Le petit livre de Leena Pietilä-Castrén est tout aussi bien destiné au grand public, auprès de qui il s’agit de faire connaître une gande partie des figurines conservées en Finlande, qu’aux spécialistes de coroplathie antique qui peuvent y trouver des documents parallèles et des informations susceptibles d’enrichir leurs travaux de recherche ou leur corpus d’objets. L’ouvrage se compose de deux sections [le catalogue des objets (pp. 5-50), et une partie sur les collectionneurs (pp. 51-83)], complétées par une introduction générale p(p. 1-4), une conclusion p(p. 84-88), une bibliographie, des tables de concordances et un index.
Le travail de l’auteur a permis le recensement d’environ 90 terres cuites, acquises au XIXe et XXe siècles par plusieurs collectionneurs finlandais, et actuellement réparties dans divers musées ou Instituts (Designmuseum, Helsinki University Museum, Joensuu Art Museum, National Museum, Institute of Classical Phililogy, Sinebrychoff Art Museum). 64 objets ont été intégrés dans le catalogue, soit 63 figurines, tout type iconographique compris (cat. 1-63) et un support de réchaud portant la représentation habituelle d’une tête masculine barbue (cat. 64). Ont été exclus toutes les pièces récemment acquises, ou appartenant à des collectionneurs qui ne souhaitaient pas les voir publiées, et bien entendu tous les faux. Le catalogue comprend 9 sections thématiques : Dames debout drapées (1-18), Dames assises (19-33), Protomés féminines (34-37), Têtes féminines (38-51), Hommes debout drapés (52-55), Têtes masculines (56-57), Enfants (58-60), Animaux (61-63), Divers (64). En consultant ce catalogue, on s’aperçoit d’emblée que les représentations féminines sont très largement dominantes, ce qui ne nous étonnera guère puisque ce sont elles qui sont le plus fréquemment retrouvées en fouilles, dans les sanctuaires comme dans les nécropoles. On notera, avec un certain regret, l’absence de tout type technique original; toutes les statuettes présentées appartenant en effet à des séries ou des types iconographiques déjà par ailleurs bien connus dans d’autres collections de Musée ou dans les corpus de fouilles actuellement disponibles. On peut citer, parmi les statuettes les plus intéressantes, une porteuse de porcelet siciliote, une hydrophore, une Nikè qui à l’origine décorait peut-être un vase de Canosa, une joueuse de tambourin provenant d’Égypte, une kourotrophe gallo-romaine, un éphèbe béotien au coq, et un enfant/Harpocrate assis. À l’intérieur de ce découpage principal, les figurines ont été classées, autant que possible, dans un ordre chronologique. L’auteur a dû renoncer à un classement par lieux de provenance ou de découverte dans la mesure où ces derniers sont trop rarement connus et souvent à prendre avec précaution. Quelques exemplaires auraient été recueillis dans le Ménélaion de Sparte, en 1882, deux autres proviendraient de Ialysos à Rhodes. Une statuette a été trouvée en 1870 dans une tombe de Kertch en Crimée. Beaucoup d’objets ont été achetés auprè s de revendeurs à Athènes, Londres, Izmir, ou encore à Istanbul, et d’autres ont été acquis apparemment à proximité de leur lieu de découverte (Agrigente, Lucus Feroniae, Pompéi, Paestum, Mugla et Bodrum en Turquie, etc.).
Tel qu’il est présenté, le catalogue apparaît très cohérent et construit avec rigueur. Pour chaque objet, les notices donnent toutes les informations utiles pour les spécialistes : un petit paragraphe technique (dimensions conservées, procédé de fabrication, qualité de la terre, traces de polychromie, état de conservation), une description générale, un bref commentaire sur le type iconographique et le style, la datation, éventuellement l’atelier de production, et enfin le lieu de conservation actuel et le nom du collectionneur. On trouvera simplement dommage que les commentaires ne s’intéressent presqu’exclusivement qu’aux éléments iconographiques (chevelures, coiffes, vêtements) et au style des figurines, ne renvoyant que trop rarement à des exemplaires qui relèvent des mêmes séries, conservés dans d’autres collections internationales. On peut aussi s’étonner que l’auteur véhicule encore des idées assez anciennes sur la signification des terres cuites, identifiant souvent les dames trônant à des représentations de Déméter ou les mettant en relation avec le culte des déesses chthoniennes ou d’Aphrodite. Or des études récentes ont bien montré que ces figurines apparaissaient en nombre particulièrement important dans les sanctuaires d’autres divinités, comme Artémis, Héra, les Nymphes ou encore Athéna, ce qui inviterait à les interpréter plutôt comme des images de simples mortelles, qui par la déposition de cette offrande se plaçaient directement sous la protection de la déesse. Quant aux photographies, toutes en noir et blanc et le plus souvent de bonne qualité, elles sont insérées directement dans le catalogue, à côté des paragraphes de présentation des objets, permettant ainsi de suivre, et de vérifier, avec plus de facilité les propos de l’auteur. Peut-être aurait-il fallu proposer, pour les pièces complètes, une vue de profil, et, dans les cas nécessaires, des agrandissements de certaines zones de la représentation, comme la tête, pour mieux saisir les détails iconographiques et stylistiques, ou le revers et le dessous des objets pour attirer l’attention sur des détails techniques particuliers (forme du trou d’évent, fenêtres d’assemblage, aspect des surfaces).
À quelques exceptions près, tous les objets présentés dans le catalogue ont été acquis par des collectionneurs, à titre privé, dans le cadre de déplacements professionnels ou de voyages culturels en Méditerranée : la vie de tous ces collectionneurs, 11 hommes (I. Ilmoni, C. Carsten, I.I. Filipenko, C. R. Sederhom, O. E. Tudeer, W. von Hausen, C. Sundström, O. Okkonen, H. Aminoff, E. Keckman, C. H. Ericsson) et 2 femmes (M. Stenbäck et B. Lojander), à l’origine de la formation des collections d’Antiquités et de terres cuites en Finlande, est ainsi retracée dans la seconde section. Pour chacun d’entre eux, l’auteur tente de brosser un portrait le plus précis possible, en réunissant tous les renseignements qu’elle a pu trouver sur leur enfance, leur formation et niveau d’études, sur leur milieu socio-culturel, les voyages effectués dans le bassin méditerranéen et sur les contacts qu’ils ont pu nouer avec des spécialistes du monde antique. Le but, clairement affirmé au début de la conclusion, étant d’une part de bien cerner les lieux d’acquisition, et donc d’essayer de retrouver les lieux de provenance ou de découverte, et d’autre part de définir les raisons qui, pour chaque collectionneur, ont permis l’achat de ces objets. Si la biographie de certains collectionneurs a été facile à retracer, pour d’autres, la tâche s’est révélée beaucoup plus ardue. Au final, la somme assez impressionnante des informations réunies témoigne de l’ampleur du travail de recherche et d’archivage des données accompli par l’auteur. Quelques observations intéressantes sur l’univers des collectionneurs et de manière plus générale sur la formation des collections d’Antiquités ont ensuite été rassemblées dans une courte synthèse, en conclusion de l’ensemble de l’ouvrage.
Leena Piétilä-Castrén offre ici un catalogue de terres cuites très bien structuré et richement documenté qui à n’en pas douter constituera un bon outil de travail aux spécialistes de coroplathie.