Cet ouvrage a pour but de s’appuyer sur l’étude d’un ample corpus de bâtiments publics pour évaluer la capacité de la théorie du déclin de l’Empire romain à comprendre l’urbanisme et les attitudes sociales des habitants de la fin de l’Antiquité. L’ouvrage se veut donc à la fois une discussion théorique et une synthèse des recherches récentes des sites urbains romains tardifs en Grande-Bretagne. Le chapitre 2 est entièrement consacré à une présentation de l’œuvre d’Edward Gibbon, The Decline and Fall of the Roman Empire publié en 1776-1788, de son auteur et de son influence aux XIXe et XXe siècles. Certes, si la théorie du déclin de l’Empire romain prend ses racines dans cet ouvrage majeur de l’historiographie anglaise de la Période des Lumières, il était peut-être plus utile d’analyser les débats plus récents et de s’appuyer sur l’analyse d’ouvrages historiques tout autant que sur la seule notion de déclin de la civilisation. De fait, le chapitre 3 qui se voulait une étude des cités romaines tardives consacre peu de pages au contexte historique à la fois général de l’Empire tardif et celui plus précis de la Bretagne de l’Antiquité tardive. Ses développements sont des rappels généraux, parfois trop théoriques et qui laisse au spécialiste de l’Antiquité tardive une certaine frustration.
L’auteur n’a pas voulu réduire son analyse à la seule période de la fin de l’Antiquité et présente dans le chapitre 4 une série de notices sur l’urbanisme préromain et sur l’urbanisme romain du Haut-Empire en Grande-Bretagne qui, grâce aux plans et aux tableaux synthétiques, sont de très précieuses fiches individuelles des sites archéologiques, classées en deux catégories générales, les oppida et les non- oppida, qui sont analysés pour leurs potentialités archéologiques à la fin de l’Antiquité et repris ensuite dans les chapitres suivants.
Le chapitre 5 est entièrement consacré aux monuments emblématiques de l’urbanisme romain du Haut-Empire : les forums, les thermes publics, les monuments de spectacle, les temples, les macella, mais également les arches et les portiques, les portes et les enceintes, les mansiones et les statues. Des tableaux permettent de mieux cerner l’ensemble de ce corpus. Le souci d’Adam Rogers est d’analyser les traces de destruction ou de réutilisation des bâtiments et d’en dater les structures. Ces derniers éléments servent évidemment la thèse d’une continuité de l’utilisation des espaces publics, mais en mettant en évidence les nouvelles fonctions qui leurs sont, totalement ou partiellement, attribuées, thèse que l’auteur présente en fin de chapitre, à la fois dans ses conclusions et dans ses analyses comparatives faites à partir de sites fouillés pour d’autres provinces de l’Empire, surtout en Gaule, en Espagne et en Afrique.
Le chapitre suivant est naturellement consacré aux nouveaux édifices publics érigés durant la période tardive, mais c’est paradoxalement le chapitre le plus court, à peine 13 pages et seuls cinq sites (Colchester, Silchester, Verulamium, Lincoln et le site de Colchester House de Londres) peuvent être étudiés pour étayer la problématique de la fondation des églises paléochrétiennes en Grande-Bretagne. Le signe le plus tangible de la continuité de la ville, en tant que lieu de fonctions religieuses mais également de centre urbain, à la fois économique et politique que celle-ci conserve de facto par l’attractivité des ces infrastructures ecclésiastiques, ne peut qu’être subodoré ici, alors que toutes les études archéologiques et historiques des récentes années mettent l’accent sur ces transformations décisives pour la survie de la ville au Moyen-âge dans tout le reste de l’Europe occidentale.
C’est pourquoi Adam Rogers choisit dans les chapitres 7 et 8 de privilégier tous les signes d’activités humaines y compris les plus ténus, en insistant sur les structures en bois. L’auteur justifie cet intérêt en prenant appui sur les hypothèses de l’archéologie théorique et sur des comparaisons diachroniques et sociologiques qui ne sont guère indispensables car ces artefacts sont désormais totalement considérés comme légitimes dans les problématiques actuellement mises en discussion par l’archéologie et par l’histoire urbaine de l’Empire tardif. A contrario, on est étonné de ne pas voir apparaître dans ces chapitres la question du suburbium que l’auteur aurait pu discuter à partir des exemples de villes romaines continentales dans lesquelles les quartiers périphériques se sont transformés ou développés à la faveur de la mutation du monde romain à la fin de l’Antiquité. Car la ville, y compris la ville du Haut-Empire, n’est pas seulement constituée d’espaces publics. En revanche, l’analyse des monnaies et des traces de réoccupations permet à l’auteur de mettre en valeur la permanence d’utilisation de ces sites durant la seconde moitié du IVe siècle et parfois jusqu’au début du Ve siècle.
Un dernier chapitre de conclusion permet à l’auteur de rapprocher les méthodes et les problèmes posés à la protohistoire de ceux qu’il retrouve de manière identique pour l’Antiquité tardive, ce qui s’avère un rapprochement opératoire pour tous ceux qui, historiens ou archéologues, ont pu en faire l’expérimentation lors de séminaires ou de colloques transversaux.
L’ouvrage est présenté de manière rigoureuse et on saluera la qualité des documents figurés et des tableaux, ainsi que la précision de la bibliographie qui offre au lecteur la possibilité de se mettre au courant d’une documentation archéologique précise et très actualisée pour la Grande-Bretagne pré-romaine, romaine et de l’Antiquité tardive, ce qui s’avère très précieux.