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Le dernier volume de la série “Estudios de Filología Griega” contient les actes d’un colloque qui a eu lieu à Madrid en octobre 1997, et plus précisément ceux de la sixième Conférence Internationale d’Etudes sur les textes grecs dédiée à la Comédie et rassemblant les plus grands spécialistes du genre (il suffit de jeter un coup d’œil sur la Table des matières).
L’article de Jesús Lens Tuero traite les fragments 16 et 17 K.–A. de la comédie Bêtes de Cratès. Lens Tuero appelle ces deux fragments utopiques et les associe avec le mythe de Dédale. Selon le philologue espagnol, l’utopie du contenu porte plutôt sur l’inexistence d’esclaves dans une future société et leur substitution par l’automatisme technologique dont parlent lesdits fragments, que sur la technologie même. Lens Tuero pense que Cratès propose ici la mécanisation de deux activités concrètes, la préparation de la nourriture et du bain thérapeutique, et trouve cette idée entièrement conforme à l’atmosphère politique et intellectuelle du Ve siècle.
L’étude de Jeffrey Henderson examine le problème de la dénomination des trois esclaves du prologue des Cavaliers, Démosthène, Nicias et Cléon qui ne provient pas d’Aristophane. Henderson revoie toutes les opinions sur le sujet et essaie de rapporter les trois noms des esclaves avec leur rôle dramatique dans la pièce.
Dans sa contribution, Angelo Casanova cherche les différences entre les deux versions des Nuées d’Aristophane, à partir des Argumenta I et II Dover. Casanova pense que nous connaissons peu de la première version de la comédie. Il discute des points concrets des deux Argumenta (la datation de la révision, le début incomplet de la seconde parabase, la fin de la pièce) et place les fragments 392–395 K.–A. dans la trame de l’ancienne version.
Franca Perusino interprète l’ hapax λυκόποδες de Lysistrate 664, dont la conjecture λευκόποδες a été préférée par la plupart d’éditeurs modernes du texte d’Aristophane. L’analyse historique, politique et textuelle de la philologue italienne favorise la lecture des manuscrits et explique aussi l’anomalie métrique du passage par un cas similaire des Oiseaux 335–351.
L’article de Bernhard Zimmermann s’intéresse aux Grenouilles en tant que témoignage des changements qui apparaissent déjà dans le drame et le dithyrambe de la fin du Ve siècle et du début du IVe. Zimmermann examine trois phénomènes: le mélange des genres (le style dithyrambique des chants des tragédies d’Euripide, les réminiscences eschyléennes chez Aristophane ou l’innovation musicale de ce qu’il appelle “dithyrambe mimétique”), le maniérisme et l’archaïsme.
Les Grenouilles intéressent aussi Maria Grazia Bonanno et plus précisément la métaphore de la force et de l’impétuosité de la nature dans les vv. 900–4. Bonanno cherche des parallèles littéraires de cette image, et les trouve dans la comparaison entre Cratès et Cratinos dans les Cavaliers, dans l’auto-éloge de Cratinos dans le fr. 198 K.–A. et même dans la présentation de Pindare chez Horace.
L’article de Antonio López Eire est une liste d’extraits comiques (et non pas exclusivement d’Aristophane, comme indique son titre) où le philologue espagnol applique ce qu’il appelle “la perspective pragmatique”, extrêmement importante pour l’analyse du contexte.
Une des études les plus intéressantes de la collection est celle de David Konstan, qui a comme sujet les θάρσος et νέμεσις, émotions contraires aux ἔλεος et φόβος. Konstan pense que la critique d’Aristophane contre Euripide s’explique par le fait que le poète tragique suscite chez les spectateurs de la compassion et de la peur, parfois de manière hyperbolique (comme dans le cas du Télèphe ou de Pénthée). Selon le poète comique, la tragédie devrait produire l’effet contraire, c’est-à-dire inspirer le courage et l’indignation.
L’étude de Juan Antonio López Férez est une analyse exhaustive des quatorze occurrences du terme σοφία chez Aristophane, du point de vue linguistique, contextuelle et littéraire. Comme éditeur du volume, il aurait pu faire des renvois internes, e.g. à l’article de Casanova dans la p. 101, n. 15 (et dans la p. 274, n. 38) ou à l’article de Konstan dans la p. 124, n. 93.
