Les papyrus grecs de l’Université de Padoue proviennent de fouilles menées sur le site de l’ancienne Tebtynis en 1934–1935 par Carlo Anti de la dite Université et Gilberto Bagnani de l’Université de Milan. Un premier volume de vingt-cinq textes, cinq littéraires et vingt documentaires est publié par les soins d’Agostino Soldati.
Les cinq textes littéraires, tous d’époque romaine, contiennent des passages de l’ Iliade d’Homère. (1) B, 61-86 (fin du I er – début du II e s.), rouleau de papyrus. Le texte homérique est écrit au verso d’un registre administratif sans doute devenu obsolète. (2) H, 400-410 (fin du II e – début du III e s.), fragment de rouleau de papyrus. (3) I, 413-432 (II e s.), trois fragments d’un rouleau de papyrus. Présence probable d’un digamma dans le vers 419. (4) I, 583-593 (fin du I er – début du II e s.), fragment d’un rouleau de papyrus. Présence du féminin κασιγνήτη au vers 584. (5) X, 47-57 (I er – II e s.), petit morceau de la partie inférieure d’un rouleau de papyrus. La description paléographique et codicologique de ces papyrus est très bonne.
On commencera la description des papyrus documentaires par un dossier relatif aux laarques de Tebtynis. Aux pages 37-44 de l’ouvrage, A. Soldati reprend l’étude du problème du laarque (λάαρχος, λαάρχης), particulièrement à Tebtynis. Les nouveaux documents de la collection de Padoue montrent le laarque à l’oeuvre. Les pétitionnaires et correspondants ont recours à lui pour trouver la solution à divers conflits : on les voit dénoncer des crimes perpétrés à leurs dépends ou envoyer des pétitions en matière fiscale. L’ouvrage de Christelle Fischer-Bovet, Army and Society in Ptolemaic Egypt, cité page 37, note 1, comme dissertation de Stanford, 2008 est maintenant publié dans la collection Armies of the Ancient World des Cambridge University Press (2014). Selon cette auteure, « as the number of machimoi alloted land grew, a new term was coined for their unit under Ptolemy V : laarchia » (p. 218). Jamais elle ne restreint la laarchia aux vétérans (voir p. 122, 152, 163), ce que Soldati aurait tendance à faire (voir p. 40 et 43).
(9) Lettre du laarque Chomênis à Sisoïs (II e s. avant J.-C.). Le verso porte le nom du destinataire, écrit perpendiculairement aux fibres. Chomênis enjoint à Sisoïs qu’il ne permette à personne d’occuper de la terre royale dont on doit établir les mesures. (10) Pétition au laarque Isidotos (94/93 av. J.-C.). Un certain Apollonios dénonce une agression dont il a été victime. A la bibliographie sur les pétitions d’époque ptolémaïque, ajoutez John Bauschatz, Law and Enforcement in Ptolemaic Egypt, Cambridge, 2013, p. 160-217, qui analyse très bien le contenu de ce type de documents (Why ? How ? Who ? Where ? What ?) et que l’auteur connaît, car il le cite ailleurs dans l’ouvrage. (11) Lettre incomplète au laarque Isidotos (début du I er s. apr. J.-C.). Il y est question d’argent, mais on ne peut en dire plus. (12) Début d’une lettre au laarque Isodotos (début du I er s. apr. J.-C.). Cinq lignes en sont conservées. (13) Début d’une lettre au laarque Isodotos (début du I er s. apr. J.-C.). Le verso porte le nom du destinataire, perpendiculaire aux fibres. Apollonios informe son correspondant d’un fait qui s’est passé l’après-midi d’un jour perdu dans la lacune. Je n’exclus pas que le document soit une pétition plutôt qu’une lettre. (14) Début très fragmentaire d’un document (début du I er s. apr. J.-C.). Demande de paiement du prix d’une esclave. (15) Fragment d’une pétition à un laarque (début du I er s. apr. J.-C.). Il y est question du χρυσικὸς στέφανος.
Passons à la description des autres papyrus documentaires. (6) Ordre de ravitaillement (III e s. av. J.-C.). Manrès, le comogrammate de Kerkéèsis et de l’ époikion d’Hérakleidès, demande la fourniture de vin, de 50 pains et de 5 poussins de pigeons. (7) Ordre de comparution (221 av. J.-C. ?). Marrès, un cultivateur, doit comparaître devant la justice. Le nom du destinataire de l’ordre figure sur le verso, perpendiculaire aux fibres. (8) Fragment de ce qui pourrait être une pétition (III e s. av. J.-C.). (16) Constitution d’un prêt pour le prix d’une quantité de grain (9 – 1 av. J.-C.). (17) Document relatif aux κατακρίματα, une taxe qui soulève encore bien des questions et que ce papyrus ne permet pas de résoudre (après 62/63 apr. J.-C.). (18) Fragment d’un acte de divorce (après 69). (19) Souscription d’une διδασκαλική (début du II e s.). Sérapion place son fils Protas en apprentissage chez un tisseur de lin. (20) Copie d’une constitution d’un prêt de 240 drachmes ou plus (époque trajane). (21) Partie finale d’une constitution de prêt (époque antonine). (22) Fragment d’une offre de prise à bail d’une parcelle de terre (après 155). Sabinos alias Ninnos, bien connu à Tebtynis, apparaît dans le document. (23) Reçu du naubion payé par une femme, Hérakleia (Théogonis, 192). (24) Lettre d’affaire (II e -III e s.). L’expéditeur, dont le nom n’apparaît pas, donne au destinataire une série d’ordres concernant des matières agricoles et termine sa lettre par un peu amène « ne fais pas autrement ». (25) Comptes agricoles (II e s.). On y trouve l’énumération de divers travaux de nature agricole suivis pour chacun du nombre de travailleurs qui y sont affectés et de leur paie. Le verso conserve un document relatif à la vente de semences.
Tous les papyrus sont illustrés par une reproduction photographique très lisible. Les index traditionnels complètent le travail. Le déchiffrement des papyrus est excellent. Les commentaires paléographiques sont de grande qualité, ceux sur les realia sont d’une richesse qui me paraît parfois excessive (par exemple, sur Maron ou παιδίσκη dans le papyrus 14). Sur ce point, chacun se fera une opinion car, comme le dit l’adage, « abondance de biens ne nuit pas ». L’éditeur des vingt-cinq premiers papyrus grecs de Tebtynis conservés à l’Université de Padoue mérite toutes nos félicitations pour ce beau travail.