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Cet ouvrage collectif constitue les actes d’un colloque qui du fait de la COVID 19 n’a pas pu avoir lieu. Ses 21 articles peuvent se rassembler autour de trois aires : Tios, le nord de la Turquie et, de manière plus générale, la mer Noire. Tios est une cité grecque du littoral sud du Pont-Euxin, dont le site est partiellement à l’écart de la petite ville moderne de Filyos, ce qui a favorisé le développement de fouilles programmées depuis 2006. On distingue une acropole inoccupée aujourd’hui et une ville basse dont les marges occidentales sont occupées par la ville moderne.
G. R. Tsekhladze présente dans un article resté malheureusement inachevé du fait de son décès la topographie du site, les principaux éléments liés à la période de la colonisation par des Milésiens à la fin du VIIe s. ou au début du VIe s. av. J.-C. (habitat enterré ou semi-enterré, céramique grecque et phrygienne), ainsi que la nécropole.
A. Podossinov étudie l’ensemble des descriptions géographiques antiques qui mentionnent Tios. Elle est aussi fréquemment citée que les grandes villes d’Amastris et d’Héraclée du Pont. Il met en doute l’existence d’un itinéraire terrestre côtier tel qu’il apparaît sur la Table de Peutinger en raison du relief difficile, notamment entre Sinope et Héraclée du Pont.
Ş. Yıldırım synthétise les résultats des fouilles des temples de l’acropole de Tios. Trois temples se succèdent sur la deuxième terrasse de l’acropole : un temple archaïque, un temple hellénistique plus grand et enfin un temple à podium probablement bâti dans la première moitié du IIIe s. ap. J.-C. Selon l’auteur, cet espace cultuel serait consacré à Zeus Syrgastes, car ce dieu est important dans le panthéon local.
S. Atasoy présente sommairement les résultats de la fouille d’un secteur de la ville basse de Tios : des dolia, des murs de bâtiments romains tardifs et byzantins, des mosaïques et des canalisations romaines, l’abside d’une église. L’auteur publie également cinq lampes à huile et deux instruments cosmétiques en alliage cuivreux de ce secteur.
E. Dandrow publie un catalogue de 28 monnaies datées du IVe s. av. J.-C. à l’époque ottomane découvertes lors des fouilles de 2015 et 2016 et d’un trésor dont il ne reste que 433 monnaies datées entre 294 et 306 ap. J.-C., provenant de différents centres d’émission aussi bien orientaux qu’occidentaux. La prédominance des frappes occidentales entre 299 et 303 est attribuée à la fermeture de plusieurs ateliers orientaux et aux besoins liés à la fin de la guerre contre les Perses en 298.
M. Manoledakis étudie les peuples attestés dans les sources littéraires autour de Tios au moment de sa fondation par les Milésiens : Caucones, Paphlagoniens, Bithyniens et Mariandyniens. Il est dommage que ces données provenant des sources littéraires n’aient pas été confrontées aux sources archéologiques et épigraphiques, puisque deux graffiti en caractères phrygiens ont été découverts à Tios.
E. Çelikbaş présente les résultats des premières fouilles d’Hadrianopolis en Paphlagonie (Eskipazar). La présence d’une fortification romaine du IIe s. ap. J.-C. s’expliquerait par le rôle de carrefour commercial d’Hadrianopolis en Paphlagonie. Les fouilles de tombes romaines creusées dans la roche de la nécropole témoignent de l’identité locale : les premières monnaies connues d’Hadrianopolis, datées des règnes de Marc Aurèle et Lucius Verus, et des sandales, qui pourraient témoigner d’un rite funéraire local.
A. Bora et Y. Bora mettent en valeur les réalisations effectuées au cours des séjours d’Hadrien dans l’est de la Bithynie et dans l’ouest de la Paphlagonie en 117, en 123 et en 131. Ils lient ces différentes interventions aux séismes de 120 et de 128 liés à la faille nord-anatolienne. La plupart des réalisations sont des restaurations ou reconstructions réalisées après le premier séisme. De ces actions témoignent des dédicaces de monuments, mais aussi des monnaies comme celles de Nicomédie sur lesquelles Hadrien est qualifié de Restitutor et des changements dans le nom des villes, Césarée qui devient Hadrianopolis. Selon les deux auteurs, ces interventions témoignent du rôle d’Hadrien comme restaurateur de la province.
Ş. Dönmez publie un long article sur l’influence des Phrygiens en Anatolie, qui retrace leur histoire, depuis leur migration à partir de l’espace balkanique à l’âge du Bronze, tout en mettant en valeur certains sites attribué aux Phrygiens localisés dans lieux importants pour la Turquie actuelle comme l’esplanade de Saint-Sophie à Istanbul ou Ankara. Sa conclusion est que le royaume phrygien de Gordion n’est qu’un royaume local, même si des éléments liés à la culture phrygienne se retrouvent dans toute l’Anatolie centrale, notamment car, après la mort de Midas, de petits groupes de nobles phrygiens s’installent notamment en Cappadoce et dans la région d’Eskişehir-Afyon.
