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La publication des Actes du Seminaire International sur la présence de personnifications dans la culture antique, qui s’est tenu à l’Ecole Doctorale en études littéraires, linguistiques et philologiques de l’Università degli Studi di Trento (en trois sessions, en 2011 et 2012), manifeste la vitalité d’une structure de recherche, efficace et innovante, sur la question de la persona ficta, un phenomène cognitif qui est aussi un instrument complexe et multiforme dans l’histoire littéraire, rhétorique et figurative de l’Antiquité. Les treize contributions du volume suivent un classement à la fois logique et chronologique (d’Aristophane à Pétrarque). Une étude préliminaire de fond, celle de G. Vallortigara et d’O. R. Salva (« Predisposizioni per il riconoscimento degli oggetti animati ed il loro ruolo nello sviluppo della personificazione », pp. 1–14), reprend les travaux des laboratoires de neuroscience cognitive de l’Université de Trento; elle met en relief le long chemin que le genre humain a parcouru entre les mécanismes primitifs capables de reconnaître la vie animée et la capacité complexe de l’attribution de l’action et de la « théorie de l’esprit » propre à l’homme. À cela s’ajoute l’épineuse question des racines du réseau neuronal humain, prédisposé à comprendre la présence des agents intentionnels dès l’enfance.
Les deux études qui suivent analysent les personnifications qu’on trouve dans l’ancienne comédie grecque, notamment chez Aristophane. B. Zimmermann (pp. 15–27) attire l’attention sur les fragments comiques des rivaux d’Aristophane et explique la technique de la personnification par la tendance à “visualiser” la polémique politique. Olimpia Imperio (pp. 29–51), dont le maître livre Parabasi di Aristofane. Acarnesi Cavalieri Vespe Uccelli, Bari 2004 est bien connu, offre une lecture métapoétique et philosophique de la personnification de la poésie comique chez Aristophane.
Centrée sur le topos rhétorique des lois personnifiées dans la tradition grecque (des figures de Thémis et Dikè jusqu’au Criton de Platon), la longue étude de Gabriella Moretti (pp. 53–121) examine la fortune de ce topos (notamment les apostrophes à des lois précises) chez Cicéron et dans les écoles de déclamation (Sénèque le Père, Quintilien, Pseudo-Quintilien). La dernière partie est consacrée au topos du sommeil de la loi qui révèle une attitude de contestation, voire d’hostilité de l’orateur envers la loi, surtout dans la déclamation romaine de l’époque impériale.
Gianna Petrone (pp. 123–138) souligne le rapport étymologique entre la prosopopée et la persona (le masque théâtral) et parle d’une «prosopopée en action» dans le théâtre de Plaute. Elle distingue les personae loquentes dans les prologues de Plaute des multiples personnifications allégoriques qui “défilent” à l’intérieur des pièces; les premières, issues de Ménandre et de la tradition tragique, sont plutôt adaptées à la culture romaine, tandis que les autres proposent de nouveaux concepts pour les Romains.
A. Casamento (pp. 139–169) recense les personnifications dans le Pro Milone de Cicéron, afin de les insérer dans les stratégies rhétoriques de l’orateur et de les interpréter judicieusement à la base de la théorie de Quintilien sur la figure de la prosopopée.
Alice Bonandini (pp. 171–214) aborde, sous un angle neuf, les personnifications dans les Satires Ménippées de Varron, s’opposant à l’opinion ancienne de Norden qui les considérait comme un “occasionnel escamotage rhétorique” (p. 173). A. Bonandini montre qu’il s’agit d’un élément récurrent dans la tradition du genre. Par ailleurs, comme c’est le cas dans les Eumenides de Varron, les personnifications s’intègrent dans la trame narrative et mettent en relief le message moral de la satire. Elles peuvent aussi avoir une fonction pathétique, voire parodique. La fonction métalittéraire se révèle dans les satires ayant comme sujet la poésie, la musique ou la rhétorique (cf. Lex Maenia, Parmeno, Onos lyras, Testamentum). De plus, l’usage du grec et du prosimètre (en tant que signes d’hétérogénéité) semble être assorti à l’introduction des personnifications chez Varron. Enfin, dans les Satires Ménippées est bien présente la sous-catégorie de la prosopopée qui organise les concepts personnifiés en termes de rapports familiaux.
