BMCR 2010.01.05

Thesaurus Linguae Etruscae. I. Indice lessicale. Seconda edizione completamente riveduta sulla base della prima edizione pubblicata nel 1978 da Massimo Pallottino

, Thesaurus Linguae Etruscae. I. Indice lessicale. Seconda edizione completamente riveduta sulla base della prima edizione pubblicata nel 1978 da Massimo Pallottino. Pisa/Roma: Fabrizio Serra Editore, 2009. xxxiv, 580. ISBN 9788862271356. €445.00.

En 1978, paraissait à Rome, sous l’impulsion et la coordination de M. Pallottino, le Thesaurus linguae Etruscae I, qui portait déjà le sous-titre d’ Indice lessicale. Malgré la parution de trois suppléments permettant de l’actualiser (en 1984, 1991 et 1998) et d’un index inverse (1985), l’augmentation continue et spectaculaire de la documentation épigraphique étrusque, ces dernières décennies, tant en quantité qu’en qualité — il suffit de mentionner la “découverte” à la fin des années 1990 d’un document aussi exceptionnel que la Table de Cortone1 — rendait ce Thesaurus largement dépassé; et l’index des Etruskische Texte,2 publiés en 1991, n’était guère plus à jour. Aussi la parution du (volumineux) tome du Thesaurus linguae Etruscae I, entièrement refondu (dorénavant: ThLE I 1 pour la première édition, ThLE I 2 pour la présente édition), doit-elle être accueillie comme un événement “bibliographique” majeur. Et, disons-le tout de suite, ce volume est et doit être considéré comme un outil de travail essentiel pour tout étruscologue ou antiquisant qu’intéressent les sources épigraphiques étrusques.

Dès l’abord, ce volume s’insère très explicitement dans la continuité avec la première édition du ThLE I : E. Benelli et ses collaborateurs, M. Pandolfini Angeletti et V. Belfiore, reprennent les mêmes normes de transcription, les mêmes conventions typographiques, le même plan, la même présentation que le volume de 1978. Cette filiation est d’ailleurs revendiquée dès la page de titre, qui l’annonce comme seconda edizione completamente riveduta sulla base della prima edizione pubblicata nel 1978 da Massimo Pallottino. Cette filiation explicite est plus patente encore dans l’introduction (pp. xix-xxxiv), qui, après un bref avant-propos d’E. Benelli et M. Pandolfini Angeletti (pp. xix-xx), reprend presque intégralement l’introduction qu’avaient donnée M. Pallottino et ses collaborateurs au volume de 1978, à quelques coupures, modifications ou ajouts (insérés entre crochets droits) près.

Le ThLE I 2 est, donc, comme son prédécesseur, une pure et simple concordance lexicale,3 qui se veut diplomatiquement objective, de tous les “mots” (nous reviendrons sur ce terme) attestés dans les inscriptions de langue étrusque (quel que soit l’alphabet dans lequel elles sont rédigées). On trouvera ainsi trois répertoires de longueur inégale:

– un répertoire des lemmes en alphabet étrusque, qui constitue le gros du volume (pp. 1-551), lui-même composé d’un index des “mots” à proprement parler (pp. 3-439), classés selon l’ordre alphabétique étrusque, et complété par différents index et annexes: un index des notations numérales en chiffres (pp. 436-439), un index des mots à initiale manquante (pp. 440-458), un lexique inverse (pp. 459-539), qui manquait au ThLE I 1, une liste des abécédaires et syllabaires (pp. 543-547), une liste des légendes monétaires (pp. 548-549), qui constitue une autre des nouveautés introduites par le ThLE I 2, et enfin le répertoire des textes indivisibles (pp. 550-551);

– un répertoire des lemmes en alphabet latin (p. 555-564);

– un répertoire des lemmes en alphabet grec (p. 564).

Enfin, deux appendices viennent compléter ces répertoires: la liste des références bibliographiques de toutes les inscriptions étrusques qui ont été écartées par les éditeurs (pp. 567-575), soit parce qu’elles étaient trop obscures (pour des raisons de conservation du texte), soit parce qu’il s’agissait clairement de faux ou de textes dont l’authenticité était trop peu sûre; la table des alphabets (pp. 579-580), qui concluait également le ThLE I 1, et qui sert, commodément, de récapitulatif des normes de transcriptions adoptées.

