BMCR 2010.08.52

John the Physician’s Therapeutics: A Medical Handbook in Vernacular Greek. Studies in Ancient Medicine 37

, John the Physician's Therapeutics: A Medical Handbook in Vernacular Greek. Studies in Ancient Medicine 37. Leiden/Boston: Brill, 2009. x, 377. ISBN 9789004177239. $185.00.

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Cet ouvrage consiste en l’édition et la traduction de plusieurs versions d’un traité grec de thérapeutique du 13e siècle. L’intérêt, outre philologique pur, réside dans les ajouts d’un commentateur anonyme (cas cliniques, diagnostics différentiels, considérations environnementales ou mise en évidence de facteurs causaux ou favorisant l’apparition des maladies, etc.). Zipser, rattachée à la Royal Holloway University of London, qui domine son sujet, présente son travail de façon didactique, malgré une absence inexplicable (ou inexcusable ?) : pourquoi avoir édité sans la traduire la version en grec vernaculaire (version ω) du iatrosophion ? Le lecteur aurait alors doublement saisi (dans le texte et dans sa traduction anglaise) la consistance des ajouts du commentateur tardif.

Pour le reste, la présentation est on ne peut plus classique, et ne souffre aucune critique : courte présentation du sujet (texte médico-thérapeutique byzantin), mise en perspective rapide avec d’autres types d’ iatrosophia (notamment celui de Theophanès Chrysobalantès), catalogue des différentes versions existantes (dispersées à Munich, Paris, Londres, Iviron – Mont Athos, Florence, Vienne et Rome), présentation de la méthode éditoriale et synthèse (très courte) sur la pratique médicale byzantine. Présentée par son auteur comme un épitomé de recettes tirées d’un ouvrage de Galien ( De locis affectis), il s’agit en réalité d’une compilation de recettes et de petits actes médicaux, destinée à une pratique courante. Dans le manuscrit original (version aleph, pour Zipser), 216 entrées sont dénombrées, intéressant l’ensemble de l’organisme humain, les deux sexes et tous les âges. Des accidents de la vie quotidienne sont pris en compte dans ce corpus : contre les vers dans les oreilles, pour blanchir les dents, contre les blessures aux pieds causées par les sandales, contre les intoxications aiguës à la suite d’une ingestion de champignons vénéneux, contre les morsures de serpents et de chiens enragés, contre les piqûres d’hyménoptères et de scorpions, contre les griffures de coraux, etc. On trouve aussi des recettes contre les ronflements, contre ceux qui souffrent de boulimie (littéralement, ceux qui “ont un appétit de chien”), etc. On notera, à chaque fois, l’utilisation en grande partie de produits naturels isolés (minéraux, végétaux, animaux) et, parfois, de préparations thérapeutiques déjà existantes (remède de Mnaseos, remède au musc, remède aux trois poivres, emplâtre de vertu, sel de Gangra) et d’eau bénite (cette dernière servant aux soins des épileptiques, par exemple).

La troisième partie consiste, on l’a écrit plus haut, en l’édition de la version ω munie de tout l’appareil critique nécessaire mais hélas dépourvue d’une traduction anglaise.

L’appendice terminal comporte : une table synoptique des différents chapitres des deux versions ( aleph et ω), avec le manuscrit d’origine pour la version ω; une liste des termes grecs vernaculaires et/ou ambigus avec leurs correspondants classiques ; le pinax de la version L; une courte bibliographie (4 pages seulement) ; un index des termes de matière médicale, des instruments médico-chirurgicaux, des synonymes et des noms propres de médecins.

En pratique, cet ouvrage doit surtout être considéré comme un texte brut proposé à des études ultérieures (malheureusement absentes de ce volume) : comparaison avec d’autres traités thérapeutiques contemporains ; filiation avec la pratique médicale hippocratique, galénique et arabe ;; pratiques magico-médicales et/ou d’inspiration religieuse dans les dérèglements de l’humeur ; symbolisme de certaines matières employées lors de traitements spécifiques (fièvres récurrentes, convulsions, jaunisse, etc.) etc.

Un exemple, pour développer ce dernier point, lorsque l’usage de dérivés d’oiseaux est décrit dans les lésions ophtalmologiques :

On hardening of the eye. Hardening of the eye is when the eye moves with force and pain. Also, they are red and have no tears. Apply vapour baths with water from a river with a new sponge as long as is it warm. Put goose or bird fat on the eyes before bedtime. Anoint table oil on the head (paragraphe 92, page 115).

Cette section décrit une xérophtalmie (le terme grec usité dans le manuscrit correspondant à l’ancien terme médical, désormais désuet, de sclérophtalmie). Si l’usage d’eau claire est destinée à hydrater très logiquement la muqueuse oculaire, l’emploi de matières premières d’origine ornithologique s’explique par la faculté de ces animaux de cicatriser bien plus vite que les sujets humains, notamment pour leurs lésions oculaires (bien que ce soit plutôt le sang qui soit usité en pareil cas…). Nous avons déjà décrit ce fait avec Clarisse Prêtre dans l’analyse critique du iama de Valerius Aper provenant d’Epidaure, aveugle guéri par l’application de sang de coq et de miel sur ses yeux en collyre.1

Dans tous les cas, soyons reconnaissants envers l’auteur d’avoir fourni un travail d’édition remarquable, et d’une grande clarté, sur un texte particulièrement difficile. Les historiens de la médecine centrés sur la pratique médiévale ou sur la modernité de l’Antique auront du mal à se passer de cet ouvrage, dont ils se serviront comme d’une matière première particulièrement féconde. On peut en revanche espérer que Barbara Zipser, ses collègues et/ou ses élèves fourniront une analyse non plus seulement philologique mais aussi médicale et historique de ces multiples recettes et cas cliniques.

Notes

1. Prêtre C, Charlier P. Maladies humaines, thérapies divines. Analyse épigraphique et paléopathologique de textes de guérison grecs. Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2009, pp. 2019-220.