Rita Degl’Innocenti Pierini (pp. 215–248) s’est appliquée à dégager la portée idéologique et la fonction pathétique du topos de la cité personnifiée chez Ennius, dans la Rhétorique à Herennius, chez Cicéron et dans le livre 9 de l’ Anthologie grecque.
G. Guastella (pp. 249–282) s’est intéressé à la personnification de la Fama–Gloria de Virgile à Pétrarque. Onze figures composent l’appendice iconographique de cette étude diachronique qui appartient au champ de recherche texte/image.
Oriana Mignacca (p. 283–299) met l’accent sur les rapports entre les allégories infernales dans les tragédies de Sénèque et deux catabases épiques, celle d’Enée (Verg. Aen. 6, 273–281) et celle de Junon (Ov. Met. 4, 447–511).
Ida Gilda Mastrorosa (pp. 301–326) se propose d’esquisser les contours idéologiques de la Fortuna populi Romani, une personification liée à la construction de l’empire romain, qui évolue de l’époque de la République tardive (chez Salluste, Tite-Live) aux temps modernes (chez Machiavel, Montesquieu et Gibbon).
C’est à la cité qui parle qu’est consacrée l’enquête de K. Smolak (pp. 327–342). Dans la première partie il est question des témoignages des arts figuratifs (par ex. les représentations d’Athéna, de Dea Roma ou de Nuova Roma). La deuxième partie analyse le discours de Dea Roma chez trois auteurs, Symmaque, Ambroise et Prudence.
Enfin, Paola Franchi (pp. 343–356) réévalue finement les rapports intertextuels, génériques et philosophiques des allégories des Virtutes et des Vitia dans la Psychomachie de Prudence.
Au total, voilà un ouvrage collectif très riche et fort utile sur une figure de pensée omniprésente dans les littératures et les cultures antiques qui méritait d’être nuancée et revalorisée. On apprécie aussi les bibliographies qui font suite aux contributions et les résumés en italien et en anglais à la fin du volume.
Sommario
Introduzione, VII
Giorgio Vallortigara – Orsola Rosa Salva, Predisposizioni per il riconoscimento degli oggetti animati ed il loro ruolo nello sviluppo della personificazione, 1
Bernhard Zimmermann, Le personificazioni nella commedia greca del V secolo a.C., 15
Olimpia Imperio, Personificazioni dell’arte poetica e metafore parentali: la maternità letteraria tra commedia e filosofia, 29
Gabriella Moretti, Allegorie della Legge. Prosopopea delle leggi e appello alle leggi personificate: un topos retorico (e le sue trasformazioni) dal Critone platonico alla tradizione declamatoria, 53
Gianna Petrone, Personificazioni e insiemi allegorici nelle commedie di Plauto, 123
Alfredo Casamento, Apparizioni, fantasmi e altre ‘ombre’ in morte e resurrezione dello Stato. Fictio, allegoria e strategie oratorie nella pro Milone di Cicerone, 139
Alice Bonandini, Et ecce de inproviso ad nos accedit cana Veritas: le personificazioni allegoriche nelle Menippee varroniane, 171
Rita Degl’Innocenti Pierini, Le città personificate nella Roma repubblicana: fenomenologia di un motivo letterario tra retorica e poesia, 215
Gianni Guastella, La personificazione della Fama: da Virgilio ai Trionfi di Petrarca, 249
Oriana Mignacca, Modelli augustei per le personificazioni infernali in Seneca tragico: spunti di riflessione, 283
Ida Gilda Mastrorosa, La Fortuna populi Romani e l’ascesa egemonica di Roma fra tradizione antica e riletture moderne, 301
Kurt Smolak, La città che parla, 327
Paola Franchi, Comminus portenta notare. Pretesa di realtà e crogiolo d’immaginari: il laboratorio allegorico della Psychomachia, 343
Abstracts, 357
Curricula degli autori, 367