Les différences, par rapport au ThLE I 1 sont donc minimes: la liste des gloses — ces termes étrusques qui nous ont été transmis, exceptionnellement, par la voie érudite, et qui constituent d’ailleurs des éléments lexicaux très problématiques — n’a pas été retenue, mais est prévue pour un futur ThLE II; en revanche, le présent volume comprend un index inverse et un répertoire spécifique pour les légendes monétaires. Du point de vue de la translittération, le ThLE I 2 recourt au signe >ê< pour transcrire l' epsilon inverse de Cortone, selon la convention désormais admise depuis l’ editio princeps de la Tabula Cortonensis, et note par > ξ < la lettre en forme de fenêtre. Enfin, les éditeurs ont pris le parti, par souci de cohérence, de ne pas inclure dans le répertoire principal les lemmes que l'on peut éventuellement délimiter dans les textes "indivisibles", qui se trouvent rassemblés dans un index particulier.

Le ThLE I 2 se présente, dès son titre, comme la refonte complète de la première édition: et en effet, ses éditeurs ont fait un travail considérable, en premier lieu de collecte de l’ensemble de la documentation éditée depuis le dernier supplément jusqu’à la fin 20064 (alors que le dernier recueil en date, celui des Etruskische Texte, ne prenait en compte que les textes connus à la fin des années 1980). Mais les éditeurs ont également procédé à un contrôle et à une relecture, souvent autoptique, de l’ensemble de la documentation (à savoir le matériau épigraphique, mais aussi le texte du Liber linteus Zagabriensis, revu par V. Belfiore), et c’est là, nous semble-t-il, l’un des apports essentiels de cette nouvelle édition: comme on sait, les inscriptions éditées dans les Etruskische Texte présentent de nombreux amendements et corrections qui sont loin d’être toujours justifiés. Le ThLE I 2 offre ainsi à la communauté savante une leçon philologiquement sûre de l’ensemble des inscriptions étrusques connues à la fin 2006.

Les principes éditoriaux qui fondent cette nouvelle édition sont évidemment les mêmes que ceux qui avaient été suivis et exposés par les éditeurs du ThLE I 1, et qui ont fait sa qualité scientifique. L’ Indice lessicale — qui s’oppose ainsi à un ThLE II conçu comme un dizionario, c’est-à-dire la récapitulation et la discussion des différentes interprétations donnés aux éléments du lexique étrusque — propose un répertoire des “mots” étrusques, classés selon l’ordre alphabétique. Il s’agit d’une concordance, qui se veut entièrement et totalement objective, qui bannit toute intrusion de l’interprétation — du moins autant que cela est possible; et nous reviendrons sur ces exceptions. Chaque forme graphique d’un mot fait l’objet d’un lemme distinct, même s’il s’agit d’une variante graphique du même mot (on trouvera ainsi une entrée klan distincte de l’entrée clan“fils”) et même s’il s’agit des membres d’un même paradigme (ainsi trouvera-t-on lar θ als/ distinct tant de lar θ que de lar θ al). Chaque lemme présente la liste de ses attestations, avec le lieu de provenance (un sigle du nom latin de la cité ou région [Camp. = Campania, Cl = Clusium, Vols = Volsinii, etc.] précise la cité ou région de provenance et précède la mention, en toutes lettres, de la localité exacte d’où provient l’inscription), leur référence (numéro de l’inscription dans le CIE ou, si elles n’y sont pas publiées, renvoi à l’édition de référence; le cas échéant, son numéro dans les TLE 2),5 le lemme dans son cotexte et la datation de l’inscription (mention arc. pour “archaïque” ou précision du siècle; aucune mention pour une attestation épigraphique signifie que l’inscription date de l’époque récente [i.e. qu’elle a été produite entre le IV 3 et le I er siècles]). Seules les lettres isolées et les sigles, qui constituent grand nombre des entrées les plus fournies, offrent une répartition en paragraphes, qui introduisent une distinction d’ordre interprétatif (ainsi, l’entrée a est-elle divisée entre 1) attestation dans les abécédaires; 2) abréviation prénominale; 3) abréviation de avil, avils; 4) varia).

