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L’archéologie funéraire étrusque fait partie des domaines de pointe à la fois dans le domaine de l’archéologie funéraire méditerranéenne en général et dans celui de l’étruscologie proprement dite. Les recherches entreprises par les archéologues et les historiens italiens et étrangers sur les nécropoles d’Italie centrale ont, depuis plusieurs décennies déjà, fait figure de précurseurs et de modèles. On leur reprochera pourtant de se concentrer sur les découvertes les plus spectaculaires, les tombes dites « princières », abondantes durant toute l’époque archaïque. L’ouvrage d’Anthony Tuck (ci-après AT) représente la publication d’une série de tombes mise au jour à Poggio Aguzzo en 1972 et dont les caractères permettent de montrer un autre faciès du monde étrusque à l’époque archaïque.
Les tombes de Poggio Aguzzo semblent dépendre d’un habitat contemporain installé sur la colline voisine de Poggio Civitate (Murlo, le nom antique demeure inconnu), située au centre d’un carré formé par Vetulonia, Chiusi, Arezzo et Volterra. Poggio Civitate représente l’un des sites de cette région de l’Etrurie septentrionale connue pour être riche en métaux et le centre d’un commerce intense aux hautes époques. Le site est surtout célèbre pour ces grands bâtiments princiers de la fin du VIIe siècle et du début du VIe siècle avant n.è. situés sur le plateau de Piano del Tesoro, et dont les toits du bâtiment de la seconde phase d’occupation étaient ornés d’acrotères figurés de grande dimension (notamment le fameux ‘cowboy’ de Murlo). Pourtant, par la relative simplicité de ses aménagements et l’absence d’ostentation dans son installation, la nécropole dont AT nous livre ici la publication définitive est loin de correspondre à une nécropole ‘princière’.
En tout, neuf tombes à inhumation en fosse simple sont présentées en détail. L’ouvrage débute par une série de trois chapitres introductifs. Après un rapide rappel sur le site et les conditions de la découverte (‘pp. 1-3), AT fournit une description sommaire des fouilles ( 5-10), tombe par tombe. Compte tenu de la simplicité du traitement du défunt et des structures funéraires, l’auteur passe très vite sur la typologie et se concentre surtout sur le mobilier et son emplacement. Le troisième chapitre (11-23) fait le point sur la chronologie relative et absolue de la nécropole dont les tombes s’échelonnent entre 650 et 625 av. n. è., ce qui correspond en partie à la première phase de l’habitat de Poggio Civitate, qui se clôt à la fin du VIIe siècle avec une destruction par le feu.
Les quatre principaux chapitres qui forment le corps de l’ouvrage, sont consacrés au mobilier. Celui-ci est divisé en deux ordres : le mobilier céramique et le mobilier métallique. S’agissant du premier, AT analyse d’abord la typologie des vases (25-48), puis leurs décors (49-72). Une troisième étude, succincte, est consacrée aux autres objets céramiques (73-74), en l’occurrence des pesons. Le dernier chapitre étudie les objets métalliques (75-82), essentiellement des armes (pointes et talons de lance, couteaux, dagues, pointes de flèches), mais aussi une boucle de ceinture, des fibules et des épingles.
Un dernier chapitre (83-98) élargit la perspective et propose une mise en contexte des découvertes de Poggio Aguzzo en relation avec l’habitat proche de Poggio Civitate, mais aussi par rapport aux pratiques funéraires en vigueur sur d’autres sites étrusques (Veii, Chiusi, Cerveteri, etc.). Ce chapitre permet de mettre en relief l’originalité du site Poggio Aguzzo – Poggio Civitate dans l’évolution du monde étrusque dans la seconde moitié du VIIe siècle. Le site est présenté comme l’exemple d’une tentative avortée de suivre un modèle alternatif de développement social et politique, basée sur l’éparpillement et la multiplicité des noyaux d’occupation, opposé à la centralisation urbaine des autres grandes cités étrusques (AT parle de « more aggressive urban strategies », p.97).
Viennent ensuite le catalogue (99-129), organisé tombe par tombe et dans lequel chaque objet est traité en détail (mesures, condition, description), une bibliographie, les figures et les planches. L’ouvrage ne comporte pas d’index ni table des figures et des planches. La numérotation continue des objets permet une bonne maniabilité entre le texte, le catalogue et les figures.
