BMCR 2017.03.07

Classical Mythology. The Basics

, Classical Mythology. The Basics. London; New York: Routledge, 2016. xii, 172. ISBN 9780415715034. $24.95 (pb).

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Réaliser un ouvrage concis qui couvre l’ensemble du domaine de la mythologie et qui s’adresse à un public novice n’est pas chose aisée. C’est à cet exercice que Richard Martin se plie avec Classical Mythology. L’ouvrage, de taille très raisonnable (172 pages pour un format de poche) mais néanmoins très dense, aborde des questions aussi vastes que l’origine des mythes, leur traitement poétique, leur analyse par les Anciens et les Modernes, ou encore leur réception jusqu’à nos jours. Ce livre ne vise pas à l’exhaustivité (il n’est pas possible de parler de tous les mythes et de toutes les réécritures) mais à fournir une première approche de la mythologie à ceux qui, sans forcément bien connaître l’Antiquité, souhaiteraient acquérir quelques connaissances avant de se lancer dans la consultation d’ouvrages plus volumineux et plus intimidants pour les débutants comme celui d’Edmunds ( Approaches to Greek Myth, 2014 ²) ou le Cambridge Companion to Classical Mythology (Woodard éd., 2008).

Contrairement à ce que le titre, Classical mythology, pourrait laisser à penser, il ne s’agit pas d’un répertoire des mythes et des thématiques mythiques (l’auteur annonce d’ailleurs dès sa préface que son propos n’est pas de résumer les mythes, p. xi), même si, au fil des chapitres, l’auteur est amené à raconter certaines histoires pour la clarté de son exposé. En outre, même si l’auteur aborde plusieurs fois les mythes latins, c’est essentiellement de la mythologie grecque dont il est question ici.

L’ouvrage est découpé en cinq grands chapitres contenant chacun plusieurs subdivisions (voir la table des matières ci-dessous). Le premier chapitre, qui est probablement le plus hétérogène, s’intéresse aux caractéristiques principales du mythe (définition, caractère local, dimension étiologique, multiplicité des versions), à la façon dont les Anciens considéraient leurs mythes (Y croyaient- ils ? Quelles lectures critiques en ont-ils proposées ?) et à leur transmission (Pourquoi les mythes ont-ils été conservés et comment nous sont-ils parvenus?). Le chapitre se termine par une liste non exhaustive des auteurs grecs et latins qui ont traité ces mythes (on pourra regretter l’absence de Stésichore et de Catulle).

Les deux chapitres suivants s’intéressent aux figures mythiques qui peuplent ces histoires. Le chapitre 2, consacré aux dieux, s’intéresse d’abord aux récits des origines, en particulier la Théogonie d’Hésiode, dont l’auteur propose un résumé (quand il évoque les autres récits des origines, il n’est étrangement pas question de Deucalion et Pyrrha). L’auteur s’interroge ensuite sur la façon dont les Grecs ont acquis ou créé ces dieux et sur le rôle qu’ils leur attribuaient dans la vie quotidienne ; à cette occasion l’auteur propose un point bienvenu – quoiqu’un peu tardif – sur la religion grecque.

Le troisième chapitre est consacré au héros, à ses caractéristiques et aux type d’actions qu’il accomplit, ce qui est illustré par l’exemple d’Héraclès et donne lieu à un bref exposé sur les analyses narratologiques du mythe (qui aurait peut-être mieux trouvé sa place dans le chapitre 4). L’auteur n’oublie pas les héroïnes, même s’il donne l’impression d’en limiter l’action au sacrifice volontaire ( quid de Médée ou d’Electre ?). Comme dans le chapitre précédent, l’auteur s’interroge ensuite sur l’importance des héros dans la vie quotidienne des Grecs en prenant l’exemple de l’utilisation politique (négative ou positive) qui pouvait en être faite ; la toute dernière subdivision, consacrée aux héroïnes qui se sont illustrées dans les compétitions sportives – en particulier Atalante – est moins convaincante.

