BMCR 2016.02.09

Greece, Macedon and Persia: Studies in Social, Political and Military History in Honour of Waldemar Heckel

, , , , Greece, Macedon and Persia: Studies in Social, Political and Military History in Honour of Waldemar Heckel. Oxford; Philadelphia: Oxbow Books, 2015. xiv, 214. ISBN 9781782979234. $80.00.

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Ouvert par la bibliographie du dédicataire, par un avant-propos de Lawrence Tritle et une introduction de J.C. Yardley, le volume de Mélanges en l’honneur de Waldemar Heckel compte vingt contributions (liste en fin de compte-rendu). Le titre est un peu trompeur : si en effet la Grèce et la Macédoine sont bien représentées (comme on s’y attend), l’adjonction de « Persia » ne doit pas faire illusion : l’empire achéménide de Darius III est complètement absent ; la ‘Perse’ est simplement représentée par l’article de S. Müller qui évoque l’avènement de Darius I et sa lutte contre les ‘rois menteurs’. Plus en rapport avec les intérêts privilégiés de W. Heckel, on peut relever neuf articles autour du thème de la guerre. L’un concerne un front bien éloigné de l’Asie, puisqu’il s’agit des raisons de l’échec d’Athènes en Sicile, qui nous vaut de lire l’ultime article du très regretté Brian Bosworth (qui avait déjà abordé les affaires de Sicile dans un article de 1992). Cette même campagne de Sicile est l’un des exemples choisis par E.E. Garvin (avec la campagne d’Alexandre bien sûr) pour discuter du caractère opératoire (ou non) des systèmes élaborés par Clausewitz, le CoG (« Centrer of Gravity ») et le CPA (« Culminating Point of Attack ») : le problème est que l’auteur utilise les sources antiques à plat, sans en discuter la validité et les limites.

C. Willekes considère que la véritable révolution apportée par Alexandre dans l’usage coordonné de l’infanterie et de la cavalerie n’a pu être réalisée que parce qu’Alexandre « was able to revolutionize the use of the military horse by incorporating an understanding of equine behaviour and hierarchical structure of equine society to overcome the prey instinct of the horse » (p. 48). C’est l’introduction des éléphants dans les armées des successeurs dont traite G. Wrightson, en soulignant que cette réforme fut rendue possible par les premières manœuvres combinées sous Philippe et Alexandre. C’est à Issus que l’on assiste à la première bataille où les éléphants ont joué un rôle particulièrement notable. C’est également de tactique militaire dont traite T. Howe en étudiant la campagne d’Alexandre contre les Thraces autonomes en 335, et en montrant que le récit d’Arrien a été influencé par sa propre expérience d’une campagne contre les Alanoi près de cinq siècles plus tard ; Howe souligne avec raison qu’un auteur comme Arrien ne s’est pas contenté de recopier ses sources (quelles qu’elles aient été) : « He is [also] a stylist and an historian of his own right ». La réflexion de P. de Souza sur la guerre navale chez Polybe s’insère, même de manière plus lâche, dans cette série de communications.

L.L. Brice poursuit ses recherches sur les troubles ( unrest) dans les armées de Philippe et d’Alexandre (voir une autre contribution sur le sujet dans Seleukeia, 2015), envisageant tour à tour divers types d’« unrest », à savoir successivement « military conspiracy ; mutiny ; expression of grievances ; insubordination », en en proposant des définitions précises et spécifiques. — C’est d’un sujet proche dont traite J. Roisman, en distinguant, « riots for reward due » et « verbal protests », et en concluant que de telles ‘révoltes’ s’expliquent fondamentalement par le fait qu’il n’y a, face au roi, aucun contre-pouvoir institutionnel, et que le roi n’a pas à rendre de comptes. Peut-être : mais ne connait-on vraiment pas de tels mouvements dans des royautés constitutionnelles ? En l’absence de contre-épreuve, on me permettra d’en douter. Comme tant d’historiens de l’Antiquité aux États-Unis (voir inter alia F.H. Holt, Into the Land of Bones, 2005), E. Anson est fasciné par les « leçons » que les militaires d’aujourd’hui peuvent tirer des opérations menées par Alexandre dans les actuels Iraq et Afghanistan, et surtout de la politique qu’il suivit à l’égard des populations locales : soit la collaboration, soit l’écrasement brutal des révoltes ; à consulter la bibliographie ( sub Petraeus et Smith), on est frappé de voir à quel point le précédent d’Alexandre est systématiquement introduit par les militaires américains qui tentent de définir les voies de la contre-insurrection ( Counter-Insurgency).

Mis à part les remarques déjà mentionnées de J. Roisman, les institutions sociales et politiques de la Macédoine sont abordées à plusieurs reprises. Au cours d’une communication qui se situe à la jonction de l’histoire militaire, de l’histoire politique et de l’histoire sociale, W. Greenwalt présente une synthèse intéressante de ses vues sur le rôle grandissant de l’infanterie macédonienne entre Archelaos et Philippe, puis Alexandre.

