les questions qu’a posées ou que continue de poser cette pièce singulière de l’œuvre d’Ausone. Dans un premier chapitre, l’éditrice s’intéresse à la question du titre et du genre de l’opuscule, pour en conclure que le tire reçu de Ludus, dont on doutait de l’authenticité ausonienne, rend trop compte des différentes finalités de l’opuscule pour n’avoir pas été choisi par l’auteur lui-même: le poème fait en effet intervenir tour à tour, comme sur une scène de théâtre, les sept sages, qui se présentent eux-mêmes et énoncent la maxime qui leur est traditionnellement associée, la “pièce” étant introduite par un prologus et l’intervention d’un ludius; d’une manière qui emporte l’adhésion, l’éditrice propose ainsi de traduire “ Ludus ” par “spettacolo”, qui permet de comprendre d’un même coup la dimension théâtrale du poème, sa vocation de divertissement littéraire, ses rapports avec le dialogue philosophique et sa finalité proprement didactique de propédeutique à la sagesse (p. lxxii).

Se plaçant dans la lignée de R.P.H. Green, E. Cazzuffi propose (ch. 3) de voir dans le Ludus avant tout une œuvre scolaire; seulement, cette dernière n’aurait pas pour objet principal l’apprentissage du grec, de fait beaucoup moins mis en relief que d’autres aspects, mais le travail de mémorisation, associé à un apprentissage moral, enrichi d’une confrontation de la culture latine avec la culture grecque. Le poème présente les aspects d’un projet pédagogique complet (joignant à des fondements théoriques des indications pratiques, des exempla et des anecdotes); le dédiant à Pacatus peut-être comme à un ancien collègue magister, Ausone n’a de cesse que de faire entrer dans le Ludus les éléments caractéristiques de la poétique du lusus littéraire.

On trouvera dans les ch. 4 et 5 d’intéressants parallèles entre cette production littéraire d’Ausone et les diverses représentations des sept sages dans les autres arts: au théâtre, tout d’abord, qui se prête aisément à la comparaison, et dont il apparaît que le choix d’une fiction théâtrale pour la “mise en scène” des protagonistes peut être considéré comme une invention entièrement ausonienne; dans l’iconographie, ensuite (voir notamment, dans les notes des p. cvi-cvii, un relevé des œuvres antiques et tardoantiques ayant pris les sages pour sujet). Le chapitre suivant cherche à expliquer précisément par l’aspect théâtral donné à l’œuvre le choix métrique de l’auteur, qui a opté pour l’ïambe et le sénaire iambique (même si celui-ci est souvent irrégulier), ce qui rend plus naturelles ses multiples allusions à Plaute et à Térence et qui est en plein accord, dans le même temps, avec la finalité didactique du Ludus. Un important bilan est apporté aussi, dans le ch. 7, sur la place de l’opuscule ausonien dans la tradition, à la fois occidentale et orientale, des sept sages et de leurs maximes: l’éditrice a rassemblé au sujet des sages l’ensemble des témoignages grecs et latins (et donne, pour l’aire occidentale, le premier recensement exhaustif des documents en question), depuis la “proto-liste” de l’ Hippias majeur de Platon; il ressort de cette analyse que, chez les Romains, les sept étaient considérés (par Cicéron, Valère Maxime,…) comme des modèles de la bonne gestion de la cité plutôt que comme les exemples essentiellement éthiques que voyaient en eux les Grecs. C’est davantage sur cet arrière-plan culturel que doivent donc se mesurer les spécificités et l’originalité du poème d’Ausone.

Bien que ce texte ait été déjà édité une vingtaine de fois (voir, p. ix-x, une liste sélective des principales éditions), E. Cazzuffi entend donner ensuite une nouvelle édition du texte – ou pour mieux dire, un texte critiquement revu (d’ailleurs publié sans apparat). Elle ne la fait pas reposer, cependant, sur un examen direct du matériel manuscrit, mais prend pour base les apparats critiques des précédentes éditions (p. clxiii). On pourrait légitimer ce choix si les recherches sur les manuscrits n’avaient rien apporté à notre connaissance du texte d’Ausone depuis l’édition de Green. Mais tel n’est pas tout à fait le cas: concernant l’un de ses principaux témoins manuscrits, le ms. Leiden, Universiteitsbibliotheek, Voss. lat. 111 (V), l’éditrice est restée tributaire d’une bibliographie ancienne. Ce témoin a longtemps été considéré comme le manuscrit redécouvert par Iacopo Sannazaro à la fin de l’année 1502 sur l’Île-Barbe, près de Lyon, et à partir duquel l’humaniste napolitain avait compilé des notes et effectué une copie de plusieurs pièces, aujourd’hui conservées dans le ms. Wien, Österreichische Nationalbibliothek, 3261. Or, en 2002, Anne-Marie Turcan-Verkerk avait démontré, dans un article sur “L’Ausone de Iacopo Sannazaro: un ancien témoin passé inaperçu” (paru dans Italia medioevale e umanistica, 43, 2002, p. 231-312 et pl. VI-VII) que ce manuscrit humaniste était la copie non pas d’un témoin conservé (V), mais en réalité d’un autre témoin, lui aussi lyonnais, mais dont on n’a rien conservé d’autre (et qu’elle a siglé @); ainsi, toute moderne qu’elle est, la copie de Sannazaro revêt une grande valeur aux yeux des philologues, et devrait donc être convoquée au même rang que le ms. V et les deux autres témoins. Il eût été important de mesurer, à l’occasion de cette publication, la valeur de ce “nouveau” témoin @ (dont A.-M. Turcan-Verkerk avait d’ailleurs déjà indiqué quelques caractéristiques textuelles, concernant le Ludus, qui méritaient d’être prises en compte. (Pour être complet, je renvoie également aux derniers développements proposés tout récemment par Franz Dolveck au sujet de la tradition ausonienne et qui, parus en 2015, ne pouvaient bien sûr pas être connus de l’éditrice: “Les Orationes ‘d’Ausone’ et ‘de Paulin’: examen des problèmes liés à leur attribution” (en deux parties, dans Revue bénédictine, 125, 1 et 2, 2015.))

