BMCR 2018.02.48

Vulci: storia della città e dei suoi rapporti con Greci e Romani. Centro ricerche e documentazione sull’antichità classica. Monografie, 40

, Vulci: storia della città e dei suoi rapporti con Greci e Romani. Centro ricerche e documentazione sull'antichità classica. Monografie, 40. Roma: L'Erma di Bretschneider, 2016. vi, 218. ISBN 9788891311993. €115.00 (pb).

À plus d’un-demi siècle de la publication de Vulci étrusque et étrusco-romaine,1 la première monographie consacrée à cette grande métropole d’Étrurie méridionale par Alain Hus, Edoardo Bianchi, chercheur en histoire grecque à l’université de Vérone, reprend un dossier qui s’est considérablement épaissi depuis, aussi bien en termes de découvertes archéologiques que de réflexion historique.

L’histoire de la cité, dont H. H. Scullard, en 1967, déplorait qu’on ne sût à peu près rien (p. 1), y est exposée au fil de quatre chapitres qui, à l’exception du deuxième, ne reflètent pas les césures chronologiques traditionnelles : le premier regroupe les époques villanovienne et orientalisante ; le deuxième est consacré à “l’apogée” de l’époque archaïque ; le troisième à la “crise” du V e siècle et au renouveau de la première moitié du IV e siècle ; le quatrième aux dernières décennies de l’indépendance et aux lendemains de la conquête romaine jusqu’à la lex Iulia de 90 av. J.-C.

Si l’on peut s’accorder avec l’auteur sur l’importance de cette dernière date, l’idée, exposée en introduction, selon laquelle elle serait celle de la “sottomissione a Roma” (p. 2 et 3), est plus sujette à caution, dans la mesure où cette “soumission”, dans le cas de Vulci, est évidemment définitive dès le triomphe de Tiberius Coruncanius de Vulsiniensibus et Vulcientibus, en 280. Elle marque donc plutôt l’intégration définitive de la cité-État au monde romain. Il est un peu dommage que l’ouvrage ne permette pas de suivre au-delà l’histoire de la ville, pendant le siècle au cours duquel la culture et les traditions qui s’étaient maintenues, notamment en Étrurie méridionale, bien longtemps après la conquête, s’effacent progressivement de notre horizon archéologique.2

Le premier chapitre analyse le processus qui a poussé les populations encore dispersées à la fin de l’Âge du Bronze à se regrouper sur le site de la future Vulci, le plateau de Pian di Voce. Il est logiquement divisé en deux parties — qui, à mon sens, auraient pu faire l’objet de deux chapitres —, respectivement consacrés aux périodes villanovienne et orientalisante, bien documenté, mais on peut regretter l’absence de cartes de la vallée de la Fiora, qui permettraient au non-spécialiste de mieux suivre son propos. Dès l’époque villanovienne, les habitations aurait été dispersés sur une superficie de 125 ha, et entourées de quatre groupes différents de nécropoles, devenant ainsi, entre le IX e et le milieu du VIII e siècle, une “central place” contrôlant un vaste territoire occupé par des agglomérations secondaires, non sans rapports avec le monde grec, probablement à l’origine du phénomène d’urbanisation en Italie centrale (p. 23). 3 À l’époque orientalisante, qui voit l’apparition de l’écriture, l’intensification spectaculaire des contacts avec le monde méditerranéen se reflète dans la richesse du mobilier funéraire des tombes.4

Le deuxième chapitre se concentre sur ce qu’Alain Hus appelait le “siècle d’or’ de l’histoire étrusque, où le rayonnement de Vulci se manifeste à la fois par le nombre considérable de vases grecs importés et par de florissantes productions locales de sculptures en pierre, métaux, terres cuites et céramiques (p. 46). Les échanges avec le monde méditerranéen étaient assurés principalement par le site de Regisvilla/Regae, qui semble avoir possédé un urbanisme orthogonal, et des structures portuaires (p. 49).5 Cette période s’achève par une crise — ou une restructuration — des cités satellites de Vulci et de l’ensemble de son territoire (p. 56). Outre les témoignages archéologiques, épigraphiques et littéraires que nous possédons, la tombe François, sur laquelle revient plus loin l’auteur de manière plus détaillée, est utilisée ici pour la première fois dans l’ouvrage comme source historique (p. 59-65). Curieusement, la question de la ligue étrusque et du fanum Voltumnae sont évoquées (p. 77-79) sans la moindre référence aux découvertes extraordinaires réalisées depuis l’an 2000 sur le site de Campo della Fiera, au sud-ouest d’Orvieto, qui ont pourtant fait l’objet depuis de nombreuses publications — signe que l’auteur a résolument privilégié l’approche historique par rapport à l’approche archéologique ? Le chapitre se referme sur un appendice (p. 92-95) consacré à la question, bien posée, de la “colonisation” étrusque en Campanie, et du rôle que Vulci a pu y jouer, rôle confirmé sur le plan épigraphique par les inscriptions étrusques de la côte salernitaine.