Les deux derniers chapitres traitent de la réception des mythes. Dans le chapitre 4, Richard Martin recense les principaux courants d’analyse du mythe : lectures symboliques (auteurs chrétiens des premiers siècles de notre ère, philosophes néo-platoniciens, Romantiques et psychanalystes) et lectures anthropologiques (ritualisme, fonctionnalisme et structuralisme ; il évoque rapidement l’évhémérisme, qu’il considère comme le précurseur antique des lectures anthropologiques). Chacune de ces méthodes d’analyse est exposée de manière critique, l’auteur n’hésitant pas à pointer leurs limites ; les principaux représentants du courant sont nommés et la lecture qu’ils ont proposée de certains mythes est donnée en guise d’exemple.

Le cinquième et dernier chapitre est consacré à la réception culturelle des mythes grecs. La première sous-partie, relativement importante, est consacrée à la réception romaine de la mythologie grecque ; la question de l’existence de mythes authentiquement latins (pour ainsi dire) est posée, et le développement consacré aux épisodes mythiques de l’histoire de Rome donne lieu à un bref exposé de la théorie de la tripartition sociale de Dumézil. Les autres sections du chapitre portent chacune sur la réception des mythes grecs dans un art, de la prose aux jeux vidéo en passant par le théâtre. Ces sous-sections sont plus ou moins développées (de deux pages pour la musique ou le théâtre à six pour les arts visuels) et, si elles sont globalement intéressantes, leur contenu laisse parfois songeur. Le cas de la sous-section « prose » est symptomatique. Alors que les paragraphes consacrés à l’ Ulysse de Joyce ou à la science fiction sont pleinement pertinents, on est moins convaincu par les mentions de Middlemarch et de la série des Rougon-Macart de Zola (qui auraient avantageusement pu être remplacées par quelques exemples issus de la littérature jeunesse contemporaine).

L’ouvrage est complété par plusieurs éléments qui facilitent son maniement. Chacun de ces cinq chapitres est accompagné de conseils de lecture qui permettent d’approfondir les différents sujets traités dans les sous-sections. Ces bibliographies, qui conformément aux indications de l’auteur ne contiennent que des titres en anglais, comprennent presque tous les titres de référence (on regrettera l’absence de la traduction de l’ouvrage de 2000 de Calame, Greek Mythology: Poetics, Pragmatics and Fiction, parue en 2009). Le choix de placer les références bibliographiques après chaque chapitre engendre quelques redites, mais il permet une consultation plus aisée pour le lecteur, qui trouvera ainsi facilement quel ouvrage consulter en fonction du sujet qu’il souhaite creuser. Sont également très pratiques les deux cartes que l’on trouve au début de l’ouvrage – l’une de la Grèce, l’autre du l’Asie Mineure – et qui permettent au lecteur de situer les lieux dont il est question dans l’ouvrage, ainsi que l’index, situé en fin de volume, dans lequel le lecteur trouvera les auteurs anciens et modernes, les œuvres anciennes et modernes, les personnages mythiques et un certain nombre de notions. Enfin, chacun des chapitres contient trois illustrations en noir et blanc, la plupart des photographies de vases grecs ou d’œuvres picturales de l’époque moderne ; bien qu’elles aident le lecteur à mieux se représenter les figures mythiques dont il est question, on pourra s’interroger sur la pertinence de certaines d’entre elles (en particulier l’œuvre d’Enrique Chagoya, p. 69, et le portrait de Jane Ellen Harrisson, p. 123), qui donnent parfois l’impression de répondre plus à la volonté d’intégrer des illustrations qu’à une véritable nécessité.

