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Il est certes difficile de rédiger le compte-rendu d’une anthologie car il ne saurait être question d’écrire la critique des textes rassemblés ni d’interroger la pertinence de leur contenu. On se limitera donc à mettre en avant les mérites de cette collection de texte et de la présentation retenue.
Comme l’indique la préface de ce recueil, il s’agit, à travers les exemples et extraits choisis, de « cerner les évolutions conceptuelles qui ont marqué l’étude de l’homme, comme objet d’analyse rationnelle ». Les éditeurs marquent bien la difficulté de l’enquête puisqu’aucune frontière précise n’existe entre philosophie naturelle et médecine qui permettrait la délimitation stricte d’un corpus. C’est pourquoi les textes rassemblés ici relèvent autant de la littérature médicale stricto sensu que de la tradition philosophique ou de grands traités savants. Cette anthologie couvre une période allant de la fin du 16 e siècle (Juan Huarte de San Juan, L’Examen des esprits pour les sciences, 1575, 1595 pour la première traduction française) au début du 19 e siècle avec Xavier Bichat et Pierre-Jean-Georges Cabanis. Tous les extraits sont donnés en langue française : lorsqu’il était nécessaire de proposer une traduction, les éditeurs se sont efforcés de proposer une traduction qui soit la plus proche possible dans le temps de la version originale, c’est-à-dire une édition française ayant suivi de près la première parution, cela afin d’offrir une version du texte tel qu’il a pu être lu par ses contemporains. Dans certains cas, les éditeurs ont cependant dû proposer leur propre traduction. Chaque regroupement thématique est introduit par une synthèse problématisant et contextualisant les différents extraits. En outre, chaque extrait donne lieu à une présentation de l’auteur et de l’œuvre. La bibliographie secondaire est souvent sollicitée et reprise en fin de volume. Il faut noter sa qualité et son actualité même si, sur les thématiques abordées, l’exhaustivité n’est pas envisageable. L’intérêt d’un tel volume est de proposer une solide introduction et non une compilation critique et érudite qui occuperait en l’occurrence plusieurs gros volumes.
Un défaut doit toutefois être noté. S’il n’était pas dans l’intention des éditeurs de se livrer à la critique des textes rassemblés, un apparat critique, même sommaire, est toujours utile. Or certains extraits sont assortis de notes qui viennent préciser les références, citations ou sources auxquelles l’auteur se réfère, d’autres sont totalement démunis de ces compléments à la lecture. Outre le manque de cohérence éditoriale que cette disparité semble trahir, cette absence récurrente nuit à l’une des perspectives que la préface met en avant, la manière dont l’héritage des doctrines issues de l’Antiquité est exploité « tant sur le mode de l’annexion et de la transposition que de la critique et du rejet ». De ce fait, il devenait indispensable d’expliciter systématiquement la présence des sources antiques. Ainsi, le passage extrait de Francis Bacon ( Le Progrès et Avancement aux Sciences Divines et humaines, 1624, 301-312) comporte de nombreuses références à la philosophie et aux sources antiques qui ne sont pas précisées. Il appartiendra donc au lecteur, qui, compte tenu de l’esprit de cette anthologie, ne sera pas toujours un spécialiste, de retrouver les sources de Bacon. Par exemple, les notions de sympathies et de concordances entre l’esprit et le corps que l’auteur invoque dans cet extrait font écho à la doctrine stoïcienne, dont les fondements connaissent un regain d’intérêt en ce début de 17 e siècle, ce qu’une brève note aurait pu préciser. De la même manière, lorsque Thomas Willis, dans son De anima brutorum, 7 (1672) expose la distinction entre âme rationnelle et âme corporelle ou sensitive, il renvoie à des notions directement empruntées à des sources antiques. L’introduction du terme hégémonikon dans sa démonstration méritait assurément une note. Les synthèses présentant chaque groupement de texte sont l’occasion de revenir sur les fondements antiques de certains des débats ou des notions en jeu mais elles ne justifient pas à notre sens l’absence d’un référencement dans les textes eux-mêmes. L’extrait de l’ Anthropometamorphosis de John Bulwer (1653) est assorti de notes mais un renvoi allusif à Cardan reste sans explicitation ainsi qu’un renvoi à Mercurialis. De la même manière, l’extrait de la Dissertation sur l’incertitude des signes de la mort et l’abus des enterrements et embaumements précipités de Jacques-Benigne Winslow (1742), ne comporte aucune note explicative alors que les références textuelles et historiques sont multipliées. Il n’est pas utile de multiplier les exemples car il ne s’agit nullement ici de dénoncer un quelconque manque de rigueur de la part des éditeurs. On sait à quel point l’harmonisation d’un travail collectif reste une tâche délicate, surtout s’il s’agit d’embrasser un corpus varié dont la maîtrise fait appel à des connaissances relevant elle-même de champs du savoir et de l’érudition très variés. Disons que cette anthologie pourrait bénéficier d’un renforcement de l’apparat critique qu’une future réédition permettra peut-être. S’agissant d’un ouvrage qui présente toutes les qualités d’un compendium ou d’un manuel appelé à devenir un classique des curricula universitaires, il n’est pas interdit d’imaginer le besoin d’une nouvelle édition révisée.
