L’ouvrage présenté est issu de deux sessions sur les terres cuites organisées à la Society of Biblical Literature en 2013. Il est organisé en 15 chapitres dédiés aux terres cuites de l’Âge du Fer découvertes principalement dans le Levant. Les contributions sont illustrées de photos en noir et blanc et en couleurs, de dessins, de diagrammes, de tableaux synoptiques et de cartes. L’ouvrage comporte en outre un index général, un index des noms de lieux, une table des illustrations et des tableaux.
Dans leur introduction (chapitre 1, p. 1-9), E. D. Darby et I. J. de Hulster soulignent qu’aucun ouvrage n’avait jusqu’ici été dédié aux figurines du Levant, en dépit de leur intérêt incontestable pour comprendre les évolutions sociales, religieuses et politiques de cette région. Les différentes communications mettent efficacement en lumière cette matière abondante, produite entre 1200 et 333 avant J.-C. en Phénicie, Philistie, Jordanie et Israël. Quelques contributions présentent aussi des ouvertures sur la coroplathie à Chypre, en Syrie et en Égypte dans le but d’éclairer les spécificités de ces artefacts levantins, mais aussi de montrer l’influence de ces images dans d’autres sphères culturelles. L’approche de ce volume est résolument indisciplinaire (l’archéologie, l’histoire de l’art, l’histoire culturelle et l’histoire religieuse sont convoquées) afin de faciliter la démarche comparatiste.
Dans le chapitre 2, intitulé « Iron Age Terracotta Figurines from the Levant: A Comparative and Iconographic Perspective » (p. 10-49), I. J. de Hulster cherche à définir ce qu’est une figurine avant de s’intéresser aux questions de matérialité et de miniaturisation de ces objets. Puis il s’interroge sur les différentes influences mésopotamiennes et égyptiennes du corpus, avant de proposer une réflexion globale sur l’iconographie de ces images représentant des femmes et des animaux, essentiellement des chevaux, ainsi que sur les usages sans doute pluriels de ces artefacts.
Le chapitre 3 a pour thème « A Technical Perspective on Some Iron Age Pillar Figures from Cyprus and the Levant » (p. 50-65). A. Caubet aborde notamment les questions liées à la matérialité des objets (nature de l’argile utilisée, procédés techniques mis en œuvre, dimensions) puis offre un développement sur les « Judean Pillar Figurines », dont certaines peuvent avoir une coloration égyptienne. Néanmoins, ce type d’objet semble spécifique au sud du Levant et à Chypre.
A. Nunn consacre une étude aux figurines anthropomorphiques de l’Âge du Fer II en Phénicie (chapitre 4 : « Anthropomorphic Figurines from Iron Age II Phoenicia », p. 66-118). Les techniques de façonnage sont évoquées, de même que la typologie des statuettes. La coroplathie phénicienne se signale par la pluralité des techniques mobilisées et des types iconographiques. Les représentations féminines occupent une place de choix dans le répertoire des imagiers. De nouvelles images comme les « femmes enceintes » côtoient des thèmes plus communs (femmes avec les bras écartés, cavaliers). Les influences chypriotes et égyptiennes (ou plutôt égyptisantes) sont par ailleurs notables dans le corpus phénicien. Enfin, l’auteur s’interroge sur les fonctions de ces objets.
Vient ensuite la contribution de D. Ben-Shlomo dédiée aux figurines de Philistie datées entre ca. 1200 et 600 avant J.-C. (chapitre 5 : « Iron Age Figurines from Philistia », p. 119-147). L’auteur se concentre plus précisément sur deux ensembles : le premier se caractérise par un style et une iconographie qui rappellent les productions chypriotes et phéniciennes (ce sont les « Philistines figurines »), le second est constitué de figurines de styles différents avec un ancrage local, cananéen. Le premier groupe est surtout attesté à l’Âge du Fer I. Les différents types iconographiques sont présentés de manière synthétique et les contextes de découverte de ces statuettes sont mentionnés.
Le chapitre 6 « Iron Age Figurines from Philistia and Phoenicia: A Response » (p. 148-162) est à mettre en perspective avec les chapitres 4 et 5, puisque M. Cohen revient sur les méthodologies suivies par les deux précédents contributeurs et les problèmes qu’elles peuvent soulever dans l’interprétation des données.
Trois chapitres sont ensuite dédiés à un type spécifique d’images féminines (les « Judean Pillar Figurines »), populaires entre 800 et 586 avant J.-C. Ces statuettes se caractérisent par un cou long et un corps cylindrique, évasé à la base. Les personnages féminins portent leurs mains, non détaillées, sous leurs seins lourds. R. Deutsch dans le chapitre 7 (« Judahite Pillar Figurines: More Questions than Answers », p. 163-177) souligne que la moitié de ces terres cuites a été trouvée à Jérusalem, le reste du corpus étant disséminé sur différents sites de Judée. Il rappelle aussi que ces représentations ont été mises au jour dans des contextes essentiellement domestiques. L’identification de ces figurines (s’agit-il de divinités ou de simples mortelles ?), et leurs usages restent problématiques, malgré une bibliographie foisonnante.