Ce souci d’exhaustivité et d’objectivité diplomatique totale en fait un outil très différent des Etruskische Texte et de ses index, qui avaient tendance à remplacer le ThLE I 1, devenu d’utilisation malaisée avec ses différents volumes, dans la pratique des chercheurs: ainsi, les formes étrusques ne sont pas transcrites selon la norme linguistique pratiquée par H. Rix et ses collaborateurs (où la même lettre notant une sifflante peut être transcrite différemment selon le lieu de provenance de l’inscription ou sa place à l’intérieur du mot); le ThLE I 2 reste fidèle à une transcription graphématique unitaire qui rend le sigma à trois traits par s (et le sigma à quatre traits par s ); les mots commençant par cette lettre sont toutefois classés avec ceux qui commencent par s-) et le san par s/. De même, on ne trouvera pas les formes adoptant des variantes dans la notation de l’occlusive vélaire non marquée (>c<, >k<, >q< : /k/, type larice ~ larike ou cupe ~ qupe) les unes à côté des autres, car cela eût constitué une entorse à la règle de l’objectivité diplomatique, mais à leur place attendue. Enfin, les éditeurs se sont abstenus de tout amendement au texte des inscriptions.6

Cette rigueur, tout à fait louable et attendue dans un tel type d’ouvrage, aurait toutefois peut-être gagné à être appliquée moins strictement dans certains cas. On citera, à titre d’exemple, celui de l’inscription campanienne CIE 8706 (= TLE 2 12 = ET Cm 2.13), portée sur une kylix à v. n. de Suessola (première moitié du Ve siècle); il s’agit d’une inscription complexe, contenant une formule mettant en garde contre le vol de l’objet. Or sur ce vase la fameuse formule de prohibition est orthographiée ei. minipi iapi, au lieu de l’attendu ei minipi capi; la plupart des éditeurs — c’est le cas de M. Pallottino dans ses TLE ou d’H. Rix — ont corrigé la forme iapi en capi; le CIE garde la leçon iapi, mais précise dans son apparat critique qu’il faut évidemment comprendre capi à la place de l’énigmatique iapi. Le ThLE I 2 opte pour la leçon diplomatique iapi, conformément à ses principes éditoriaux. Mais on se demande s’il n’eût pas été opportun, pour faciliter le travail des linguistes et des épigraphistes, de faire, à l’entrée capi, un renvoi à cette inscription ainsi qu’à l’entrée iapi, en précisant explicitement qu’il s’agit d’une correction.

Il va de soi toutefois que nous ne remettons pas en cause ce choix de ne laisser aucune place à l’interprétation. Au contraire, ce souci d’objectivité apparaît comme indispensable, attendu que l’étrusque reste une langue encore très imparfaitement connue: dans de telles conditions, il est certain que la moindre interprétation morphologique et lexicale erronée ne peut qu’avoir de graves conséquences. Cette objectivité de principe rencontre toutefois çà et là quelques — disons-le tout de suite elles sont très rares — contraventions (il s’agit d’ailleurs de choix qu’avaient déjà faits les éditeurs du ThLE I 1): comme idéalement chaque lemme du Thesaurus doit correspondre à un mot de la langue étrusque, E. Benelli et ses collaborateurs ont traité à part certaines particules enclitiques, en particulier les conjonctions de coordination -c et ( u) m (ainsi, la séquence >acilc< est analysée comme acil + c, et l’entrée acil-c renvoie à acil et -c). Ce choix qui paraîtra bien entendu raisonnable et linguistiquement justifié7 est peut-être le seul parti pris des éditeurs qui peut prêter dans certains cas à critique, car tout choix interprétatif est bien entendu contestable. Par exemple, les éditeurs, se conformant à l’analyse déjà proposée dans le ThLE I 1, découpent la séquence ne θ s/rac de l’épitaphe de Laris Pulena, comme formée de l’élément (adjectival?) ne θ s/ra suivi de la particule -c; mais on pourrait bien entendu interpréter l’ensemble comme une forme d’adjectif en -ac. E. Benelli et ses collaborateurs ont d’ailleurs la prudence d’indiquer que cette interprétation n’en est qu’une à l’aide d’une parenthèse isolant la finale -c et indiquant qu’il s’agit d’une division possible mais non certaine.8 Et nous ne saurions souligner assez que les éditeurs font preuve constamment de la plus grande prudence et s’efforcent d’offrir le lexique le plus objectif possible.

