BMCR 2018.05.05

Appellati nomine lupi: giornata internazionale di studi sull’Hirpinia e gli Hirpini, Napoli, 28 febbraio 2014

, , , , Appellati nomine lupi: giornata internazionale di studi sull'Hirpinia e gli Hirpini, Napoli, 28 febbraio 2014. Napoli: Università Degli Studi Suor Orsola Benincasa, 2017. 381. ISBN 9788896055793. €15,00.

[The Table of Contents is listed below.]

Dans la vague de publications consacrées depuis trente ans aux différentes régions de l’Italie antique,1 l’Hirpinie est restée quelque peu en marge. C’est pour combler cette lacune que se sont rassemblés en 2014 à Naples philologues, historiens et archéologues d’Italie et d’Allemagne dans le cadre d’une journée d’études, dont cet ouvrage nous restitue les contributions.

Le volume commence par trois propos liminaires. Dans une courte présentation des enjeux de cette rencontre, F. Petroccione, directeur du Museo Irpino, insiste sur la nécessaire réhabilitation d’une région hirpienne trop souvent perçue comme une périphérie géographique et culturelle. La préface d’E. D’Angelo (Université Suor Orsola Benincasa) délimite les cadres spatiaux ( i.e. la région entre les fleuves Sabato, Calore et Ofanto) et temporels ( i.e. VIIIè s. av. J.-C.-IIIè s. de n. è.) pris en compte et présente la structure binaire du volume qui juxtapose une partie diachronique, historique et littéraire, et une partie plus strictement archéologique consacrée à des études de cas. Enfin, V. Franciosi et A. Visconti (Université Suor Orsola Benincasa) détaillent les objectifs et les modalités du projet AIPAD, acronyme de « Antica Irpinia : Progetto di Archeologia Digitale » qui entend dresser l’inventaire électronique des ressources littéraires et archéologiques du territoire hirpin.2

Dans un article foisonnant qui mobilise corpora littéraire et épigraphique, le linguiste et philologue P. Poccetti s’interroge sur les spécificités du peuple hirpin. S’il constate que le vocable Hirpini est continûment relié au terme sabellique qui désigne le loup, il distingue dans les récits étiologiques de ce nom ethnique deux traditions : Festus et Strabon le rattachent au domaine samnite, tandis que Servius en fait un legs sabin. L’auteur scrute également les pratiques cultuelles, assimilées à des superstitions par les Romains, comme celle qui voit des fidèles marcher sur des braises au pied du mont Soracte, et plus encore celles qui sont dévolues à la déesse éminemment hirpienne, Méfitis, qu’il est aisé de rapprocher d’une figure divine typique du monde sabellien, le chthonien Dis (pater). Ces deux divinités apparaissent d’ailleurs dans des inscriptions osques et latine qui mettent en lumière une éminente famille de l’aristocratie, les Magii, dont le comportement est révélateur des oscillations de l’élite locale à l’égard du modèle romain : entre adhésion et résistance, entre adoption précoce du latin et attachement aux cultes ancestraux. C’est finalement leur attitude déloyale pendant le conflit d’Hannibal et la guerre sociale qui valent aux Hirpins d’être rattachés à la regio II augustéenne, les séparant définitivement du monde samnite.

C’est le même comportement face à l’hégémonie romaine qu’interroge V. Saldutti (Université de Bari) dans une contribution plus condensée sur la cité de Compsa au cours de la deuxième guerre punique. Reprenant méthodiquement la source livienne et ses traditions manuscrites, l’auteur relate les déchirements au sein de l’élite entre les partisans de la défection (dans le sillage de Statius Trebius) et ses détracteurs (autour du clan des Mopsii). Après quelques considérations sur les gentilices Statius (bien attesté en Campanie) et Mopsius (aux résonances grecques, vraisemblablement napolitaines), Saldutti retrace l’histoire mouvementée de l’ oppidum hirpien depuis sa précoce vitalité aux lendemains de la fondation de la colonie romaine de Bénévent (268 av. J.-C.) jusqu’à son déclin post-hannibalique qui a suivi son double pillage par les Carthaginois puis les Romains. Seuls les ravages syllaniens qui modifient les équilibres régionaux permettent à Compsa de sortir de sa torpeur au terme de la guerre sociale.