Le troisième chapitre reprend les éléments qui permettent de penser que Vulci, encore florissante au début du Ve siècle, entre dès le deuxième quart de ce siècle dans une période difficile, marquée par une diminution drastique et croissante des importations grecques, qui transitent désormais par Adria et Spina, et conduit à l’abandon de Regae vers 400. Selon une hypothèse classique, mais ici relativisée, ce phénomène est mis en relation avec la bataille de Cumes, en 474 (le texte de Diodore relatif à cet épisode, p. 104, aurait mérité de figurer en traduction), relayée par les offensives syracusaines, entraînant l’effondrement de la thalassocratie étrusque — même si l’égalité tyrrhenoi = étrusques (p. 105) est à bien des égards problématique.

Dans tous ces événements, il est évidemment difficile, voire impossible, de mesurer la part qui revient à Vulci, et la cité est également à peu près absente du récit du conflit qui oppose les cités étrusques à Rome dans le courant du IV e siècle : selon les textes anciens qui nous sont parvenus, Volsinies, Caere, Faléries, et surtout Tarquinia, alors gouvernées par des oligarchies, en sont les protagonistes. C’est donc logiquement que l’auteur consacre un développement spécifique (p. 119-124) à la tombe François, datée entre 340 et 310, qui a fait l’objet ces dernières années d’un intérêt accru, et d’innombrables articles (p. 124-129).

Le quatrième chapitre regroupe deux périodes bien différentes. Avant la reddition de la ville aux Romains, en 280, la fin du IVe siècle apparaît comme une période de très grande prospérité dont témoignent en particulier une puissante enceinte, au faîte de la poliorcétique de son temps, et la restauration du grand temple de la ville.6 La menace contre la ville se précise en 310, avec la traversée par les Romains de la forêt ciminienne, mais je pense qu’il est exagéré de présenter un épisode de razzia, certes exalté par l’historiographie romaine comme une immense victoire, comme une invasion au cœur de l’Étrurie, qui aurait porté les cités étrusques à une prise de conscience de la nécessité de l’union (p. 134). Ici aussi, toute la partie postérieure à la conquête de la ville par Coruncanius aurait pu faire l’objet d’un chapitre à part — mais il me semble hasardeux d’affirmer qu’il s’agit d’un “inizio traumatico del loro processo di sottomissione alla potenza romana”, dû à l’aversion des Vulciens pour les Romains (p. 175-176) : possible démantèlement de la muraille, abandon des sites satellites, changements sociaux et dans les rapports de genre (p. 149-150), paupérisation à tous les niveaux de la société, confiscation d’un portion de territoire littoral, où la colonie latine de Cosa est déduite dès 273, avec des assignations de terres aux colons romains, et la constructions de voies consulaires (la première est la via Aurelia, en 241), qui laissent Vulci en marge du réseau routier… Un peu plus tard, en 205, Vulci est absente de la liste des cités étrusques qui participent à l’effort de guerre de Scipion l’Africain, et la création de deux nouvelles colonies, Saturnia en 183, et Heba après 167, complète le démantèlement et la mise en sécurité du territoire. Pour cette époque de “romanisation”, il aurait été intéressant de discuter les hypothèses émises par M. Söderlind7 à partir du dépôt votif de Tessenano (cité seulement en note p. 170), d’une coexistence dans les sanctuaires salutaires de fidèles étrusques et romains, consacrant des ex-voto différents. Les inscriptions latines apparaissent dans la seconde moitié du IIe siècle, à peu près au moment de la construction de la domus du Cryptoportique, dont je ne suis pas sûr qu’on puisse affirmer qu’elle présente un caractère “squisitamente romano” (p. 166), compte tenu du fait que son plan ne fait que reprendre et développer un modèle étrusque.8 Après la Lex Iulia de civitate de 90, la ville acquiert la pleine citoyenneté romaine — on ne peut plus parler à cette époque de “soumission” —, et devient municipium administré par des IIIIviri, rattaché à la tribu Sabatina. Toutefois, à la différence d’autres cités étrusques, aucune famille de Vulci ne paraît s’être insérée dans la société ou le sénat romain.

