BMCR 2019.09.31

Nekropolen der Polis Halieis (Argolis)

, Nekropolen der Polis Halieis (Argolis). Bestattungs- und Beigabensitten in archaischer und klassischer Zeit. Berlin: Logos Verlag Berlin, 2018. 2 vols.. ISBN 9783832546298. €59.50.

L’auteur présente un nouveau volume des résultats des fouilles de Halieis (moderne Porto Cheli) en Argolide de Sud. Il s’agit d’une version remaniée de sa thèse de doctorat soutenue en 2014 à l’Institute Winckelmann de l’Université Humboldt à Berlin. Tout d’abord il faut souligner que ce livre doit être utilisé avec le volume 2, non imprimé, mais en libre accès au format pdf, présentant le catalogue des tombes, leur mobilier et le catalogue des sites funéraires en Argolide.1 Cette information est un peu cachée à la fin de l’introduction et il aurait peut-être mieux valu la souligner aussi au moment de l’explication de la méthodologie de l’étude des tombes et du mobilier (p. 26-29). C’est un choix éditorial intéressant. Bien sûr, les raisons de cette décision (réduire le coût de publication et rendre le matériel plus accessible) sont compréhensibles et louables, mais il serait préférable de mettre à disposition également une édition imprimée pour les institutions et les bibliothèques, ou au moins de compléter le volume 1 par un CD contenant le volume 2. Etant donné qu’il s’agit de la première et de la seule publication de ces découvertes, il aurait été important de fournir également le matériel sur un support papier. Qui sait si le lien de téléchargement fonctionnera encore dans dix ou vingt ans ?

Le livre débute par une préface de Wolf W. Rudolph permettant de se familiariser avec l’historique des recherches sur le site, les conditions des fouilles et les événements qui ont profondément transformé le paysage des environs de Halieis au cours du dernier tiers du XX e siècle. Malgré le fait que les nécropoles n’aient jamais été un axe de recherche privilégié à Halieis, les investigations développées au fil des années ont permis des découvertes intéressantes. Brigitte Rafn avait préparé leur publication, mais ce projet a été interrompu à son décès (1997). Ce volume est également un hommage à sa mémoire. Ses résultats, surtout sur la céramique, sont intégrés dans le présent travail. Le catalogue ayant servi de base pour l’étude a été préparé parallèlement aux fouilles. Les identifications du mobilier funéraire ont été complétées, affinées et vérifiées par Schlehofer. Il faut apporter une petite correction concernant l’exceptionnel aryballe corinthien muni d’un protomé féminin sur l’anse (HP 2295). L’auteur cite (p. 24) de façon erronée D. A. Amyx qui n’a jamais attribué ce vase au Peintre de la Chasse au Sanglier et ne l’a pas non plus classé dans le Groupe de Liebieghaus, mais il les a cités comme comparatifs pour la forme.2 Concernant ce vase, datant bien du Corinthien moyen comme Amyx l’avait déjà proposé, il était inutile de citer le manuscrit inédit de Rafn (proposant d’ailleurs une datation trop tardive, reprise par Schlehofer), mais on aurait davantage attendu l’opinion de l’auteur. Il est également possible qu’il s’agisse d’un aryballe à paroi double.3 Malgré le fait que Schlehofer n’ait pas participé aux fouilles et qu’elle n’était pas un membre du groupe de recherche originel, elle a su maîtriser parfaitement une documentation de qualité inégale et elle a réalisé un travail excellent.

Les investigations ont mené à la découverte d’un total de 85 sépultures et d’un bûcher funéraire dans 6 zones (dont celles fouillées par l’équipe de l’Université de l’Indiana, 1973-1975, 1979, qui forment l’épine dorsale de l’étude). 28 sont individualisées et numérotées. Il aurait été préférable d’attribuer un numéro supplémentaire pour toutes les tombes assurées, même si elles n’avaient pas été numérotées lors de leur découverte, et même si leur documentation ou leur assemblage sont lacunaires ou manquants, comme par ex. les deux sépultures les plus anciennes trouvées à ce jour à Halieis (Zone 1), qui sont citées à plusieurs occasions. Les restes humains provenant de ces 28 sépultures et du bûcher ont été analysés par Marshall Joseph Becker et présentés en annexe à la fin du volume (p. 222-236).

Les tombes mises au jour datent entre le deuxième quart du VI e avant n.è. et le début du dernier tiers du IV e siècle avant n.è., peu avant l’abandon définitif de Halieis. Il faut noter que la tombe (sépulture 21, Zone 1) identifiée comme la plus récente (p. 102, 173) ne correspond pas à l’entrée du catalogue du volume 2 dans lequel la sépulture 21 est une tombe non datée dans la Zone 3. D’ailleurs il me paraîtrait justifié de proposer des datations pour une partie des sépultures non datées, à l’aide des « mobiliers externes ».

