BMCR 2014.09.65

Cult Places and Cult Personnel in the Roman Empire. Variorum collected studies series, CS1039

, Cult Places and Cult Personnel in the Roman Empire. Variorum collected studies series, CS1039. Farnham; Burlington, VT: Ashgate Variorum, 2014. xii, 378. ISBN 9781472414731. $170.00.

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Ce recueil d’articles, qui fait suite à un premier publié il y a deux ans chez le même éditeur,1 regroupe 21 textes écrits entre 1979 et 2011 consacrés à la religion romaine et au culte de l’empereur dans l’Occident romain. Ceux-ci s’organisent autour de deux thématiques principales : d’une part—et principalement—les lieux de culte, leur topographie, leur aspect ou leur statut ; d’autre part, les acteurs du culte impérial.

L’auteur revendique une méthode qu’il qualifie d’« inductive » et la perspective est délibérement analytique. Ces études de cas reposent sur une connaissance poussée des dossiers et du fonctionnement de la religion romaine, qui ont conduit l’auteur à élaborer des schémas d’interprétation, notamment sur certains développements du culte, qui sous-tendent une partie des démonstrations contenues dans ces articles. Pour les trouver de manière plus synthétique et explicite, on devra donc se reporter à la somme The Imperial Cult in the Latin West.2 L’étendue de la matière traitée dans ce recueil interdit toute discussion détaillée du contenu. En voici par conséquent un bref aperçu avant quelques observations plus spécifiques.

Le recueil est organisé géographiquement et les cinq premiers articles sont centrés sur Rome. Le premier reprend la question du statut et des rôles des temples du divin Auguste, sur le forum et sur le Palatin, et conclut que le second était tout à fait secondaire ; vient ensuite une étude sur la statue de César du Panthéon d’Agrippa, que D. Fishwick interprète comme honorifique et non cultuelle, interdisant selon lui l’idée d’une vocation dynastique du temple. Il remet aussi en doute, après d’autres, l’existence d’un temple à Vesta sur le Palatin (III). Le quatrième article, qui s’intéresse aux implications idéologiques du temple de Mars Ultor, est surtout un examen du relief de l’autel de Carthage conservé à Alger et de l’hypothèse qu’il reproduirait le groupe cultuel du temple. Le dernier texte de cet ensemble propose de considérer l’ Ara Prouidentiae comme un monument érigé non pour célébrer l’adoption de Tibère, mais, en passant par la confrontation avec un monument de Mérida, comme un autel célébrant le discernement d’Auguste dans le choix de ses successeurs depuis Agrippa.

Suivent deux brèves sections : l’une, sur l’Italie, comporte un examen du texte transcrivant les honneurs décrétés par les Artemisioi de Naples à L. Munatius Hilarianus ( AE 1913, 134) que D. Fishwick rapproche, d’une manière un peu spéculative de son aveu même, de ceux rendus aux empereurs. Ce texte est suivi d’un nouvel examen de l’inscription pompéienne de Mamia ( CIL X, 816) : comme I. Gradel, il refuse la restitution d’une dédicace au Genius Augusti, remplacé par le Genius coloniae. L’examen de l’ensemble de la documentation lui permet ainsi d’affirmer, en opposition à la thèse de L. R. Taylor, que le culte public du Genius de l’empereur n’est pas attesté dans l’Italie romaine.

La troisième section se limite à un article sur la Bretagne (VIII) et examine le complexe du culte impérial provincial à Camulodunum dans une perspective comparatiste avec les autres sanctuaires connus en Occident. En dépit de sources littéraires et épigraphiques quasi-inexistantes, celui-ci se révèle assez bien connu—si du moins on fait la part de l’interprétation archéologique.

