C’est avec une remarquable rapidité que paraît le deuxième volume du corpus des inscriptions de Cos, deux ans après le premier (BMCR 2011.04.37). La continuité est assurée par une pagination et une numérotation continues. Comme pour le précédent, on pourra regretter l’absence de planches photographiques, prévues pour l’ultime volume de la collection. Grâce à l’énergie déployée par Kl. Hallof, il ne devrait néanmoins pas tarder à paraître.
Le présent volume est découpé en quatre parties. La première (ch. VII) regroupe les catalogues : listes de souscripteurs, particulièrement nombreuses à Cos (52 inscriptions), catalogues de vainqueurs à des concours (Dionysies et Asklèpieia), listes de magistrats (dans cette rubrique se trouve un petit groupe de textes de genres assez différents, car il n’y a qu’une seule véritable liste, d’Halasarna, n° 459), listes de citoyens et d’étrangers. Suit un morceau de choix, les dédicaces (ch. VIII ; 321 inscriptions), avec un grand nombre de dédicaces privées (66). La partie consacrée aux inscriptions honorifiques contient encore plus d’inscriptions (ch. IX ; 372 inscriptions) : ici, ce sont les inscriptions à caractère public qui sont en plus grand nombre. La dernière partie (ch. X) rassemble les bornes (51 inscriptions).
Le corpus rassemble ainsi plus de 800 inscriptions, auparavant dispersées dans un grand nombre de publications. On y trouve près de 220 inédits,1 issus d’une longue quête à Cos, mais aussi dans les carnets de R. Herzog, systématiquement utilisés. Il y a certes une majorité de fragments souvent insignifiants – pour lesquels le grand format des IG est particulièrement inadapté. Mais l’édition exemplaire des inscriptions déjà connues, leur reclassement et le rassemblement de ces dossiers constituent en soi de remarquables nouveautés.
La nature des inscriptions éditées dans ce volume est particulière : elles apportent à l’historien avant tout un très important nombre de noms, tant dans les listes que les inscriptions honorifiques et les dédicaces. Les spécialistes disposent ainsi d’un remarquable matériel onomastique, appelé à s’étendre lorsque les inscriptions funéraires seront éditées. Certains dossiers apparaissent désormais dans leur unité et pourront être étudiées à nouveaux frais, telles les listes de souscripteurs, enrichies de six inédits (n° 425-427, 435, 443 et 444). Il en va de même pour le foisonnant ensemble de textes touchant au médecin de Claude, G. Stertinius Xénophôn, qui bénéficie de 58 dédicaces (dont 11 inédites), auxquelles s’ajoutent 20 inscriptions honorifiques (dont trois inédites), plus une, nouvelle, émanant de dèmes coéens (n° 1184). Relevons aussi l’intérêt des bornes, notamment celles des domaines sacrés des regroupements gentilices que doivent être les Nestoridai, les Maiônidai ou les Kentreidai (époque hellénistique, avec plusieurs nouveautés).
Certaines inscriptions nouvelles méritent d’être signalées. On regrettera qu’à nouveau2 le principe de la brevitas si rigoureusement promu dans les volumes des IG se traduise par l’indigence des commentaires, réduits, lorsqu’il y en a (nombre d’inscriptions sont éditées sans une ligne de commentaire), à des rapprochements prosopographiques. Personne n’était mieux placé que les éditeurs pour éclairer, ne serait-ce que d’une phrase, certaines difficultés des nouveaux textes, ou tout simplement signaler leur intérêt historique ou linguistique. La rigueur avec laquelle est appliqué ce choix dans les derniers volumes des IG me semble excessive. Nombre d’inscriptions ont attendu un siècle avant leur édition dans ce corpus ; une attente prolongée de six mois ou d’un an, qui aurait permis la rédaction de brefs commentaires, n’aurait pas été dommageable pour le public savant.
Sans pouvoir en faire le tour, on signalera ici quelques intéressantes nouveautés. — Dans les listes de souscripteurs, il s’agit souvent de noms rares ou nouveaux : dans le n° 443 (fragment du début II e s. a.C.) l’épichorique Εὐξίμβροτος et le rare Πειθάνωρ, ou, dans l’inscription suivante, [Κορ]άλλειν, équivalent de Κοράλλιον. Une dédicace de la seconde moitié du IV e s., adressée à Athéna et à Asklépios émane d’un certain Χενάνθης (n° 496) : le nom est nouveau.
Parmi les nouvelles apparitions dans la société coéenne, on peut relever un Laodicéen et son épouse Antiochéenne, auteurs d’une dédicace aux divinités égyptiennes dans la première moitié du II e s. a.C. (n° 552). La base a été réutilisé au I er s., comme le montre la signature d’un sculpteur inconnu jusque là, Onasas d’Halicarnasse (qui apparaît également dans le n° 1049). Deux siècles plus tard, un texte original concerne les mêmes cultes : il s’agit apparemment d’une inscription honorifique, consécutive à un vote du peuple, pour une femme, défunte, qui a consacré tout un ensemble d’objets de cultes, inventoriés dans le texte (n° 853). — Du n° 861, une autre inscription honorifique (2e moitié du I er s. a.C.), un seul fragment était connu : les deux autres publiés ici donnent le nom de l’ honorandus, C. Paccius Balbus, préteur, désigné comme patron de la cité. Parmi les grands personnages honorés par la cité de Cos, on peut évoquer Pythodôris, fille de Polémon, roi du Pont (n° 883) ou Trajan, sôtèr et ktistès (n° 899, ce titre était jusque là bien attesté pour son successeur Hadrien). — Une des plus intéressantes nouveautés du corpus est l’inscription honorifique d’Halasarna, qui bénéficie également d’une édition soignée de D. Summa, pour un citharode dont le palmarès est reproduit (n° 1166).3 Il a entre autres été vainqueur aux Klaudeia de Rhodes, dont c’est la première apparition (alors que des Klaudeia sont attestés dans plusieurs cités).
D’une manière générale, ce nouveau fascicule du corpus de Cos ouvre la voie à bien des études. D’abord d’histoire sociale, avec les souscripteurs, surtout à l’époque hellénistique, les dédicants, les personnes honorées, surtout à l’époque impériale. Il y aurait là matière à s’interroger sur l’habitus épigraphique de Cos, avec sa foisonnante série de listes, et sur les pratiques sociales qu’elle pourrait traduire. Mais les spécialistes d’histoire religieuse y trouveront aussi leur compte, grâce aux séries de dédicaces ou de bornes. Ce ne sont que deux exemples des richesses de ce corpus. En attendant la parution des prochains volumes, qui devrait être rapide, on saluera de nouveau la réussite exemplaire de cette entreprise.
Notes
1. Leur décompte dépend de la prise en compte des fragments nouveaux d’inscriptions anciennement connues : la liste donnée à la fin du volume donne 225 numéros, y compris ces fragments.
2. Sur cette absence encore plus gênante pour le précédent volume, cf. Bulletin épigraphique de la REG 124 (2011), 472.
3. D. Summa, « Ein neuer Kitharöde aus Kos (IG XII 4, 2, 1166) », ZPE 184 (2013), p. 175-182.