Les zones fouillées appartiennent à plusieurs cimetières dans lesquels les tombes se regroupent autour de plusieurs noyaux. Schlehofer donne leur présentation détaillée suivant les critères retenus pour l’analyse : organisation des nécropoles, apparence et aménagement extérieur des tombes (marquage, construction sous le niveau de circulation antique, offrandes externes) et présentation des tombes (structure, rite, restes humains et mobilier). Le mobilier est analysé par matériaux, origines et fonctions. Les choix ont été mis en évidence par rapport à l’âge et au sexe des défunts. Il faut noter que la situation concernant les aryballes est beaucoup plus complexe que l’auteur ne la décrit (p. 45, n. 171).4 Ils ne peuvent pas être considérés comme du mobilier spécifiquement masculin. L’auteur souligne le lien étroit entre les sépultures d’enfants et les vases plastiques en forme d’animal (p. 121-122). Malgré le fait que les exemples bien documentés ne sont pas nombreux, pour certains types, en effet, ce lien semble avéré,5 mais il faut être prudent car certaines formes, par exemple les oiseaux, sont attestées dans des tombes féminines de tous âges.6 D’un point de vue méthodologique il faudrait mener séparément l’analyse sur l’influence de l’âge et du sexe du défunt d’une part sur le choix du mobilier funéraire primaire et secondaire (c’est-à-dire les objets qui ont été placés sur le bûcher ou non) et d’autre part sur les objets qui ont été utilisés lors des diverses pratiques réalisées pendant et après les funérailles. Par exemple, la présence d’un cratère n’est pas étonnante dans un service destiné à la consommation du vin dans la nécropole, même s’il est associé à une tombe féminine.

La discussion est structurée par siècle et dans chaque siècle, pour chaque zone funéraire l’une après l’autre, selon l’ordre des critères analysés. Une présentation de chaque critère dans son intégralité, sans découpage chronologique et sans interruption (accompagnée par des tableaux présentant des données brutes) aurait été plus digeste pour les lecteurs. Cette partie récapitulative est suivie d’une synthèse et de propositions pour la reconstruction et l’interprétation des sites funéraires de Halieis.

La grande majorité des sépultures sont des inhumations. Les signalisations des tombes sont diverses. On rencontre exceptionnellement des stèles épigraphiques ou décorées en relief, des petits tumuli (dont un fait de briques crues couvertes de terre et de pierres), des calages de pierres. Certaines sont incluses dans un péribole. Il s’agit d’inhumations en fosse simple, en ciste, en sarcophage ou en enchytrismos (pour les nouveau-nés). Parmi les crémations, l’une a assurément été placée dans une amphore attique de type SOS. La crémation en position secondaire correspondant au bûcher funéraire n’a pas été identifiée lors des fouilles. Schlehofer distingue deux catégories d’offrandes : des ‘offrandes externes’ — c’est-à-dire que tous les objets ont été trouvés à l’extérieur des tombes (soigneusement déposés ou laissés sur la surface) — et des ‘offrandes internes’ correspondant aux mobiliers funéraires trouvés dans les tombes.

Les premières ont servi lors des différentes pratiques durant et après les funérailles, des visites à la tombe et de diverses activités dans la nécropole. Cette catégorie est essentiellement composée de céramique, en grande majorité des formes liées à la consommation du vin (cratères et vases à boire ou leur version réduite) de fabrication corinthienne ou attique. D’autres formes sont plus rares : il faut mentionner un aryballe corinthien attribué à juste titre par Schlehofer au Peintre de Blaricum ainsi qu’un vase plastique en forme de lièvre et un « biberon » placés au-dessus d’une tombe d’enfant. On trouve également des pyxides, quelques lécythes et des terres cuites. Deux tables en brique crue, accueillant des offrandes, près de la tombe 12 méritent une attention particulière. Même si la consommation de vin ou les libations dominaient parmi ces pratiques, la découverte de foyers témoigne de la préparation de nourriture sur place. Une observation intéressante : au V e siècle avant n.è. considérablement plus d’objets ont été déposés en association avec des tombes féminines qu’avec des tombes masculines.

Le mobilier funéraire est dominé par des vases en céramique, surtout des formes liées à la consommation de liquides. Dans un cas, des vaisselles laconiennes ont été déposées avec le défunt, indiquant probablement son origine (Sép 1, Zone 3). Schlehofer accorde une attention particulière à la sépulture 22 d’une femme (âgée de 20 ou plus), particulièrement bien dotée (avec entre autres des épingles à tête recouverte d’argent, deux anneaux, deux pyxides en bronze, un miroir en bronze, une paire de sandales avec des semelles renforcées de fer, 5 œufs… et accompagnée de 33 offrandes externes). D’après une analyse détaillée de la composition de l’assemblage funéraire, cette sépulture est interprétée comme la tombe d’une femme décédée avant ou peu après son mariage, accompagnée par ses affaires nuptiales. Parmi les mobiliers funéraires provenant des autres sépultures, mis à part des vases en céramique, on peut mentionner un vase en faïence en forme de hérisson, quelques épingles, des bagues, un miroir et un hameçon.