La quatrième section de l’ouvrage est vouée à la Gaule. Deux textes reprennent le cursus lacunaire d’une inscription du territoire de Valence (voir désormais ILN Valence, 63). L’analyse est probante et digne d’intérêt puisqu’elle révèle que des citoyens de la colonie pouvaient devenir prêtres du culte impérial à l’autel du Confluent, à Lyon. L’unique texte rédigé en français (X) reprend le témoignage des monnaies pour déterminer l’apparence de ce monument. Dans l’ensemble, l’interprétation des différents éléments (couronnes, victoires, lauriers etc.) est convaincante. Toutefois, l’identification des objets reposant sur l’autel comme des bustes de l’empereur et de sa famille effectivement dressés sur la table de l’autel ne convainc guère : comme l’avait déjà vu R. Turcan, celle-ci ne porte généralement rien et on peut se demander quels membres de la famille d’Auguste auraient été choisis pour être ainsi représentés. La démonstration (XI) pour fixer la date de la dédicace de l’autel fédéral le 1 er août 12 av. J.-C. (Liv., Per., 139 contre Suet., Claud., 2,1, qui la place en 10 av. J.-C., année de naissance de Claude) est nuancée et recevable, même si elle ne règle pas tous les problèmes posés. Le dernier texte est un réexamen du cursus de T. Trebonius Rufus (voir désormais PIR 2, VIII/1, T 316). Originaire de Tolosa, ce chevalier, dont D. Fishwick suppose qu’il occupa des postes procuratoriens passés sous silence, fut surtout, sous Vespasien, le premier prêtre du culte provincial de Narbonnaise, avant de se retirer à Athènes. Ce texte est donc de première importance pour renforcer la thèse de l’instauration du culte provincial de Narbonne par Vespasien.

L’Espagne fait l’objet de la cinquième section. Les quatre articles réunis traitent surtout, par des biais différents, des problèmes posés par l’identification des sanctuaires municipaux et provinciaux du culte impérial à Tarraco, Emerita Augusta et Corduba. La question est rendue délicate par l’absence d’éléments déterminants, mais les fouilles récentes, évoquées dans plusieurs appendices, ont permis de faire avancer la réflexion. Au-delà des questions de topographie, D. Fishwick revient sur le problème de l’existence d’une distinction entre « forum provincial » et « forum municipal » qui avait été niée par W.Trillmich. On ne peut qu’adhérer à l’idée que cette dichotomie, fréquente dans la littérature archéologique et probablement avérée à Tarragone, n’a rien d’universel. Les espaces réservés aux cérémonies et aux manifestations du culte provincial n’étaient pas nécessairement confinés en un centre unique : chronologie et contexte sont à prendre en compte. Les deux dernières études sont épigraphiques. L’une reprend le commentaire de deux inscriptions mentionnant des prêtres provinciaux de Lusitanie, CIL II, 473 et CIL II, 5264. On remarquera toutefois que, dans la première, le statut pérégrin du flamine Albinus Albui f. est en définitive peu probable, malgré la dénomination inscrite ; dans la seconde, qui est une dédicace à Titus, rien n’indique que le buste qu’elle accompagnait avait un usage cultue : de ce fait, en faire avec D. Fishwick une preuve de l’élargissement du culte aux empereurs vivants est sans doute excessif et le parallèle dressé avec l’évolution décelable dans les autres centres provinciaux est à cet égard plus probant. Le risque de trop pousser parfois l’interprétation d’inscriptions lacunaires apparaît plus nettement dans le dernier article de la section (XVIII) sur la dédicace à L. Cornelius Bocchus : la restitution de la fonction de curator templi diui Augusti, associée par les premiers éditeurs à l’édification du temple de Mérida et que D. Fishwick préfère mettre en rapport avec la « marmorization » du sanctuaire (?), est en fait très douteuse comme le montre la proposition de J. C. Saquete, citée en appendice qui en fait un élément de la titulature du légat Fulcinius Trio.

À cet ensemble succède un article (XIX) sur l’aire sacrée de Gorsium (Pannonie inférieure), qui fut parfois identifiée comme centre du culte impérial de la province mais que D. Fishwick, après d’autres, interprète plutôt comme un complexe associant plusieurs divinités « orientales », dont Jupiter Dolichenus.

La dernière section s’ouvre par une étude sur la relation entre les représentations monétaires de monuments et la réalité archéologique, qui est au cœur de certaines de ses démonstrations (Lyon, Tarragone, etc.). Il y adopte une attitude prudente et nuancée, soulignant l’emphase et les conventions de ces images, tout en mettant en valeur la représentation ponctuelle de monuments jamais édifiés. L’ensemble se clôt par un examen du devenir des prêtres provinciaux d’Occident après l’exercice de leur sacerdoce : contrairement à une idée reçue, l’ascension sociale est rare, et la poursuite d’une carrière procuratorienne ou l’intégration à l’ordre sénatorial sont plutôt des exceptions.