L’ouvrage se referme sur trois bons index, topographique, épigraphique et des sources anciennes. L’appareil de notes, très consistant, présente un bon équilibre conservant au texte, qui présente de manière équilibrée les hypothèses en présence, sa fluidité ; il aurait pu être allégé par le recours à des abréviations. La bibliographie (p. 180-207) compte plus de 500 titres — elle est évidemment appelée à croître rapidement, notamment depuis la reprise des fouilles de la cité, en 2015, par une équipe de la Duke University.

Ce volume constitue donc une synthèse historique extrêmement bienvenue, dont l’information est de qualité, et la lecture agréable, en dépit de quelques tics d’écriture rhétoriques récurrents ( poco importa, poco interessa, sarebbe superfluo, non è necessario, il dato fondamentale è…). Il est évidemment dommage que son prix manifestement excessif, puisqu’il ne contient comme illustrations que trois dessins au trait (ce que l’on peut aussi regretter, dans la mesure où davantage d’illustrations auraient facilité la compréhension du lecteur), et un peu plus de 200 pages seulement, en réserve l’achat à un petit nombre de happy few, et aux bibliothèques spécialisées. On peut légitimement se demander si les éditeurs qui adoptent systématiquement cette politique de prix élevés, sans correspondance avec les coûts réellement engagés, ne vont pas conduire, en dernier ressort, à accroître les difficultés de la discipline à maintenir sa place dans le milieu de la recherche et à saper définitivement ainsi leur propre activité.

Notes

1. Le livre a été publié en 1971, mais son manuscrit était achevé dès 1956 ; il a suscité de nombreux comptes rendus, qu’il est intéressant de relire à la lumière de ce nouvel ouvrage : REL 50, 1972, p. 405-407 (J. Heurgon) ; AntCl 42, 1973, p. 369-371 ; AJA 77, 1973, p. 103-104 (M. Del Chiaro) ; AnnPisa 3, 2, 1972, p. 1125-1131 (M. Cristofani) ; RA 1974, p. 114-115 (M. F. Briguet) ; JRS 63, 1973, p. 283-284 (F. R. Serra Ridgway).

2. Pour la Vulci romaine, qui a livré des inscriptions publiques jusqu’au début du IVe siècle, voir E. Papi, L’Etruria dei Romani. Opere pubbliche e donazioni private in età imperiale, Rome, 2000, part. p. 116-119.

3. Pour un cadre récent plus général sur ce phénomène, voir R. Leighton, Urbanization in Southern Etruria, dans J. Turfa (dir.), The Etruscan World, New York, 2013, p. 134-150.

4. En dernier lieu, C. Regoli, S. Carosi, La Tomba delle Mani d’argento e il suo contesto topografico: nuovi contributi all’archeologia vulcente, dans M. L. Arancio (dir.), Principi immortali. Fasti dell’aristocrazia etrusca a Vulci, Rome, 2014, p. 17-21.

5. Le site côtier de Fonteblanda présente également un urbanisme orthogonal : en dernier lieu, G. Ciampoltrini, dans M. Firmati, P. Rendini et A. Zifferero (dir.), La valle del vino etrusco. Archeologia della valle dell’Albegna in età arcaica, Scansano, 2011, p. 47-51.

6. Pour les sites du territoire durant cette période, voir à présent L. Pulcinelli, L’Etruria meridionale e Roma. Insediamenti e territorio tra IV e III secolo a.C., Rome, 2016, p. 49-90.

7. M. Söderlind, Late Etruscan Votive Heads from Tessennano. Production, Distribution, Sociohistorical Context, Rome, 2002 ( Studia Archæologica 118).

8. V. Jolivet, Tristes portiques. Sur le plan canonique de la maison étrusque et romaine des origines au principat d’Auguste, Rome, 2011 ( BÉFAR, 342).