BMCR 2016.09.53

Damasus of Rome: The Epigraphic Poetry. Introduction, Texts, Translations, and Commentary. Oxford Early Christian Texts

, Damasus of Rome: The Epigraphic Poetry. Introduction, Texts, Translations, and Commentary. Oxford Early Christian Texts. Oxford; New York: Oxford University Press, 2015. xxvi, 229. ISBN 9780198735373. $155.00.

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Malgré l’abondance actuelle des publications sur l’antiquité tardive et les textes écrits dans cette période, il reste des lacunes remarquables.1 Heureusement, une d’entre elles est comblée par la publication du livre fort recommandable de Dennis Trout sur les épigrammes de Damase. C’est un fait louable que Trout, déjà bien connu dans le domaine des études de l’antiquité tardive, notamment pour son important travail sur Paulin de Nole, a publié une traduction et commentaire extrêmement utile et agréable à l’usage des épigrammes de Damase, évêque de Rome dans les années 366–384 et peut-être le premier prêtre romain de son rang qu’il est légitime d’appeler pape.

L’introduction de Damasus of Rome est vaste et donne toute l’information qu’un lecteur veut y trouver. L’attention de Trout pour ses lecteurs se montre dans l’addition des choses utiles comme une liste d’évêques de Rome et un plan de la ville de Rome au temps de Damase. En plus de l’index de noms propres et de l’index général, il nous offre également un index d’expressions latines remarquables, qui présente brièvement les sujets-clés de la poésie damasienne et les expressions utilisées (souvent à maintes reprises) par Damase. Quoique l’ordre des expressions ne m’ait pas paru très raisonné, il s’agit là d’un instrument utile pour mieux comprendre la poésie de Damase. Trout donne à son lecteur beaucoup d’outils et il est certainement recommandé de lire le guide du lecteur avant d’aborder la lecture des poèmes (pp. 53–68).

Dans l’introduction, le rôle de Damase dans l’église de Rome du dernier tiers du quatrième siècle est discuté et les particularités des vocabulaire, style et métrique de ses épigrammes sont clairement exposées. La paternité damasienne du Carmen contra paganos est également débattue. Trout réussit à présenter clairement les opinions divergentes des savants modernes, sans nécessairement pousser sa propre opinion sur le sujet ou favoriser l’une ou l’autre hypothèse d’un(e) de ses collègues (ce qui dans le cas du Carmen contra paganos semble une approche particulièrement justifiée).

Vraisemblablement, la collection des épigrammes de Damase intéressera la plupart des lecteurs plutôt pour sa valeur de document historique que pour son importance littéraire. Pourtant, l’auteur s’efforce de souligner que les poèmes peuvent être appréciés aussi pour leur ingéniosité littéraire (il mentionne l’ ingenium de Damase à p. 19). Évidemment, Trout connaît toutes les réserves des savants et amateurs de poésie qui ont été exprimées depuis que les épigrammes ont été éditées à l’époque moderne et il les explique amplement, mais son jugement sur la poésie papale est plus positif : « amid the regularity and seeming predictability of these verses lurk surprises and variety » (p. 24). Il est juste de signaler que nos éditions modernes tendent à nous faire oublier que ces poèmes étaient dispersés à travers la cité de Rome et n’étaient jamais lus d’une seule traite dans l’antiquité tardive. En fait, le fonctionnement de ces vers était tout autre et ne semble pas suffisamment considéré comme tel dans la littérature moderne. Pourtant, il faut dire qu’il semble que Damase lui-même ait espéré avoir un plus grand public que les visiteurs des églises et catacombes où se trouvaient ses trouvailles poétiques, ce qui rend le jugement général et sévère de nos jours peut-être un peu plus justifié que Trout nous le présente.

La discussion de la valeur des épigrammes est un bon exemple du mode de travail de Trout dans le livre entier : le contexte de la production, de la lecture et de la réception des vers damasiens est central. La métrique reçoit beaucoup d’attention à travers tout le livre, tout comme la transmission des poèmes. La discussion moderne sur tous les aspects de l’œuvre et de la vie de Damase est très bien présentée aussi, ce qui rend le livre accessible aussi à ceux encore novices en la matière. De plus, Trout a choisi une présentation pratique : pour l’ordre des poèmes il a suivi celui des lieux où ils étaient appliqués, tout en gardant le numérotage généralement suivi de Ferrua. Chaque rue où des épigrammes de Damase ont été placées est introduite par une sélection de textes tardo-antiques et médiévaux en traduction (avec le latin original dans des notes), comme la Depositio martyrum, le Liber Pontificalis et la Notitia ecclesiarum urbis Romae.