Le champ couvert par ces études est donc large et les démonstrations sont menées souvent de manière très serrée : leur intérêt pour les historiens de la religion romaine est donc notable, mais plusieurs points méritent d’être relevés.

En premier lieu, le travail éditorial laisse parfois à désirer. Certes, le recueil est pourvu d’utiles indices des noms et des lieux. Pourtant, on aurait pu souhaiter une pagination continue et plus de soin apporté à la reproduction des textes. À deux reprises (VIII, 51 et X, 111-112) l’éditeur a copié des pages d’articles tiers appartenant aux publications originelles ! Par ailleurs, le choix d’une organisation chronologique des textes à l’intérieur du cadre géographique est loin d’être heureux : il conduit par exemple à dissocier les deux études sur le prêtre de Valence.

Plus fondamentalement, on aurait pu s’attendre à un travail de mise à jour : or, celui-ci est très inégal. Neuf appendices ont été ajoutés, mais soit ils redoublent le propos de l’article (XXI), soit leur agencement est peu efficace. Ainsi, ils sont presque systématiques pour les dossiers des fouilles récentes à Tarragone, Mérida et Cordoue : n’aurait-il pas été judicieux de ne composer qu’un seul appendice, pour éviter les redites—d’autant qu’une partie de ces données est désormais synthétisée dans le tome III, 2 de The Imperial Cult … ?

En outre, certains articles auraient nécessité eux aussi une mise à jour bibliographique malheureusement absente. Pour ne citer que quelques exemples, la question de la localisation et du statut des temples du divin Auguste à Rome ne peut plus faire l’économie d’une discussion sur les données des fouilles de la Meta Sudans, qui ont peut-être livré les vestiges du sacrarium Augusti, probablement restauré par Claude. 3 On peut certes contester les hypothèses—pourtant séduisantes—qui ont été avancées, mais il eût été honnête de les signaler. De même, si l’omission du bel article de A. Bresson sur l’inscription d’Hilarianus4 ou de celui de S. Lefebvre sur les flamines de Lusitanie5 ne sont pas dommageables pour le propos, l’absence de référence à la relecture par C. Letta de l’inscription de Mamia, qui tendrait, à partir de parallèles probants, à confirmer la restitution du Genius Augusti à Pompéi, est beaucoup plus gênante.6 Dans un champ si vaste où les connaissances sont surtout tributaires de l’accroissement de la documentation ou de sa révision, ce sont des oublis qui peuvent avoir des conséquences sur l’interprétation d’ensemble, dans la mesure où D. Fishwick, qui souhaite rester au plus près des sources, construit son propos par une constante mise en relation des cas spécifiques qu’il examine.

En définitive, on peut donc s’interroger sur l’utilité non pas de ces études—elle est indéniable—mais de ce recueil. Sans les compléments bibliographiques et critiques que l’on est en droit d’attendre d’un volume de scripta varia et à l’heure où nombre de périodiques sont désormais disponibles sur le web (cela concerne ici plus de la moitié des textes), les bibliothèques pourront à bon droit se demander si l’acquisition de ce volume constitue une dépense nécessaire, et c’est regrettable. ​

Notes

1. D. Fishwick, Cult, Ritual, Divinity and Belief in the Roman World, Farnham, Burlington, Ashgate Publishing, 2012.

2. D. Fishwick, The Imperial Cult in the Latin West, Leiden, New York, 1987-2005, 8 vol.

3. Cl. Panella (dir.), Meta Sudans, 1, Roma, 1996, p. 136 sq. ; F. Coarelli, Palatium, Roma, 2012, p. 87 sq.

4. A. Bresson, « The chorai of Munatius Hilarianus or Neapolitan Phratries as Collegia », Mediterraneo Antico,16/1, 2013, p. 203-222.

5. S. Lefebvre, « Q. (Lucceius Albinus), flamen provinciae Lusitaniae ? L’origine sociale des flamines provinciaux de Lusitanie », in M. Navarro Caballero, S. Demougin (dir.), Élites hispaniques, Bordeaux, 2001, p. 217-239.

6. C. Letta, « Novità epigrafiche sul culto del Genius Augusti in Italia », dans M. G. Angeli Bertinelli et A. Donati (éd.), Usi e abusi epigrafici. Atti del convegno internazionale …, Roma, 2003, p. 217-236. ​