De façon générale, l’ouvrage de Richard Martin propose une synthèse complète et accessible qui constituera une bonne introduction au lecteur désireux de découvrir le mythe, ses emplois dans l’antiquité et sa réception. Le style de l’auteur est simple, et la démarche pédagogique. Par exemple, les définitions antiques du « mythe » (pp. 1-6) ou de « héros » (pp. 67-75) sont amenées grâce à une comparaison avec les sens et les emplois actuels de ces termes, et la dimension locale des cultes héroïques est exposée à partir de l’exemple de pratiques et de dénominations régionales actuelles (pp. 15-16). De très nombreux termes techniques sont définis (philologie p. 2, lexicographie p. 4, ostracisme p. 7, etc.) et les courants d’analyse mentionnés sont exposés de façon concise mais claire et précise. L’auteur prend aussi le temps de rappeler les grandes lignes des mythes auxquels il fait référence, bien qu’il avertisse le lecteur dès la préface que son propos n’est pas de raconter les mythes. Le choix de translittérer les termes grecs et de limiter la bibliographie aux ouvrages anglophones relève également d’une volonté d’atteindre un public large.

Toutes ces qualités sont contrebalancées par quelques défauts. L’ouvrage contient plusieurs inexactitudes dans les références des citations (par exemple, p. 86 le passage du chant 12 de l’ Odyssée qui évoque l’expédition des Argonautes n’est pas aux vers 78-80 mais aux vers 68-70) ainsi que quelques manques (les références des passages de la Théogonie p. 34 et des Travaux et les Jours p. 76 ne sont pas données alors que les citations se trouvent en retrait du corps de texte). Bien que l’auteur définisse la plupart des éléments susceptibles de ne pas être connus des lecteurs, certains ne le sont pas. Il aurait ainsi été utile de développer un peu le contenu de l’ Iliade et de l’ Odyssée, qui sont mentionnées à plusieurs reprises, ou d’expliquer ce qu’était le jugement de Pâris (p. 48).

La volonté de concision mène aussi à des raccourcis qui gagneraient à être développés ou nuancés pour ne pas perdre le lecteur débutant et convaincre le lecteur plus chevronné ; ces exemples se concentrent essentiellement dans le premier chapitre, qui est aussi le plus hétérogène et le plus complexe, en partie parce qu’il mentionne des éléments qui ne sont développés que dans les chapitres suivants (comme la dimension religieuse du mythe ou les types de personnages que ces mythes mettent en scène). Il serait ainsi bienvenu de développer un peu l’ambiguïté du rapport qu’entretient Platon avec le mythe (pp. 24-25) ou d’expliquer le passage du Phèdre cité p. 27. Il faudrait également nuancer les idées, rapidement énoncées, selon lesquelles Euripide proposerait des versions rationalisées des mythes (p. 26), ou que l’ Hélène d’Euripide serait une semi-comédie (p. 32), ou encore que le sacrifice volontaire serait le principal type d’actions accomplies par les héroïnes mythiques (pp. 80‑83).

En conclusion, Classical Mythology constitue une bonne première approche du vaste domaine de la mythologie. Malgré un premier chapitre un peu ardu qui pourrait décourager certains lecteurs, le caractère à la fois clair et complet de l’ouvrage le rend accessible à un public large et dont les connaissances en la matière ne sont pas étendues. Bien qu’il ne soit pas destiné à un public un peu plus aguerri, ce dernier y trouvera également des rappels bienvenus et des pistes à approfondir grâce aux indications bibliographiques.

Table of Contents

Preface
I – Stories that say (subsections : Myth as speech / Myths and community traditions / Myth and belief / The range of tradition / Rejecting myth / Rationalizing myth / Allegorizing myth / How we get myth / The sources : a brief chronological list / Further reading)
II – Talking of gods (Origin stories / Hesiod’s Theogony / Other origin myths / Where gods come from / What are gods good for ? / Further readings)
III – Heroic dimensions (Hero : the ancient idea / Heroes in Homer and Hesiod / Heroines / Heroic quest and their meaning / Hero patterns / Heracles / Hero as politician / Heroine as athlete / Further reading)
IV – Interpreting myths, symbols and societies (Myths as symbols : Greeks to Romantics / Myths as symbols : Freud, Jung, and others / Myths and society : early forerunners / Myths and society : the role of ritual / Myth and society : functionalists and structuralists / Further reading)
V – Myths, media, memories (Roman reception of myth / Mythic media : from ancient to modern / Prose / Poetry / Drama / Music / Dance / Visual arts / Film / Comic, graphic novels, video games / Further reading)
Index