On notera la présence en fin de volume de dix illustrations reprenant pages titre, frontispices ou planches de certains des ouvrages de cette anthologie.
Table des Matières
Préface, p. 7
Introduction, p. 15
Les auteurs, p. 21
L’anthropologie entre philosophie et médecine, p. 23
André Du Laurens, Histoire anatomique, 1621
Francis Bacon, Le Progrès et Avancement aux Sciences Divines et humaines, 1624
John Donne, Méditations en temps de crise et différentes étapes de ma maladie, 1624
Jean Riolan, Anthropographie et ostéologie, 1626
Thomas Bartholin, Institutions Anatomiques, 1647
John Bulwer, Anthropometamorphosis : l’homme défiguré ; ou le changeon artificiel, 1653
Ernst Platner, Anthropologie pour médecins et philosophes, 1772
Immanuel Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique, 1798
Pierre-Jean-Georges Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme, 1802
La différence anthropologique, p. 91
Nicolas Tulp, Observations médicales, 1641
Cyrano de Bergerac, États et Empires de la Lune et du Soleil, 1657/1662
Thomas Willis, De l’âme des bêtes, 1672
John Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain [1690], 1755
John Gregory, Parallèle de la condition et des facultés de l’homme, 1766
Johann Gottfried Herder, Traité sur l’origine de la langue, 1772
Les modèles du corps : mécanisme, chimisme, humorisme, p. 137
René Descartes, Description du corps humain, 1648
Nicolas Sténon, Discours sur l’anatomie du cerveau, 1669
Giovanni Alfonso Borelli, Du mouvement des animaux, 1681
Jean Beguin, Les éléments de chymie, 1615
Joan-Baptista Van Helmont, Les Œuvres traitant des principes de médecine et physique [1648], 1671
Thomas Willis, Deux diatribes médico-philosophiques, 1659
Walter Charleton, Enquêtes sur la nature humaine en six lectures anatomiques, 1680
La fabrique de L’homme : circulation, génération, irritation, p. 197
Circulation sanguine, p. 199
Jean Riolan, Manuel anatomique et pathologique, 1648
William Harvey, Deux études anatomiques, 1649
Bernard le Bouyer de Fontenelle, Nouveaux Dialogues des Morts, 1683
Génération, p. 220
William Harvey, La génération des animaux, 1651
Marcello Malpighi, De la manière dont se forme le poulet dans l’œuf, 1686
Nicolas Hartsoeker, Essai de dioptrique, 1694
Johann Friedrich Blumenbach, Institutions de physiologie, 1797
Irritation, p. 253
Francis Glisson, Traité de la nature de la substance, 1672 et Traité du ventre et des intestins, 1677
Albrecht von Haller, Mémoires sur la nature sensible et irritable des parties du corps animal, 1756
Robert Whytt, Essais sur les mouvements vitaux et autres mouvements involontaires des animaux [1751], 1763
L’union de l’âme et du corps, p. 279
Henricus Regius, Philosophie naturelle [1661], 1687
François Bernier, Abrégé de la philosophie de Gassendi, 1678
Claude Perrault, Du Bruit, 1680
Giorgio Baglivi, De la pratique médicale, 1704
Julien Offray de La Mettrie, L’Homme-Machine, 1748
Immanuel Kant, Postface à Soemmerring, Sur l’organe de l’âme, 1796
Vies et morts, p. 327
Gottfried Wilhelm Leibniz, Considérations sur les Principes de Vie et sur les natures plastiques par l’auteur de l’harmonie préétablie, 1705, et Principes de la Philosophie ou Monadologie, 1716
Georg Ernst Stahl, La Vraie théorie médicale [1708], 1737
Jacques-Benigne Winslow, Dissertation sur l’incertitude des signes de la mort et l’abus des enterrements, et embaumements précipités, 1742
Jean-Jacques Ménuret de Chambaud, Article « Mort » (Médecine), Encyclopédie, 1765
Denis Diderot, Éléments de physiologie, 1765-1784
Christoph Wilhelm Hufeland, De l’incertitude de la mort, 1791
Marie François Xavier Bichat, Recherches physiologiques sur la vie et la mort, 1801
Paul-Joseph Barthez, Nouveaux Éléments de la Science de l’homme, 1806
Diversité de l’homme, p. 385
Juan Huarte de San Juan, L’Examen des esprits pour les sciences [1575], 1595
Nicolas Malebranche, De la recherche de la vérité, 1674-1675
Herman Boerhaave, Traité des maladies des enfants, 1759
Pierre Jean Fabre, Abrégé des secrets chimiques, 1636
Marin Cureau de la Chambre, L’art de connaître les hommes, 1660
Jacques-Louis Moreau de la Sarthe, Histoire naturelle de la femme, 1803
Carl von Linné, Système de la Nature [1735], 1758
Georges-Louis Leclerc de Buffon, Histoire naturelle, 1749
Illustrations, p. 443
Notices biographiques, p. 455
Bibliographie, p. 463
Index nominum, p. 489
Table des illustrations, p. 495