Dans sa contribution, Maria de Fátima Silva traite la présentation de l’étranger chez Aristophane. Elle examine comparativement trois scènes caractéristiques: les ambassadeurs Perses et Thraces dans les Acharniens, le Triballe dans les Oiseaux et le Scythe dans les Thesmophories. La philologue portugaise argumente que, quand Aristophane introduit un étranger sur scène, il suit un motif concret dont il exploite des éléments de satire politique, littéraire ou sociale selon le cas afin de parler de l’actualité contemporaine.
L’article d’Enzo Degani est un commentaire très riche du fr. 189 K.–A. de Platon le comique qui met en relief le caractère interactif des poètes dramatiques de l’époque classique.
Michel Menu s’occupe de trente-huit fragments d’Antiphane, tous d’un caractère gnomique. L’examen de Menu, bien organisé et en tout conforme à la méthodologie de la recherche des sentences dont il est spécialiste, révèle la préférence du poète comique pour les proverbes.
Sans aucun doute le joyau de cette collection est la contribution d’Eric Handley. Le philologue anglais nous initie de manière exemplaire aux étapes de l’édition des textes de Ménandre, en publiant les vers 18 à 30 de la comédie Dis exapatôn. Handley explique tous ses choix paléographiques très méthodiquement. Sa grande expérience et la connaissance profonde de l’œuvre de Ménandre lui permettent de chercher les motifs parallèles entre ce passage comique et d’autres, non seulement de Ménandre mais aussi de Térence et de Plaute, afin de reconstruire le texte grec. De plus, il réussit à relever dans ce court extrait les caractéristiques du poète comique que mentionnent Denys d’Halicarnasse et Quintilien.
C’est une voie parallèle que suit Geoffrey Arnott dans sa propre étude, qui porte sur l’édition, la traduction et l’interprétation de Samienne 96–111. Le philologue anglais s’arrête sur cinq points concrets: la reconstruction du début du v. 96, le caractère qui parle dans les vv. 98–101, le nombre des personnes qui se trouvent sur scène, la mention des villes du Pont et de Byzance, et la datation de la pièce qui, selon lui, a dû être présentée en 314 av. J.-C.
Ménandre est aussi le sujet de l’essai de Giuseppe Mastromarco. A travers l’analyse minutieuse et très bien documentée des analogies de forme et contenu dans les scènes nocturnes chez Ménandre (dans le Misoumenos, le fr. 152 K.–Th. et les fr. 1084 et 1115 K.–A.), le philologue italien explique pourquoi le poète comique les met principalement au début de ses œuvres. Mastromarco pense que Ménandre introduisait des thèmes traditionnels (la connexion entre l’amour et la nuit) dans un genre poétique où de tels thèmes étaient “constitutionnellement” étranges.
Le dernier article du volume appartient à Alan Sommerstein. Le philologue anglais offre une explication convaincante sur les confusions et malentendus de Platonius en ce qui concerne les caractéristiques de la Comédie Moyenne, et plus précisément le manque de la parabase et des chants et de la satire politique. Sommerstein pense que Platonius est parvenu à cette conclusion erronée après avoir consulté un manuscrit d’ Eolosicon d’Aristophane qui ne contenait pas les parties chorales (comme ceux qui circulaient dès l’époque hellénistique) et en confondant L’Ulysse de Théopompe avec Les Ulysses de Cratinos.
Beaucoup de choses sont arrivées depuis octobre du 1997: cinq philologues de ce volume ne sont plus parmi nous1 et certains articles ont déjà vu le jour.2 Néanmoins on est profondément reconnaissants à Juan Antonio López Férez d’avoir recueilli et publié toutes ces contributions dans une jolie collection.3 Ainsi elles ne vivront pas uniquement dans la mémoire des participants du colloque de Madrid, mais elles seront dûment appréciées et fréquemment consultées par les spécialistes de la comédie grecque, actuels et futurs.4
Table of Contents
Nota preliminar, 7–8