F. G. Ekmen présente la céramique commune du premier âge du fer trouvée dans la grotte d’Inönü (province de Zonguldak) habitée à la fin de l’âge du Bronze final et au début du premier âge du Fer. En majorité, elle présente une continuité avec les céramiques du niveau de l’âge du Bronze, alors qu’ailleurs cette céramique est attribuée à des nouveaux arrivants venus des Balkans au début de l’âge du Fer.
E. Sökmen Adalı étudie les tunnels des fortifications mithridatiques creusé dans la roche. À partir d’une liste et d’une carte de répartition de ces 60 galeries, elle met en lumière leur rôle dans l’approvisionnement en eau, soit qu’elles mènent à une rivière, ou qu’elles permettent de capter ou de stocker de l’eau.
B. Öztürk offre une histoire assez détaillée d’Héraclée du Pont depuis sa fondation jusqu’à la conquête romaine, puis un aperçu de la vie sociale et culturelle d’Héraclée en s’appuyant sur les inscriptions. Il présente les principaux cultes, les spectacles, l’éducation, l’onomastique, les métiers, ainsi que les institutions politiques. Il relève le maintien d’un héritage mégarien dans cette cité même durant le Haut-Empire avec notamment des institutions comme le basileus et les damiourgoi et des formes doriennes qui continuent à être utilisées dans les inscriptions héracléotes comme damos ou gyna.
À travers l’étude du monastère arménien de Saint-Jean-Chrysostome à Bizeri près de Comana Pontica, D. Burcu Erciyas et P. Ivanova proposent une méthode pour compenser la faiblesse des renseignements sur les vestiges et la microtoponymie fournis par les habitants arrivés sur place après 1918. Elles utilisent des témoignages transmis par écrit par les Grecs et les Arméniens qui ont fui la région après 1918. Cette mémoire locale en exil, jointe aux démarches traditionnelles d’exploration des archives et des récits de voyage, permet de mieux connaître les monuments antiques et médiévaux du nord de l’Anatolie.
D. Stoyanova et M. Damyanov décrivent les derniers résultats concernant le sanctuaire d’Apollonia du Pont sur l’île Saint-Cyr. Les fondations de deux temples sont respectivement datées des dernières décennies du VIe s. av. J.-C. et des premières décennies du Ve s. L’étude de fragments architecturaux en marbre, de tuiles, de plaques en céramiques représentant des combattants et de vases permet de supposer la présence d’un troisième temple. Les tuiles découvertes s’inscrivent dans la tradition milésienne et témoigneraient soit d’importations milésiennes, soit de productions locales réalisées par des artisans milésiens.
V. Lungu, P. Dupont et S.-C. Ailincăi examinent le matériel archaïque de Beidaud, un site gète de l’intérieur situé à une trentaine de kilomètres à l’ouest de la colonie grecque d’Orgamè. Le profil amphorique est différent de celui de Vișina, beaucoup plus proche d’Orgamè, du fait de la rareté des conteneurs à huile à Beidaud. Cela est attribué à un régime alimentaire moins influencé par celui des Grecs. Un fragment d’une amphore hellénistique timbrée qui pourrait provenir de Démétrias est illustré.
S. Zadnikov et I. Shramko étudient les importations grecques archaïques dans les établissements et les tombes des populations non grecques du nord de la mer Noire. Les premières importations d’amphores de vin et de céramiques fines liées au vin du troisième quart du VIIe s. av. J.-C. concernent les élites tribales de grands sites comme Nemyriv ou Bilsk. À la fin du VIIe s., un commerce régulier se met en place avec les colonies grecques notamment Berezan’ et Taganrog. Les importations grecques apparaissent dans les tombes des guerriers de rang moyen à la fin du VIIe s, puis dans les tombes de l’élite au début du VIe. Les auteurs s’opposent à l’idée des contacts précoloniaux comme vecteurs de la diffusion de cette céramique, car ces importations sont postérieures à la colonisation.
D. Chistov présente les résultats des fouilles de la maison de Pythès fils de Periclès à Berezan’, ainsi nommée car un graffito portant ce nom sur une coupe datée du milieu ou du troisième quart du VIe s. av. J.-C. y a été découvert. Cette maison recouvre vers 540 des structures enterrées d’habitation datées du milieu du VIe s. Elle connaît ensuite deux phases séparées par un incendie dans le dernier quart du VIe s. Cette demeure, près de 320 m², espace non bâti inclus, est bien plus grande que ce que l’on connaît dans le monde grec archaïque. Les différents bâtiments constitutifs de la maison ne sont pas mitoyens pour la plupart, et quelques pièces demeurent semi-enterrées. On trouve des espaces de stockage, un puits et un foyer mobile. Du fait, de la grande taille et de la séparation des différents bâtiments, je me demande s’il ne faut pas y voir la cohabitation de plusieurs cellules familiales dans un même complexe d’habitation.