Bien sûr, Trout n’est pas le premier savant contemporain à s’occuper des épigrammes. Déjà en 1942, Antonio Ferrua avait publié une édition qui est restée la référence pour toutes les études sur Damase jusqu’à nos jours. Cependant, même si la qualité de ce livre est toujours impressionnante, le fait que le commentaire soit écrit en latin ne contribue pas à la connaissance générale de la poésie damasienne. De plus, il y a eu du progrès dans les études damasiennes depuis cette édition, ce qui peut être vu clairement dans le traitement du poème sur David (no. 60), qui était considéré pseudo-damasien par Ferrua, mais qui est, grâce au travail d’Antonio Salvatore et Jean-Louis Charlet, de nouveau accepté comme l’œuvre de Damase ; toutefois, on accepte maintenant qu’il s’agit non pas d’un mais de deux poèmes, ce qui aboutit au double numéro 60a et 60b dans l’édition de Trout. Il y a sept ans, Ursula Reutter a publié une traduction allemande avec commentaire (le texte latin est basé sur celui de Ferrua), mais les poèmes ne sont pas centraux à cet ouvrage, ce qui est plutôt une biographie de Damase. L’édition récente d’Antonio Aste ne semble pas encore avoir atteint un grand public ; dans sa préface, Trout regrette d’ailleurs de ne pas avoir pu la voir avant l’achèvement de son propre ouvrage.2 En bref, le livre de Trout—diffusé par l’Oxford University Press—est le bienvenu.

Évidemment, le livre de Trout ne peut pas—et ne cherche pas à (voir p. vii)—remplacer les éditions précédentes. Les commentaires sur les poèmes sont bons, précis et satisfaisants, mais ne peut pas traiter profondément tous les aspects. Trout l’annonce clairement dans sa préface : « The commentary (…) is representative rather than exhaustive » (p. vii). Sa modestie est toutefois excessive. S’il profite certainement du travail fait par d’autres savants, le cas particulier de la poésie damasienne, dans lequel des aspects et problèmes de tant de domaines (de la littérature, de l’archéologie, de l’histoire ancienne et ecclésiastique, de l’épigraphie) s’assemblent, fait d’un commentaire comme celui-ci un tour de force qui mérite être fortement apprécié par tous.

Les restrictions du commentaire sont bien visibles dans la discussion du poème le plus célèbre de la collection, épigramme 20 ( Hic habitasse prius…) sur Pierre et Paul, pour lequel la bibliographie est extrêmement riche. Trout se contente de donner des références les plus importantes pour ceux qui ont un intérêt particulier dans ces vers fascinants de la basilique de Saint Sébastien. De même, dans le commentaire d’un épigramme contesté comme no. 3 ( Cingebant latices montem…) il manque des références importantes.3 Mais ceci semble à la fois inévitable et tout à fait compréhensible étant donnée l’entreprise dont Trout s’est chargé. En comparaison, le commentaire de Reutter nous donne plus de références littéraires, mais celui de Trout est plus complet (il faut dire que Reutter commente aussi les poèmes dans le texte courant de son œuvre, qui a d’ailleurs une nature différente). Les traductions sont bonnes et plutôt littérales (dans les mots de Trout lui-même : « the translations tend toward the workmanlike rather than the elegant », p. vii).

Le seul défaut du livre de Trout que je peux signaler est d’une nature pratique. Il concerne la mise en page : l’auteur a choisi de distinguer entre le commentaire littéraire en bas de page et le commentaire plutôt historique en texte courant dans une police un peu plus large. Toutefois, en l’absence de retour à la ligne pour l’annotation de chaque vers, le commentaire littéraire ne se reconnaît pas comme tel à première vue. On peut se demander si un commentaire complet discutant à la fois le contexte historique et littéraire n’aurait pas été préférable.

En somme, le livre de Trout est vivement recommandé à tous ceux intéressés par la poésie de Damase et l’histoire ecclésiastique du quatrième siècle. Le livre est très bien produit et écrit avec soin.4 Cependant, puisque le livre est destiné aussi à un public plus large (cf. l’auteur à la p. vii : « this study’s aim of making Damasus’ carmina epigraphica more available to scholars and students » ), il est très regrettable qu’il soit aussi coûteux (£95). Il est à espérer que l’éditeur se rangera vite du côté de l’auteur et publiera une édition abordable à un plus grand nombre de lecteurs.

Notes

1. Je remercie le dr. Stéphane Martin (Radboud Universiteit Nijmegen) pour ses corrections et ses conseils.

2. Le recenseur admet ne pas avoir vu non plus le livre d’Aste, publié en 2014 ( Gli epigrammi di papa Damaso I. Traduzione e commento a cura di Antonio Aste, Libellula Edizioni), qui manque au catalogue collectif des bibliothèques universitaires des Pays-Bas. Les éditions de Damase mentionnées sont : Ferrua, A. (1942). Epigrammata Damasiana. Roma, Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana et Reutter, U. (2009). Damasus, Bischof von Rom (366-384). Leben und Werk. Tübingen, J.C.B. Mohr (Paul Siebeck).

3. Notamment Gnilka, C. (2005). “Prudentius über den colymbus bei St. Peter.” Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik 152: 61–88 et Tränkle, H. (1999). “Der Brunnen im Atrium der Petersbasilika und der Zeitpunkt von Prudentius’ Romaufenthalt.” Zeitschrift für Antikes Christentum 3: 97–112.

4. Comme erreurs mineures, je n’ai pu trouver que fosssores (p. 7) et l’insertion malheureuse d’un adjectif allemand pour un substantif anglais dans la note 104 (p. 24).