E. D. Darby (chapitre 8 : « Sex in the City? Judean Pillar Figurines and the Archaeology of Jerusalem », p. 178-214) s’intéresse plus précisément aux figurines provenant de Jérusalem et cherche à cerner leurs fonctions en s’appuyant sur les données archéologiques. Ces statuettes ont été trouvées dans les maisons plutôt que dans les édifices publics, et ne semblent pas être en lien avec des objets associés à des activités féminines. Rien ne semble indiquer que ces figurines étaient utilisées exclusivement par les femmes.
Le chapitre 9 « Response to Darby and Deutsch » (p. 215-219) donne lieu à un commentaire de B. Alpert Nakhai sur les deux précédents articles. Elle précise, entre autres, à propos de la contribution d’E. D. Darby, que celle-ci ne tient pas compte dans l’argumentation de la spécificité de la ville de Jérusalem, qui n’est pas un village rural comme les autres sites où l’on a découvert ces figurines, et nuance l’interprétation proposée des données archéologiques. B. Alpert Nakhai considère au contraire que ces « Judean Pillar Figurines » sont étroitement associées à des pratiques féminines.
Suivent trois chapitres consacrés à la Jordanie. R. Hunziger-Rodewald, dans le chapitre 10 « Molds and Mold-Links: A Close View on the Female Terracotta Figurines from Iron Age II Transjordan » (p. 220-255), s’attache à étudier un corpus de figurines féminines du point de vue technique et iconographique. Parmi les résultats de son enquête, elle montre qu’au cours des VIIIe-VIIe s. les figurines moulées étaient fabriquées dans les régions situées à l’est du Jourdain, alors que celles produites à l’ouest du Jourdain étaient principalement modelées. L’auteur dresse la typologie de ces statuettes féminines et présente leur répartition géographique.
P. M. Michèle Daviau et E. Zeran livrent une synthèse sur les statuettes d’équidés découvertes dans le centre de la Jordanie (chapitre 11 « Astarte on Her Horse at Khirbat al-Mudayna in Northern Moab », p. 256-284). Elles proposent un classement typologique de ces figurines et signalent un certain nombre de parallèles iconographiques pris dans la glyptique (sceaux et scarabées). Ces images gravées mettent en scène une déesse chevauchant interprétée comme Astarté, ce qui fait dire aux deux auteurs que les terres cuites représentant des chevaux pourraient se rattacher à cette divinité, ce que réfute M. L. Steiner dans le chapitre 12, qui est une discussion sur les deux précédentes contributions (« Response to Hunziker-Rodewald and Daviau and Zeran », p. 285-291).
Les trois dernières interventions ne portent plus sur le Levant, mais ouvrent sur d’autres aires géographiques : Chypre, la Syrie et l’Égypte. E. Walcek Averett (chapitre 13 « The Iron Age Terracotta Figurines from Cyprus », p. 292-332) font une synthèse sur la coroplathie chypriote des années 1050 à 475 avant J.-C. Après avoir évoqué les contextes archéologiques dans lesquels les terres cuites ont été retrouvées et les problèmes de datation, l’auteur présente le répertoire iconographique (figurines féminines, masculines et animales, masques et maquettes). Elle insiste aussi sur les dimensions exceptionnelles de certaines de ces images parfois grandeur nature, voire plus grandes que nature.
A. Pruss étudie ensuite les figurines anthropomorphes provenant de Syrie et datées d’environs 1180 à 530 avant J.-C. (chapitre 14, « Iron Age Figurines from Syria », p. 333-374). L’auteur insiste sur la pluralité des techniques employées et la variété des types iconographiques, et propose une analyse poussée de ces images, notamment les « plaques d’Astarté ».
Le volume se termine par la contribution de V. Vaelske (chapitre 15 « Coroplastic Figural Art in Egypt during the Late Period », p. 375-424), qui offre une synthèse très stimulante sur les terres cuites égyptiennes de la Basse époque, dont l’étude est en plein redéploiement grâce aux fouilles récentes menées en Égypte. Ces ensembles, issus pour l’essentiel du Delta du Nil, se caractérisent par une iconographie renouvelée aux contacts des Perses (introduction du thème des « cavaliers perses » ou des « déesses nues » notamment). La difficile question des usages et des fonctions de ces objets, qui relèvent de la pratique personnelle, est soulevée.
En résumé, cet ouvrage fait le point sur de nombreux dossiers en cours. L’approche est originale puisqu’elle permet d’appréhender ce matériel de manière globale. En effet, les différentes enquêtes ne se résument pas à une présentation typologique de ces terres cuites, mais insistent toutes sur la matérialité et la destination de ces images, ainsi que sur leurs contextes d’utilisation. Chaque contribution accorde une large place à la méthodologie suivie, ce qui guide commodément le lecteur et lui donne matière à réflexion. Au total, il s’agit d’un ouvrage nécessaire sur la coroplathie levantine.