L’auteur donne un résumé des sépultures et des nécropoles d’Argolide datées entre le VII e et le IV e siècle avant n.è. (436 sépultures sur 20 lieux). Elle propose une synthèse des sites funéraires d’Argolide, des formes des sépultures, ainsi que de leur mobilier et des offrandes placées à l’extérieur des tombes. Au travers d’une comparaison des diverses régions d’Argolide, l’auteur souligne les caractéristiques communes et les particularités des pratiques funéraires et met en contexte les résultats issus des nécropoles de Halieis.

Les illustrations faites par l’auteur sont d’une qualité excellente. Certains clichés tirés des archives sont pixellisés. Une partie des diagrammes circulaires (tous imprimés en couleur) réalisés sur un petit nombre de vases sont inutiles. En revanche il aurait été utile d’ajouter quelques planches présentant les vases à décor figuratif car la résolution des clichés ne passe pas bien dans le volume téléchargeable. L’étude est accompagnée d’une riche bibliographie. Il est un peu gênant que les lieux d’édition ne soient pas affichés, aucune différence typographique ne distingue les titres des volumes et des séries. En revanche il est inutile de donner les prénoms en entier (mais toutefois il en manque quelques-uns). L’utilisation d’abréviations pour les périodiques gagnerait beaucoup de place. Un riche résumé en anglais aide à une meilleure diffusion de résultats.

Le deuxième volume présente les trouvailles des nécropoles en suivant l’ordre du premier volume ainsi que le catalogue détaillé des cimetières et des sépultures d’Argolide et il contient également la bibliographie. En premier lieu sont décrits les tombes, les dépôts et les structures (catalogue A). Les objets ne sont pas numérotés au sein de l’assemblage d’une tombe ou d’un dépôt, mais identifiés par leur numéro d’inventaire. Le catalogue B donne ensuite la description et les identifications de chaque objet. Cette structure et le fait que les numéros des tombes ne soient pas marqués sur les planches sur lesquelles les objets sont identifiés uniquement par les numéros d’inventaire, rendent un peu compliquée l’utilisation du catalogue. Il est difficile d’avoir une vue globale du mobilier d’une sépulture ou d’un dépôt. Les dessins sont de bonne qualité. Cependant les photos ne passent pas bien dans le pdf, beaucoup d’entre elles sont pixélisées.

Jenny H. Schlehofer a fait une contribution majeure pour notre connaissance sur les pratiques funéraires d’Argolide durant l’époque archaïque et classique. Cette publication met à la disposition de la recherche un nombre important de tombes par rapport aux autres sites funéraires d’Argolide et valorise les recherches sur Halieis. Son étude permet de suivre l’évolution de l’approvisionnement des vases à usage funéraire à Halieis selon leur origine et leur catégorie fonctionnelle. Elle dessine des changements qui ont eu lieu dans les pratiques funéraires et permet d’en définir les caractéristiques. Son analyse fine permet à l’auteur de s’interroger sur le statut social et économique des gens utilisant les diverses zones funéraires. Elle pose des questions intéressantes, même si parfois elle va trop loin, comme par exemple dans le cas de la sépulture 13 qu’elle interprète comme un cénotaphe d’un marchand de parfum ou d’huile (p. 52). Une des contributions majeures de son étude est qu’elle a mis en évidence la diversité des pratiques autour des sépultures, tout particulièrement les banquets funéraires ( perideipna) qui ont été non seulement consommés mais également, dans certain cas, préparés sur place à Halieis. La comparaison avec les pratiques funéraires attestées en Argolide permet à l’auteur de mieux caractériser les traits généraux partagés par les diverses communautés d’Argolide et les particularités locales propres aux habitants de Halieis.

Notes

1. Schlehofer, J. H., Nekropolen der Polis Halieis (Argolis). Bestattungs- und Beigabensitten in archaischer und klassischer Zeit. Band 2: Dokumentation. Berlin 2018.

2. Amyx, D. A., Corinthian Vase-Painting of the Archaic Period. Berkeley – Los Angeles – London 1988, 444.

3. Cf. l’aryballe attribué au Peintre de la Chasse au Sanglier à Tübingen, Amyx, op.cit., 164, A-9.

4. Coulié, A. et al., « Le tombeau A de Camiros : les vases archaïques et leurs contenus. » BCH 141.2 (2017) [2018] 553-621, 586-588.

5. Bérard, R.-M., La nécropole méridionale de la cité archaïque 2. Mégara Hyblaea 6, Collection de l’École française de Rome1/6.2. Rome 2017, 231-232.

6. Böhm, S., Korinthische Figurenvasen. Regensburg 2014, 213-214.