V. A. Goroncharovsky propose une rapide synthèse sur les Sindes, population qui d’après l’architecture funéraires des tombes de l’élite pourrait provenir de l’Asie centrale et arriver dans la vallée du Kouban et le rivage est de la mer d’Azov au cours du VIe s. av. J.-C. Ils subissent une hellénisation progressive, observable dans les rites funéraires du fait de leur proximité avec le Royaume du Bosphore qui finit par les conquérir sous Leukon Ier au début du IVe s. Les Sindes ont une structure tribale : leur roi ne se distingue que petit à petit du reste de l’aristocratie et il domine différentes populations de la région.
T. V. Ryabkova présente le site de Tarasova Balka dans la région du Kouban, qui sur une très petite superficie (24 × 17 m) concentre près de 480 découvertes par mètre carré. Ce dépôt constitué d’équipements militaires, de harnachements brisés, de céramiques originaires aussi bien du monde de la steppe de que du monde grec, d’ossements animaux et humains, s’est réalisé sur une courte période. Ces artefacts se retrouvent également dans des fosses creusées à quelques mètres de cet amas. Ce site est identifié à un sanctuaire fréquenté par différents groupes nomades, qui ont pour habitude de jeter en tas, après exécution des rites, les différents objets utilisés.
Yuriy A. Vinogradov analyse le premier tumulus de Mordvinovski, situé près de Kakhovka sur la rive gauche du Dniepr qui a été fouillé en 1914. Malheureusement du fait de disparition des rapports de fouilles et des découvertes, jusqu’à la découverte d’une centaine de photographies en 2019, seul un court article présentait le site. Ces nouvelles données permettent de dater le complexe funéraire du IVe s. av. J.-C. et d’identifier les défunts comme un membre de la famille royale scythe ou un nomarque à la tête d’une partie du royaume scythe, une prêtresse et leurs serviteurs.
E. Kakhidze présente dans une courte synthèse les nécropoles grecque et colque de Pichvnari, qui pourrait être Pithyous. On relève une diminution de la richesse du matériel funéraire au IVe s. av. J.-C. par rapport au Ve siècle et dans la nécropole colque par rapport à la nécropole grecque. L’étude de ces espaces funéraires témoigne de relations proches et apaisées entre les deux communautés, avec des influences réciproques : imitations locales de formes céramiques grecques et plus grande abondance d’objets en or par rapport aux autres nécropoles grecques, situés hors du pays de la Toison d’or.
Les articles sont très largement illustrés de dessins et de photographies en couleurs et en noir et blanc. Cet ouvrage permet notamment de mieux connaître le sud de la mer Noire et apporte des éclairages sur d’autres régions soit par des articles de synthèse, soit par la mise en valeur des dernières découvertes.
Authors and Titles
Gocha R. Tsetskhladze (†) (with Şahin Yıldırım), Introduction: Tios (Tieion) in the Context of Black Sea Colonisation
Alexander V. Podossinov, Tios in Ancient Geography and Cartography
Şahin Yıldırım, The Acropolis Temple of Tios (Tieion)
Sümer Atasoy, The Lower City of Tios: Finds in the Firebrick Factory Area
Edward Dandrow, Coin Finds and a Partial Tetrarchic Coin Hoard from Tios (2015–16)
Manolis Manoledakis, Remarks on the Indigenous People that Inhabited the Region around Tieion/Tios
Ersin Çelikbaş, A First Consideration of Roman Traces in Paphlagonian Hadrianopolis according to the Data of 2018–2021
Ali Bora et Yasemin Bora, Restitutori Bithynia et Paphlagonia: Chasing Hadrian in the North Anatolian Fault Zone. An Overview
Şevket Dönmez, The Phrygian Kingdom: A Local Power or a Regional State?
F. Gülden Ekmen, Some Thoughts on Coarse-Ware Pottery of the Early Iron Age found in the Inönü Cave
Emine Sökmen Adalı, Revisiting the Rock-Cut Tunnels in the Black Sea Region of Turkey
Bülent Öztürk, Some Aspects of the Socio-Cultural Life of Roman Heraclea Pontica in the Light of the Epigraphic, Numismatic and Literary Evidence
D. Burcu Erciyas et Polina Ivanova, Local Memory and Archaeological Surveys in Turkey’s Black Sea Region: The Case of St John Chrysostom’s Monastery in Bizeri near Comana Pontica
Daniela Stoyanova et Margarit Damyanov, New Evidence about the Monumental Architecture in the Temenos of Apollonia Pontica in the Archaic and Classical Periods
Vasilica Lungu, Pierre Dupont et Sorin-Cristian Ailincăi, A Breakthrough of Archaic Greek Transport Amphorae within the Getic Hinterland: The Case of Beidaud
Stanislav Zadnikov et Iryna Shramko, Early Greek Pottery in the Context of Settlements and Burials: The Northern Black Sea Region
Dmitry Chistov, The House of Pythes, son of Pericles, in the North-Eastern Area of the Archaic Berezan Settlement
Vladimir A. Goroncharovsky, Sindoi: Written Tradition and Archaeological Data
Tatyana V. Ryabkova, Tarasova Balka in the Trans-Kuban Region as a Nomadic Sanctuary
Yuriy A. Vinogradov, New Material about an Old Archaeological Discovery: The First Mordvinovskii Barrow
Emzar Kakhidze, Classical-Period Greeks and Locals at Pichvnari, Eastern Black Sea Area