On peut en revanche être plus sceptique envers le traitement peu cohérent qui a été réservé aux postpositions: si pi, qui semble marquer l’objet animé, a une entrée propre, -ri, qui désigne le Dest. de l’action n’est pas isolé comme tel (ainsi, me θ lumeri apparaît comme une forme fléchie ou distincte de me θ lum, alors même que l’analyse me θ lume-ri, où -ri régit le loc.-instr., peut passer pour süre); de même, θ i et ses allomorphes ou variantes ( θ, -ti, -t) sont traités comme des désinences et non comme des éléments sémantiques autonomes (i.e. des postpositions); quant à l’élément -em, qui entre dans la formation des numéraux sur base soustractive ( ci-em za θ rums, litt. ’20 sans/moins trois > 17′), il est certes isolé et doit en effet être considéré à tous les effets comme une postposition, mais on a du mal à comprendre pourquoi les éditeurs présentent cette analyse comme incertaine dès que la postposition s’attache à la forme esl- : cf. entrées ( -em) et esl ( -em). Mais ce ne sont là, force est de le reconnaître, que des broutilles, qui n’enlèvent rien à la qualité et à l’utilité de cet ouvrage; elles montrent au contraire, s’il en était besoin, combien le deuxième volet du ThLE, dont les éditeurs du présent volume parlent à plusieurs reprises (v. pp. vi et xx) et où seraient présentés et discutés ces problèmes d’interprétation linguistique, apparaît aujourd’hui nécessaire.

On le voit, on serait bien en peine de formuler de véritables critiques à l’encontre de cette nouvelle édition du Thesaurus; et bien que ce genre d’ouvrage ne se prête guère à une lecture continue, ce qui rend difficile la chasse aux coquilles et erreurs, on soulignera la grande qualité formelle et matérielle du volume. La première édition du ThLE I s’était imposée, dès sa sortie en 1978, comme un outil de travail de premier plan pour les spécialistes de langue et d’épigraphie étrusques, mais était devenue avec le temps d’utilisation complexe; les auteurs de cette nouvelle édition ont réussi à restituer à la communauté scientifique cet outil, pour ainsi dire, remis à neuf, non seulement à jour et exhaustif — ce qu’on attendait d’une nouvelle édition —, mais plus encore solidement étayé sur une révision de l’ensemble du matériau épigraphique et textuel étrusque. Il faut savoir gré à E. Benelli et à ses collaborateurs de cet immense travail, qui rendra de non moins immenses services à la communauté; et il nous reste à présent à espérer que le ThLE II, le “dictionnaire” — qui demandera certainement un tout aussi grand travail et une équipe tout aussi efficace — verra bientôt le jour. L’étruscologie linguistique sera alors enfin pourvue d’une base lexicographique totalement saine.

Notes

1. L. Agostiniani-F. Nicosia, Tabula Cortonensis, Rome, 2000.

2. H. Rix (éd.), Etruskische Texte. Editio minor, 2 volumes, Tübingen, 1991.

3. C’est le sens à donner au sous-titre Indice lessicale, qu’on aurait peut-être attendu en latin ( index verborum), pour plus de cohérence avec la langue employée pour le titre.

4. Le présent Thesaurus prend donc en compte tous les fascicules de la REE jusqu’au n. 70 inclus.

5. On peut regretter que les éditeurs n’aient pas donné systématiquement les références au recueil des Etruskische Texte, qui constitue, quoi qu’on en dise, le corpus le plus couramment utilisé avec le CIE. Cette concordance eût été plus utile, nous semble-t-il, que le renvoi aux TLE 2, qui sont désormais vieillis.

6. Leur seule concession à cette règle a été de supprimer les signes d’interponction syllabique.

7. Il est légitime de considérer qu’une particule à fonction syntaxique forme un mot ou tout au moins qu’il possède une unité morphosyntaxique que n’a pas un morphème casuel, par exemple; on ne trouvera donc pas d’entrée -al correspondant à un des morphèmes de génitif de l’étrusque.

8. Cet exemple est d’ailleurs mis en avant par les éditeurs dans leur introduction (p. xxvii).