Quant au texte lui-même, publié avec sa traduction aux p. 2 à 17, il se signale surtout, vis-à-vis des tentatives antérieures, par un retour aux leçons des manuscrits (voir la table comparative des lieux variants par rapport à l’édition de Green, p. cliii-cliv): toutes ou presque sont justifiées, d’une manière raisonnable et assez convaincante, dans le commentaire qui suit le texte. La traduction, claire et élégante, soulève, quant à elle, deux ou trois questions tout au plus: au v. 22 (prologue; p. 2-3), Quid erubescis tu, togate Romule, Romule est traduit par “Romano”, sans que cela soit jamais expliqué; au v. 137 (Chilon; p. 10-11), Lacones est rendu par “Spartani”, alors que, s’agissant ici de la brevitas nota de ce peuple, “Laconici” aurait mieux correspondu à l’image traditionnelle dont il est question (E. Cazzuffi évoque d’ailleurs, dans les remarques stylistiques de son introduction, p. lxxxi, “la laconicità di Chilone”); au v. 166 (Thalès; p. 12-13), enfin, dans iubente Delio, le nom du Dieu aurait pu être conservé tel quel, plutôt qu’explicité (“per ordine di Apollo” pourrait au moins être complété par “Delio”).

Les “Note di commento” qui suivent, extrêmement riches (elles couvrent plus de cent pages), sont avec la présentation de l’œuvre brossée en introduction la partie véritablement novatrice de l’ouvrage. L’éditrice a rassemblé dans ce commentaire non seulement quelques notes critiques expliquant les choix qui l’ont amenée à proposer un texte latin différent de celui de ses prédécesseurs, mais aussi et surtout une explication vers à vers de chacune des sections de la pièce poétique. Le lecteur y trouvera l’explicitation de toutes les allusions faites par le poète, d’utiles rappels historiques sur les personnages évoqués par les “sages”, des considérations d’ordre grammatical, stylistique et poétique, qui cherchent à expliquer les choix de l’auteur en accordant la plus grande place aux échos poétiques, qu’ils soient faits avec d’autres œuvres d’Ausone ou qu’ils se réfèrent aux compositions d’autres poètes, classiques ou contemporains du Ludus. Un index général, des noms propres et des notabilia achève commodément le volume.

Signalons, pour finir, quelques détails qui pourraient éventuellement gêner la lecture: les références faites au ms. V le sont bien à des folios, et non à des pages (comme par exemple p. cxxxiv); toujours concernant les manuscrits, l’éditrice choisit de signaler leurs cotes en latin, ce qui ne pose généralement aucune difficulté d’identification, hormis pour le “ Par. S. German. lat. 1044” (mentionné p. cxlviii), qui est l’actuel ms. Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 12600, mais qui ne contient que des vies de saints ; l’éditrice reproduit en fait une erreur de R. Peiper (lui-même dépendant de E. von Wölfflin) et doit vouloir faire référence au ms. Paris, BnF, lat. 3835. D’une manière générale, l’ouvrage est loin d’être dépourvu de coquilles, particulièrement nombreuses dans la bibliographie, surtout pour les titres en langue étrangère; il faut également corriger dans ces dernières pages quelques références erronées : p. xlii, l’article de J.F. Matthews est aux p. 1073-1099; p. xliii, l’article de Mondin 1994a commence à la p. 192 et non à la p. 125, etc.

Quoi qu’il en soit de ces dernières remarques, il est évident qu’une étude aussi approfondie de ce bref texte, aussi vaste que précise (par la contextualisation générale opérée dans l’introduction et l’analyse détaillée de son contenu donnée dans le commentaire), est appelée à devenir l’ouvrage de référence pour les lecteurs du Ludus et des autres opuscula d’Ausone.

Table des matières

Premessa
Riferimenti bibliografici
Edizioni e traduzioni citate
Opere di consultazione
Altre abbreviazioni bibliografiche

Introduzione
1. Il titolo e il genere
2. L’omaggio a Latino Pacato Drepanio
Latino Pacato Drepanio
Dediche poetiche: dei cliché da rispettare
3. Il Ludus tra la scuola e la poetica del lusus
Un’opera di scuola
Il greco nella scuola e le γνῶμαι
I contenu morali e la memorizzazione
La formazione dell’aristocrazia
Il lusus letterario
4. I sette sapienti a teatro
La struttura del dramma
Un teatro civico e di “costumi”
Possibili paralleli
5. Aspetti dell’opera riconducibili alla tradizione iconografica
6. I senari giambici del ludus
7. Cenni sulla circolazione dei nomi e dei detti dei sette sapienti
Area orientale
Area occidentale
8. Tradizione del Ludus septem sapientum e cenni sulla sua fortuna umanistica e rinascimentale
9. Le Sententiae septem sapientum e il De septem sapientibus ex Graeco

Abbreviazioni dei titoli delle opere di Ausonio
Nota al testo
Testo e traduzione
Ludus septem sapientum

Note di commento
Ausonius Consul Drepanio Proconsuli Salutem
Prologus
Ludius
Solon
Chilon
Cleobulus
Thales
Bias
Pittacus
Periander
Indice dei nomi e delle cose notevoli