Une zone plus étendue est l’objet de l’étude de G. Camodeca (Université de Naples) qui livre quelques éclairages sur l’histoire hirpinienne à l’époque romaine, à la lumière de la documentation épigraphique. Reprenant parfois des conclusions d’anciens articles, il met en regard l’évolution d’ Aeclanum et celle d’ Abellinum, deux centres au patrimoine épigraphique fort inégal (au profit de la première). Alors que la colonie d’ Abellinum, vraisemblablement fondée à l’époque gracquienne, connaît un déclin manifeste au sortir de l’époque julio-claudienne, l’ Aeclanum romaine qui s’est développée sous l’impulsion de la famille pro-syllanienne des Magii connaît une vitalité jamais démentie, bénéficiant même d’une nouvelle impulsion au moment de l’institution de la colonia Aelia Augusta, peu après 126. L’auteur s’interroge ensuite sur la situation administrative complexe du territoire situé entre Compsa, Abellinum et Aeclanum, depuis l’époque des Gracques jusqu’à l’époque impériale, aux rythmes des assignations agraires, des dévastations et des reconstructions des guerres sociale et civiles. Un petit appendice épigraphique présente trois inscriptions inédites des IIè et IIIè s. : une épitaphe qui évoque la charge de quaestor alimentorum, et deux dédicaces religieuses adressées à Silvanus Valerianensis et aux dieux Mânes.

L’archéologue G. Colucci Pescatori dresse, quant à elle, l’inventaire – inévitablement fastidieux – des prospections archéologiques qui ont marqué l’Hirpinie depuis la fin du XVIIè s., insistant tout particulièrement sur le rôle de Th. Mommsen au XIXè s et la genèse du Museo Irpino au cours du siècle suivant. Les années 1970-1980 ont vu l’apparition d’enquêtes archéologiques systématiques (nécropoles et sanctuaire de Casalbore, sanctuaire de Méfitis dans le val d’Ansanto, vestiges romains d’ Aeclanum et d’ Abellinum, nécropoles de Carife, habitat urbain de Fioccaglia). Les années suivantes (1987-2007) ont fait émerger des découvertes essentielles pour les périodes du paléolithique et néolithique mais aussi pour des époques plus tardives (nécropoles de Calitri des VI-Vès. av. J.-C., sanctuaire de Greci des IVè-IIIè s. av. J.-C., lieu de culte ante moenia à Aeclanum des IIIè-IIè s. av. J.-C.). Autant d’avancées qui font démentir le propos d’A. Maiuri en 1927 : « il sottosuolo dell’Irpinia rappresenta oggi in Italia, dal punto di vista archeologico, una delle zone meno esplorate d’Italia ».

C’est vers la Campanie voisine que C. Pellegrino (Université de Salerne), C. Rizzo (Université de Campanie) et T. Grimaldi (Surintendance de Salerne et Avellino) tournent leur regard pour y étudier des phénomènes de mobilité et d’acculturations au cours du VIIIè s. av. J.-C., au moment où l’installation des Grecs sur l’île d’Ischia modifie les équilibres régionaux à la faveur de la côte tyrrhénienne. L’analyse des nécropoles de Pithecusa, de Monte Vetrano et de Pontecagnano, qui révèle les spécificités hirpiennes de certaines tombes dans le matériel retrouvé (bijoux, céramique) comme dans la position recroquevillée des défunts, fait apparaître le visage composite des communautés côtières où cohabitent Italiques, Etrusques, Grecs et même Phéniciens.

Dans une courte analyse, V. Franciosi, se concentre sur la figure divine typique des Hirpins : Méfitis, et plus particulièrement sur le grand xoanon de la déesse retrouvé dans le val d’Ansanto. De récentes analyses dendrochronologiques ont révélé que cette statue a été taillée dans le tronc d’un chêne d’environ un demi-siècle, un arbre qui selon l’auteur, imprégné des théories éliadiennes et jungiennes, symbolise à merveille la fonction médiatrice de Méfitis (« celle qui se tient au milieu » selon certaines étymologies), entre le monde des vivants et celui des morts.

C. Nowak (Université de Berlin) s’intéresse au contexte funéraire en passant en revue les portraits sculptés qui figurent sur les tombes d’Hirpinie, à des fins de perpétuation de la mémoire des défunts. La comparaison avec les équivalents romains mieux connus des époques tardo-républicaine et impériale permet de faire émerger quelques spécificités locales telles qu’une proportion moindre des portraits familiaux et une surreprésentation des figurations à mi-corps.

A. Avagliano (Université de Tübingen) cherche à reconstruire le programme figuratif des thermes romains d’ Aeclanum par l’étude des sculptures découvertes—en faible nombre, du fait de pillages réguliers—sur le site entre 1956 et 1960. Plus que le torse dit de Méléagre et la tête d’Harpocrate (qui provient plus vraisemblablement d’un lieu de culte isiaque voisin), c’est la représentation d’un adolescent qui retient l’attention de l’auteur. Cette sculpture, datable du milieu du IIè s., lui paraît provenir d’un groupe de statues représentant les Niobides, sur le modèle des ensembles retrouvés aux thermes Barbara à Trèves, mais plus encore en contexte résidentiel dans la Villa dei Quintili sur la via Appia et celle d’Hadrien, dont les liens étroits avec le territoire hirpien pourraient expliquer la présence d’un tel répertoire.

En appendice sont rassemblées, chronologiquement, les sources littéraires, grecques et latines sur les Hirpins, accompagnées d’une traduction italienne et d’une brève présentation du contexte.

