Le sujet du livre est le cérémoniel lié au culte impérial pendant les trois premiers siècles de l’empire romain. L’affirmation de départ de l’auteure est claire : toute cérémonie est une manière de mettre en scène le culte impérial et représente une contamination avec les expédients de mettre en scène la politique à l’époque tardo-républicaine (p. 15).
Pendant les deux premières décennies de n. è. se crée un nouveau langage politique qui va de pair avec la naissance d’un nouveau langage cérémoniel. Cette nouveauté sera systématisée pendant les siècles suivants et ensuite reprise par la Tétrarchie.
Arena étudie d’abord les jours festifs introduits à l’époque impériale dans le calendrier pour célébrer des hommes. Parmi ces nouvelles fêtes, se trouvent les ludi circenses dont le nombre augmente progressivement pendant les trois premiers siècles de n. è. Ces ludi sont célébrés à l’occasion du dies natalis et aussi du jour anniversaire de la mort de l’empereur. En 186, 16 jours de ludi étaient prévus pour commémorer les anniversaires impériaux. Entre 218 et 224, ce nombre augmente jusqu’à 20. A ceux-ci, il faut ajouter les ludi circenses organisés pour des occasions particulières.
La hiérarchie de la société romaine est rendue visible par la disposition des citoyens sur les rangs des sièges du Cirque. Même les dieux y trouvent leur place, au centre. L’empereur, qui s’insère dans cette assemblée préexistante, occupe une position le connotant comme l’intermédiaire entre les dieux et les hommes. En effet, depuis Auguste, les empereurs regardent les jeux d’une place élevée, qui correspond apparemment au pulvinar sur lequel sont déposés les objets représentant les dieux. L’empereur regarde donc le spectacle parmi les divinités. Arena consacre une partie de son étude à montrer l’évolution du pulvinar, partie qui est parmi les plus intéressantes.
Un autre thème qui retient l’attention du lecteur est celui de la « visibilité » : la présence des images des empereurs dans les processions qui conduisent au forum, comme dans les funérailles, contribue à créer des représentations manifestes du pouvoir qui se fixent dans les yeux des sujets et renforcent le sentiment de piété envers la maison impériale.
Des trônes vides ( sellae) portant une couronne faisaient leur apparition lors de la procession et étaient installés au Cirque. Ils représentaient les membres disparus de la maison impériale. Arena s’interroge au sujet de cette tradition, notamment sur sa transmission, sans se prononcer si elle est reprise des rois hellénistiques ou si elle descend des mœurs de la plus ancienne époque républicaine. Arena se concentre également sur les acclamations exprimées par le peuple à l’arrivée du prince dans le Cirque. Elle relève qu’il y avait trois types d’applaudissements codifiés utilisés pour saluer l’entrée de l’empereur et de leur famille. Les détails de ce chapitre, comme les noms des trois types d’applaudissements, imbrices et testae, littéralement deux types de tuiles, et bombus qui signifie le bourdonnement des insectes, nous permettent de plonger de manière vivante dans le quotidien des jeux.
Une autre partie intéressante est celle dans laquelle l’auteure analyse le rapport entre le palais impérial et le Cirque. Arena montre que le palais sur le Palatin et la domus aurea de Néron étaient si proches du Cirque que les empereurs pouvaient observer les spectacles du haut de leur édifice.
Dans la partie consacrée au système symbolique du Cirque et à l’idéologie de la royauté (ch. 6), Arena analyse les analogies dans la manière de représenter la royauté divine et humaine dans la littérature et dans l’iconographie. L’empereur, garant de l’ordre humain, devient aussi le garant de l’ordre cosmique : il est assimilé au Soleil. A partir du 2 e siècle et en particulier depuis Trajan, l’empereur prend aussi l’apparence de kosmokrator avec la main levée, comme signe de rénovation, de pouvoir et de salut, un geste qui était déjà celui de Sol invictus et qui sera celui du Christ. L’idée que le pouvoir royal puisse être d’origine céleste résulte très important dans l’antiquité tardive, surtout à partir du 3 e siècle. Cela permettait de sortir de l’impasse qui consistait à savoir si l’empereur devait être choisi par l’armée ou par le Sénat. Arena conclut son étude avec une partie consacrée aux titres impériaux qui révèlent cette conception de dominateur, sauveur, bienfaiteur, ayant tout le pouvoir ( imperator ou autokrator) sur l’univers entier. Cette conception du pouvoir impérial se remarque aussi dans les cérémonies qui ont lieu au Cirque au 2 e et 3 e siècle où l’empereur est considéré comme celui qui crée la concorde, l’harmonie et la paix universelle.
Ce livre constitue une lecture importante sur la mise en scène du pouvoir impérial et sur la ritualité de la politique. Il est bien documenté, même si on s’étonne que ne soit pas mentionnée l’œuvre de référence de Egon Flaig, Ritualisierte Politik. Zeichen, Gesten und Herrschaft im Alten Rom. Historische Semantik Band 1, Göttingen: Vandenhoeck et Ruprecht, 2003, dont certains chapitres auraient pu représenter de bonnes pistes de réflexions ou de comparaison. Concernant les jeux séculaires, il est surprenant de trouver citée l’édition de I. B. Pighi, De ludis Saecularibus populi Romani Quiritium, Amsterdam : P. Schippers, 1965 et non celle plus récente de Bärbel Schnegg-Köhler, Die augusteischen Säkularspiele, Archiv für Religiongeschichte IV, Leipzig: K. G. Saur, 2002.
Le livre est écrit de manière compréhensible bien que manquant parfois d’élégance. À la page 227 par exemple, l’auteure laisse échapper l’allitération peu harmonieuse « legame che lega ». Mais, mises à part ces quelques critiques de détails, la lecture du livre est stimulante et formatrice.