C’est probablement sur le plan de la documentation iconographique que l’essentiel des réserves peuvent être émises. Tout d’abord, l’absence d’un plan topographique global incluant Poggio Civitate et Poggio Aguzzo est d’autant plus dommageable que la relation entre l’habitat et sa probable nécropole est l’un des axes majeur de l’étude d’AT. On regrettera également l’absence de plans des tombes elles-mêmes et la faible qualité du plan de la ‘nécropole’ (fig.1) qui ne comprend que six des neufs tombes étudiées. Enfin, les profils des vases, dont il n’est pas précisé s’ils sont d’AT ou des fouilleurs de 1972 (la seconde hypothèse étant la plus probable), sont loin d’être satisfaisant compte tenu des conventions actuelles (absence d’uniformisation des profils, absence d’échelle, décors pas toujours représentés). Les photographies présentées dans les planches, de bonne qualité mais elles aussi sans échelle, permettent de compenser en partie ce défaut, mais en partie seulement. Par exemple, le guerrier incisé sur l’anse du kyathos cat. n°38 (pl.XIX) aurait mérité un dessin à lui seul.
Une autre lacune est l’absence d’analyse ostéologique ou taphonomique. Seule l’orientation du squelette est indiquée. Mais peut-être est-ce dû au manque de données d’une fouille de 1972 ? Si tel est le cas, comme pour la question des dessins céramiques, il eut été souhaitable que l’auteur explique au lecteur les limites de son étude et le poids de ces contraintes.
Un troisième point est évidement le caractère limité de l’échantillon : neuf tombes seulement. AT est bien conscient de cette limite. De son propre aveu, l’ouvrage ne peut que représenter une étude préliminaire (à 180 euros tout de même !) de ce qui serait une fouille plus extensive. D’ailleurs il est indiqué dans l’introduction (p. 2) que d’autres tombes, à crémation cette fois, ont été signalées lors de la première découverte du site dans les années 1920, sans que l’on puisse déterminer si elles appartiennent à la même période que celles de Poggio Aguzzo. Même si AT reste le plus souvent dans le domaine des hypothèses raisonnables et tire tout le parti possible de son échantillon, toujours est-il qu’il apparaît encore prématuré de tirer des conclusions définitives sur les pratiques funéraires et la structure sociale des habitants de Poggio Civitate au vu des seules sépultures de Poggio Aguzzo. D’ailleurs, AT semble hésiter à attribuer ces tombes aux usages des bâtiments princiers du plateau de Piano del Tesoro (p. 93 : “the relative modesty of these burials suggests a segment of the population that is not currently preserved in the surviving examples of architecture from Poggio Civitate”).
Finalement, le cœur du propos d’AT demeure le faciès céramique représenté par le mobilier funéraire. Sur ce plan, l’auteur soutient, semble-t-il avec raison (du moins autant qu’un non spécialiste de la céramique étrusque puisse en juger), que les vases présents dans les tombes relèvent pour leur grande majorité d’une production locale, sans pouvoir pour l’instant en apporter la preuve absolue considérant l’absence de découverte de four de potier ou de lieux de fabrication sur le site. Tout en reconnaissant que ce faciès participe à la spécificité de Poggio Civitate dans l’ensemble de la culture matérielle étrusque de l’époque archaïque, AT rappelle que les autres sites de la région possèdent également leur production locale et que tout cela semble participer d’un système général où les élites locales contrôlent l’ensemble de la chaîne opératoire, depuis la fabrication, le choix du style et jusqu’à l’usage final de l’objet au sein de rituels funéraires plus ou moins particuliers (p. 97). D’où l’impression de grande diversité dans la combinaison des paramètres funéraires en Etrurie de la fin du VIIe-début du VIe siècle av. n.è. (p.88). Ces propositions sont particulièrement stimulantes et, malgré quelques points discutables, remportent l’adhésion. Il convient cependant de garder à l’esprit que notre connaissance des pratiques funéraires de Poggio Civitate demeure encore particulièrement limitée compte-tenu de l’échantillon relativement réduit de tombes connues dont rien ne dit si elles représentent la tendance dominante ou majoritaire des ses habitants.
L’apport essentiel de l’ouvrage, outre la qualité intrinsèque des analyses stylistiques proposées et les efforts de contextualisation historiques, est de montrer que les tombes étrusques ‘modestes’ existent aussi, parallèlement aux tombes princières, et doivent donc participer à toute discussion sur les pratiques funéraires de cette région. On regrettera la perspective un peu ‘traditionnelle’ de l’enquête, centrée sur le mobilier accompagnant, le caractère limité de l’échantillon et surtout la faiblesse des illustrations. Le présent ouvrage, s’il ne suffit donc pas à chambouler les perspectives, contribuera certainement à éclairer notre connaissance de la région.
Table of contents
Ancknowledgments
Introduction
Summaries of Tomb Excavations
Chronology
Vessel Shape, Fabric, Type and Derivation of Form
Decoration of Pottery
Other Ceramic Objects
Metals
The Social Context of Poggio Aguzzo anf Poggio Civitate
Catalog
Abbreviations
Bibliography
Figures
Plates