Les dernières années ont vu une croissance d’intérêt à l’enchevêtrement de l’épigraphie et de la littérature classique. En même temps, l’étude des inscriptions prospère elle aussi, tant par des publications imprimées que par de nombreux projets digitaux. C’est pour cette raison qu’une étude qui promet analyser les inscriptions faisant mention des auteurs antiques semble une vraie ouverture. Malheureusement, l’ouvrage de De Rossi risque à décevoir à cause de son approche peu scientifique (d’ailleurs admis par l’auteur lui-même) et de ses choix éditoriaux curieux.
Le livre est envisagé d’être le premier volume de toute une collection traitant la littérature antique complète. En fait, dans le texte de présentation on lit des phrases indiquant qu’il s’agit ici d’un « travail peut-être trop grand pour les pouvoirs d’un homme seul » ( opus fortasse unius viribus viri non par) et qui est « jusqu’ à maintenant pas encore entrepris », probablement parce que c’est « une tâche énorme qui ne peut pas être remplie en peu de temps » ( labor intemptatus adhuc, ingens et non brevi tempore perficiendus). Face à cette tâche, l’auteur se montre un humble exécuteur du travail entamé : ce ne serait qu’un premier volume simple, pas très érudit ( parum eruditum), qu’il espère être utile. Le livre est composé de deux memoriae : une première partie sur la poésie épique et didactique et une deuxième sur la philosophie. Il s’agit des débuts de la poésie et philosophie grecque, ce qui dénonce un dessin chronologique du projet entier.
Avant que je passe au contenu propre du livre, quelques réflexions sur le fait que le livre a été écrit en Latin. L’auteur explique son choix remarquable dans un paragraphe en italien sur un feuillet séparé : son livre est destiné aux étudiants de la littérature grecque et latine et en particulier aux professeurs de tous les niveaux, tant italiens qu’étrangers. C’est précisément pour les derniers que l’ouvrage a été écrit en Latin. Malgré la sympathie sincère qu’on peut avoir pour une intention comme telle et pour un amour si considérable pour la langue latine—à laquelle s’ajoute encore notre respect pour l’auteur qui a pu écrire tout un livre dans la langue de Cicéron—, le raisonnement de l’auteur m’échappe.
Pourtant, il faut souligner que le livre est assez accessible, même en Latin, par manque d’argumentations détaillées et complexes ou même par manque simple d’argumentations. En fait, le livre se compose de biographies courtes des auteurs, suivies des inscriptions dans lesquelles ils figurent, quelquefois par leur nom seulement. Un accent particulier est mis sur les auteurs dont l’œuvre a été (partiellement) transmise. Quand même, d’autres auteurs assez inconnus sont aussi mentionnés. Toutes les inscriptions en grec ont été traduites, en latin. Chaque fois une référence aux éditions des inscriptions en question est offerte, alors qu’une discussion du texte ou d’interprétation manque presque toujours (sauf aux pages 85 et 86). Il est surprenant que les biographies sont en fait des traductions de la Souda (l’encyclopédie grecque de la fin du dixième siècle) complétées quelquefois par des remarques de Jérôme (quatrième siècle). De Rossi a omis d’expliquer pourquoi il a seulement utilisé ces deux sources disparates. Quoique le grec de la Souda est toujours cité dans les notes en bas de page, les traductions latines souvent abrègent le grec sans explication. Il va sans dire que ces biographies ne reflètent pas l’état actuel de la science.
Les poètes discutés vont d’Homère jusqu’à Panyassis d’Halicarnasse (cinquième siècle av. J.-C.). La deuxième partie, beaucoup plus volumineuse (111 inscriptions vis-à-vis 15 au premier chapitre), mentionne des inscriptions des Sept Sages jusqu’à l’école des stoïciens (ici, l’empereur Marc Aurèle clôt cette memoria). L’inscription de Diogène d’Oenoanda datant du deuxième siècle est une source principale pour un grand nombre de philosophes discutés.
Le livre a été édité avec soin, ce qui vaut pour les textes latins aussi bien que les textes en grec. Un tiers du livre (cinquante pages environ) consiste en des index détaillés et pratiques ce qui facilite considérablement le repérage de l’information: un Index nominum et Locorum index séparés pour le latin et le grec, Verborum Index Graecitatis, Verborum Index antiquioris Latinitatis, Index Sententiarum, Deperditorum Librorum Index, Index Auctorum et Tituli.
Ce sont peut-être plutôt les amants de la langue latine intéressés (aussi) à la littérature grecque qui apprécieront le Scriptorum antiquorum tituli de De Rossi. En plus, ce répertoire d’inscriptions peut rendre service à ceux intéressés à la prosopographie des écrivains antiques aussi bien qu’à ceux qui recherchent les liens entre la littérature et l’épigraphie. Pourtant, tout en profitant des index utiles offertes par De Rossi, les derniers consulteront avec plus de fruits les ouvrages plus approfondis et reflétant plus la recherche actuelle.1
Notes
1. Je voudrais remercier mon collègue louvainiste Jan Papy pour ses corrections du français.