De son côté, E. Carney étudie la place des femmes dans les symposia en Macédoine, là où les princesses de la famille royale eurent fréquemment un rôle politique non négligeable ; l’auteur montre bien que les témoignages archéologiques et iconographiques ont donné lieu à des interprétations divergentes ; la conclusion peut paraître peu optimiste mais elle est fondée : à l’heure actuelle nous ne disposons pas d’une documentation qui permette de répondre à la question posée.

C’est au culte des morts et à la vision de la vie d’après la mort dans la Macédoine hellénistique que s’intéresse F. Landucci Gattinoni, en partant essentiellement de la documentation archéologique de Vergina, et en rappelant les hypothèses variées présentées par différentes « factions » ( sic) sur l’identité des occupants des tombes I et II : elle choisit très clairement la thèse de l’inhumation de Philippe III et Eurydikè dans la tombe II. G. Squillace reprend la réflexion sur le thème de l’opposition Philippe-Alexandre, et conclut (d’une manière qui ne m’a pas semblé très convaincante) qu’il fut utilisé de différentes manières par Alexandre au cours de la campagne.

G. Shrimpton consacre trois pages à ce qu’il appelle « l’énigme Callisthènes », mais sans apporter beaucoup de neuf (m’a-t-il semblé). — E. Baynham s’interroge sur les jugements différents portés sur Cléomène de Naucratis à l’époque moderne, et sur celui porté par Arrien contre un anèr kakos. Pour l’essentiel, la contribution porte sur les sources littéraires ; les travaux de Le Rider sont cités rapidement et de manière incomplète ; il faut maintenant lire sa synthèse de 2003, traduit en anglais en 2007 sous le titre Alexander the Great. Coinage, finances and policy, Philadelphia, où l’on trouvera (p. 179-200) des développements très importants sur le personnage et sa politique.

Trois autres contributions ont un rapport avec l’Égypte. S. Burstein reprend à son compte, en la développant, une hypothèse qui veut que, dans les lignes 3-6 de la Stèle du Satrape, il ne soit pas question uniquement d’une campagne en Syrie, mais aussi de représailles contre le pays d’Irem, qui n’est autre (selon l’auteur) que le pays de Kush : on aurait donc là la preuve que Ptolémée, peut-être suivant un plan qu’Alexandre n’a pas pu réaliser, a manifesté très tôt sa clairvoyance et qu’il a tenu à défendre et à renforcer sa frontière méridionale. A. Meuus consacre une longue étude, presque une monographie, à Sostratos de Cnide, à sa biographie et à son rôle dans la construction du phare, en reprenant une à une toutes les sources disponibles, aussi bien littéraires ’ épigraphiques, et en rassemblant une bibliographie quasi exhaustive (p. 165-171). Partant d’un fameux passage de Strabon, D. Ogden rassemble ce que l’on sait des débuts de Philetairos, et rapproche l’histoire de celle de Stratonikè et de Combabos connue par Lucien, De Dea Syria. Le dernier article, par J. Vanderspoel, évoque les incertitudes de la politique romaine en Macédoine entre Pydna et Andriscos.

Signalons pour terminer que l’ouvrage sera facilement consultable grâce à un index anthroponymique et toponymique.

Liste des contributions

S. Müller, Darius I and the problems of (re)conquests: resistances, false identities and the impact of the past (p. 5-10)
E.E. Garvin, Clausewitz and ancient warfare (p. 6-26)
A.B.Bosworth, Thucydides and the failure in Sicily (p. 27-32)
E. Carney, Women and symposia in Macedonia (p. 33-40)
W. Greenwalt, Infantry and the evolution of Argead Macedonia (p. 41-46)
C. Willekes, Equine aspects of Alexander the Great’s Macedonian cavalry (p. 47-58)
G. Wrightson, Macedonian armies, elephants, and the perfection of combined arms (p. 59-68)
L.L. Brice, Military unrest in the age of Philip and Alexander of Macedon: defining the terms of debate (p. 69-76)
J. Roisman, Opposition to Macedonian kings: riots for rewards and verbal protests (p. 77-86)
T. Howe, Arrian and ‘Roman’ military tactics. Alexander’s campaign against the autonomous Thracians (p. 87-93)
E.M Anson, Counter-insurgency: the lesson of Alexander the Great (p. 94-106)
G. Squillace, The comparison between Alexander and Philip. Use and metamorphosis of an ideological theme (p. 107-117)
G. Shrimpton, The Callisthenes enigma (p. 114-117)
S.M. Burstein, Alexander’s unintended legacy: Borders (p. 118-134)
E. Baynham, Cleomenes of Naucratis: villain or victim? (p. 127-134)
F. Landucci Gattinoni, Cult of the dead and vision of the afterlife in early Hellenistic Macedonia (p. 135-142)
A. Meeus, The career of Sostratos of Knidos: politics, diplomacy and the Alexandrian building programme in the early Hellenistic period (p. 143-171)
D. Ogden, What did Arsinoe tell Lysimachus about Philetaerus? (p. 172-180)
P. de Souza, Polybius on naval warfare (p. 181-197)
J. Vanderspoel, Rome’s apparent disinterest in Macedonia 168-148 B.C. (p. 198-206).