Jesús Lens Tuero, “Los fragmentos utópicos de las Bestias de Crates”, 9–16
Jeffrey Henderson, “The Portrayal of the Slaves in the Prologue of Aristophanes’ Knights ”, 17–30
Angelo Casanova, “La revisione delle Nuvole di Aristofane”, 31–46
Franca Perusino, “I coreuti “piedi di lupo” nella Lisistrata di Aristofane”, 47–57
Bernhard Zimmermann, “Le ‘Rane’ di Aristofane e le tendenze della letteratura greca dalla fine del quinto agli inizi del quarto secolo: riflessioni su un periodo di transizione”, 59–68
Maria Grazia Bonanno, “Metafora e critica letteraria. A proposito di Aristofane, Rane 900–904”, 69–78
Antonio López Eire, “La comedia aristofánica a la luz de la pragmática”, 79–90
David Konstan, “Aristófanes sobre la compasión y el temor”, 91–104
Juan Antonio López Férez, “ Sophía en las obras conservadas de Aristófanes”, 105–160
Maria de Fátima Silva, “L’étranger dans la comédie grecque ancienne”, 161–188
Enzo Degani, “Parodia e gastronomia in Platone comico”, 189–197
Michel Menu, “Les sentences chez Antiphane”, 199–221
Eric W. Handley, “POxy 4407: Menander, Dis Exapaton 18–30”, 223–234
W. Geoffrey Arnott, “Menander, Samia 96–111”, 235–246
Giuseppe Mastromarco, “Scene notturne nelle commedie di Menandro”, 247–263
Alan H. Sommerstein, “Platonio, Diff. com. 29–31 y 46–52 Koster: Eolosicón de Aristófanes, Odiseos de Cratino y la Comedia Media”, 265–281
Abstracts (Resúmenes en inglés), 283–287
Índices
I. Pasajes citados, 289–298
II. Autores, obras y algunos otros términos notables, 299–309
Lista de autores de este volumen, 311–312
Volúmenes aparecidos en la colección Estudios de Filología Griega (EFG), 313–314
Notes
1. Jesús Lens Tuero meurt sept mois après le colloque, Enzo Degani en 2000, Antonio López Eire en 2008, W. Geoffrey Arnott en 2010 et Eric W. Handley en 2013.
2. Il s’agit des études de Jeffrey Henderson, Angelo Casanova, Franca Perusino et Alan H. Sommerstein. A propos, il faut noter que Franca Perusino, David Konstan, Juan Antonio López Férez, Michel Menu, Giuseppe Mastromarco et Alan H. Sommerstein ont mis à jour la bibliographie de leurs articles.
3. En ce qui concerne la présentation typographique du livre, on trouve des mots mal accentués (αὐτῶι p. 9; scène p. 33, n. 8; εἰσῇξε p. 42, n. 42; φυλαί p. 60; politica p. 76; Retórica p. 99; êthos p. 100, n. 17; connaît p. 163; comme p. 163, n. 4; pèlerinage p. 166; τὰ p. 167, n. 12; ἡμεῖς p. 170; λῆψι p. 171; ἑόρακα p. 176; πρᾶγμα p. 178; prosaïques p. 183; à une mystérieuse p. 183; López p. 199, n. 2; brève p. 202; à l’excès p. 202; sélectionnèrent p. 202; Zénobios p. 202; ταἰσχρὰ p. 205; à l’honnêteté p. 205; médico en la comedia ática p. 205; honnête et pauvre p. 205; Menipp p. 206; προεληλύθασιν p. 207; Anterôsa p. 209; Diogénianos p. 209; εὐφρανεῖ p. 211; πατρί p. 212; γέ p. 213; Τελεύτα p. 213; âgé p. 214, n. 23; Néoptolème p. 214, n. 23; Clém. p. 216; Connaître p. 216; μεῖζον p. 219; concrète p. 220; florilège p. 220; εἴ p. 239; of p. 241, n. 13; close p. 243; ἐδιδάχθη p. 266; Αἰολοσίκωνα p. 268, n. 16; Pöhlmann p. 271, n. 26; Dionisalejandro p. 279, nn. 57 et 58), des fautes de coupure des mots étrangers à la fin de la ligne (Aristoph-anes p. 22; Ar-istophanes pp. 27 et 28; co-rrezioni p. 36; probabi-lmente p. 40; supo-rre p. 44; Médite- rrannée p. 162; nou-rriture p. 166; obs-cènes p. 183; sus-citent p. 205; Ap-ostolius p. 214; Ox-yrhynchus p. 224; cop-yist p. 228; par-asites p. 239; de-lla p. 249) ou des parenthèses et des guillemets qui ne sont pas refermés (p. 40, n. 75; p. 61; p. 139, n. 158; p. 206; p. 239, n. 8; p. 240; p. 241 et n. 16; p. 258). Il faudrait aussi lire dans la p. 13, n. 14: 101 et non pas 237; p. 96: un afeminado; p. 100: su madre ya ha implantado; p. 257, n. 23: 59–64; p. 287: P.Oxy. 2826 (= Adespota 1115 K.–A.); et ajouter un verbe principal dans la troisième phrase de la p. 176.
4. J’aimerais remercier mon cher collègue et précieux ami Jean-Luc Vix pour son aide et ses remarques utiles.