L’ensemble peut apparaître quelque peu hétéroclite au regard des époques, des sources et des sujets abordés. L’ouvrage ne peut à l’évidence être considéré comme une monographie ni même une synthèse définitive sur la civilisation hirpinienne appréhendée dans tous ses aspects, mais, ainsi que le souligne E. D’Angelo avec une certaine emphase, comme « un punto di partanza più o meno imprescindibile d’ora in poi, per ricerche sull’Irpinia in età antica » (p. 12). Ce volume ne s’adresse assurément pas aux seuls spécialistes de cette « terre du milieu », mais fournit des éclairages fructueux pour qui s’intéresse aux faits religieux et funéraires, aux élites municipales, et plus encore aux phénomènes d’acculturation en terre italienne – entre intégration et « revendications identitaires ».3

Sur le plan formel, on peut regretter une mise en page quelque peu sommaire et plus encore la médiocre qualité des abondantes illustrations, tant des cartes (véritablement illisibles p. 290), des plans (p. 224, 227) que des photographies (particulièrement p. 330, 338). La modicité du prix de l’ouvrage – il est vrai fort attractif – explique sans doute ces insuffisances qui ne remettent pas en cause la richesse de nombreuses contributions.

Table des matières

Flavio Petroccione, « Presentazione », 7-10
Edoardo D’Angelo, « Prefazione », 11-12
Vincenzo Franciosi, « Amedeo Visconti, Il progetto AIPAD », 13-18
Sezione I
Paolo Poccetti, « Aspetti linguistici dell’Hirpinia tra età preromana e romana », 23-76
Vittorio Saldutti, « Compsa nella II guerra punica », 77-96
Giuseppe Camodeca, « Note sull’Hirpinia in età romana », 97-128
Sezione II
Gabriella Colucci Pescatori, « Per una storia dell’archeologia dell’Hirpinia : dal Museo alle ricerche dello scorso secolo », 131-206
Carmine Pellegrino, Carmelo Rizzo, Tatiana Grimaldi, « Dall’Irpinia alla costa tirrenica : fenomeni di mobilità e integrazione in Campania tra VIII e VII secolo a.C. », 207-273
Vincenzo Franciosi, « Alcune note sul grande xoanon della Mefite d’Ansanto », 275-288
Christiane Nowak, « Bildnisse in funerären Kontexten Hirpiniens », 289-321
Alessandra Avagliano, « Sculture dalle terme di Aeclanum nel Museo Irpino », 323-356
Appendice
Amedeo Visconti, « Fonti letterarie sugli Hirpini », 359-381

Notes

1. Voir, par exemple, pour les seules monographies : P. Poccetti (ed.), Per un’identità culturale dei Brettii, (Napoli, 1988) ; Italia omnium terrarum parens. La civiltà degli Enotri, Choni, Ausoni, Sanniti, Lucani, Brettii, Sicani, Siculi, Elimi, (Milano, 1989) ; G. Tagliamonte, I Sanniti. Caudini, Irpini, Pentri, Carrucini, Frentani, (Milano, 1996) ; I Piceni e l’Italia medio-adriatica (Atti del XXII Convegno di Studi Etruschi ed Italici. Ascoli Piceno – Teramo – Ancona, 9-13 aprile 2000), (Pisa; Rome, 2003) ; S. Sisani, Umbrorum gens antiquissima Italiae. Studi sulla società e le istituzioni dell’Umbria preromana, (Perugia, 2009) ; F. Grelle, M. Silvestrini, La Puglia nel mondo romano. Storia di una periferia. Dalle guerre sannitiche alla guerra sociale, (Bari, 2013) ; R. Scopacasa, Ancient Samnium : Settlement, Culture, and Identity between History and Archaeology, (Oxford, 2015).

2. A l’instar de nombreux autres projets actuels de collations digitales de données pour l’Italie antique, voir Fana, templa, delubra. Corpus dei luoghi di culto dell’Italia antica ( OpenEdition books).

3. Sur lesquels les études se sont multipliées récemment : voir K. Lomas (ed.), The Emergence of State Identities in Italy, (Londres, 2000), p. 109-129 ; G. J. Bradley, E. Isayev, C. Riva (ed.), Ancient Italy, Regions Without Boundaries, Exeter, 2007 ; M. Cuozzo, A. Guidi, Archeologia della identità e delle differenze, (Roma, 2013) ; Da Italia a Italia. Le radici di una identità (Atti del LI Convegno di Studi sulla Magna Grecia. Taranto, 29 settembre – 1 ottobre 2011), (Taranto, 2014) ; Ibridazione ed integrazione in Magna Grecia. Forme, modelli, dinamiche (Atti del XLIV Convegno di Studi sulla Magna Grecia. Taranto, 25-28 settembre 2014), (Taranto, 2018).