Cette année 2008 voit la parution d’un nouveau périodique touchant les sciences de l’Antiquité; il porte en particulier sur ce qui est pudiquement appelé la culture matérielle et que l’on désigne généralement par archéologie; il devrait se limiter à la période romaine. Ce nouveau support se veut international, s’intitulant Facta: A Journal of Roman Material Culture Studies, recueillant les articles en anglais, français, italien, et allemand (seule cette langue est absente de la première livraison) et réunissant un comité scientifique de haut niveau. Le premier numéro compte 182 p.; mesurant 17 sur 24 cm, il est imprimé sur un beau papier ivoire, qui malheureusement ne pourra soutenir de grandes figures en couleur.
D’entrée de jeu, les éditeurs, J. Poblome, D. Malfitana et J. Lund énoncent leur politique éditoriale dans un premier article (p. 13-20). Céramologues d’origine, ils ouvrent largement les horizons thématiques et surtout les problématiques; d’ailleurs aucun article portant sur la céramique ne se trouve ici. Les débats qu’ils voudraient voir discuter, sont avant tout d’ordre culturel et économique, afin d’établir des ponts entre archéologues et historiens des textes. Dans des cadres multiscalaires, ils appellent des articles traitant de la dynamique de la culture matérielle, opposée à la stagnation technique et portée sur les faits sociaux et culturels, de l’ethnicité, de l’interaction entre le global et le local. La première livraison, comptant des articles de commande, illustre et nuance cette politique.
Les articles de M. Feugère, de E. Giannichedda et de G. Reger nous offrent des réflexions méthodologiques: le premier sur les rapports entre producteurs et consommateurs (p. 21-30), le deuxième sur la taphonomie et un traitement plus interprétatif et efficace des vestiges (p. 51-64), le troisième sur les échelles local, régional et inter-régional (p. 65-74). J. Modée nous livre quant à lui, un réel travail épistémologique sur la définition d’un artefact (p. 31-49). Il s’oppose principalement à la théorie de R. Hilpinen, aux critères d’intention et d’évaluation du producteur; il propose de déterminer l’artefact en soi, avec sa valeur propre, dans une relation causale avec son agent et dans un environnement (culturel, technique, géographique, etc.) particulier.
Un deuxième groupe de contributions peut être considéré comme une réunion de courtes monographies. L. Fiorini et M. Torelli dépassent les limites chronologiques en présentant un atelier de bronzier archaïque, situé à proximité du sanctuaire d’Aphrodite à Gravisca (p. 75-106). M. Mogetta et N. Terrenato traitent des structures romaines, en particulier une fontaine, et du mobilier mis au jour dans la forteresse médiévale de Donoratico; ce site présente l’intérêt d’une occupation romaine d’un site de hauteur étrusque (p. 107-124). Des fragments d’un plat en porphyre sont publiés par F. Slavazzi (p. 149-155); daté d’avant 69 (prise de Crémone), ils correspondent à une vaisselle ostentatoire de l’élite. H. Di Giuseppe (p. 157-182) traite des propriétés de l’aristocratie dans la vallée du Bradano (Basilicate) à partir des vestiges archéologiques, mais surtout à partir des données épigraphiques (funéraires, tuiles, etc.) et littéraires; elle montre l’investissement de l’aristocratie dans des domaines où la céréaliculture et l’élevage étaient dominants et connectés à l’artisanat lainier; elle termine sur les modalités de l’accaparement par l’empereur (sous Claude et Agrippine, Néron ensuite) de ces domaines.
M.-D. Nenna brosse un état de la question, enrichi d’une bibliographie volumineuse, de la production de verre (p. 125-147); elle traite aussi bien des ateliers primaires localisés en Israél ou en Egypte, avec les derniers résultats de ses propres fouilles, que du commerce et des ateliers secondaires éparpillés dans tout l’empire.
Comme nous l’apercevons, cette première livraison privilégie des réflexions en anglais et en français d’une part et d’autre part des monographies italiennes, ce qui est sans doute dû à l’éditeur (Fabrizio Serra). Comme le veulent les porteurs du projet, ce périodique devrait chercher sa place dans le paysage éditorial dans des discours méthodologiques et épistémologiques ou dans la présentation de modèles et de cas de référence. Nous leur souhaitons, comme il le suggère, que “Facta” maneat.
J. Poblome, D. Malfitana, J. Lund, Tempus fugit, “Facta” manent. Editorial statement
M. Feugère, Techniques, productions, consommations: le sens des objects
J. Modée, Outline of a New Theory of Artifacts
E. Giannichedda, Lo scavo, i residui e l’affidabilità stratigrafica
G. Reger, Regions Revisited. Identifying Regions in a Greco-Roman Mediterranean Context
L. Fiorini, M. Torelli, La fusione, Afrodite e l’emporion
M. Mogetta, N. Terrenato, Architecture and Economy in an Early Imperial Settlement in Northern Etruria
M.-D. Nenna, Production et commerce du verre a l’époque impériale: nouvelles découvertes et problématiques
F. Slavazzi, Un piatto in porfido da Cremona. Note su una classe di vasellame di lusso
H. Di Giuseppe, Proprietari e produttori nell’alta valle del Bradano. Indirizzi degli autori.