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Le présent ouvrage réunit des contributions offertes lors du congrès organisé à Istanbul du 26 au 28 février 2011, à l’occasion du cinquantenaire de la mission archéologique italienne d’Iasos, qui avait été précédé par une exposition sur le même sujet en décembre 2010 (millésime exact du cinquantenaire). Les 17 articles ainsi réunis ne représentent pas toutes les communications prononcées lors du colloque, et les éditeurs y ont joint, à juste titre puisque son auteur a été un des piliers de la mission italienne, un article de S. Lagona qui n’avait pas été présenté alors. Les thèmes abordés sont variés, allant de rapports de fouilles et d’études de matériel à des questions d’anastylose et d’historiographie en passant par des considérations topographiques et épigraphiques.
La première contribution porte sur Iasos au HRIII (M. Benzi, G. Graziadio) et commence par résumer les données sur les périodes antérieures : depuis les traces sporadiques du Néolithique final, jusqu’à l’établissement assez important de la fin du BM et du BR, qui présente un faciès anatolien. Au BR III apparaît de la céramique mycénienne ou apparentée, avec de la céramique de style mycénien. Les couches concernées ont malheureusement été très perturbées par la suite, mais il n’y avait certainement rien de comparable avec l’important établissement de Milet. La céramique mycénienne représente seulement 10% de l’ensemble, le reste est local, l’influence anatolienne a disparu.
L’article de L. Donati est consacré à l’étude de deux fontaines situées sur le côté ouest de l’agora, faisant suite à l’établissement du Bronze et à une nécropole géométrique, et comptant parmi les rares vestiges de l’époque archaïque (en dehors des inscriptions). La présence de ces fontaines témoignerait de l’aménagement d’une première agora, également indiqué par l’angle d’un édifice. L’auteur présente une sélection de matériel céramique comprenant beaucoup d’importations qui suggèrent une parenté de destin avec Milet et la présence d’Iasiens dans l’aventure égyptienne (tête d’Osiris en pierre d’époque saïte). Les quelques exemplaires de sculpture (kouroi) supposent aussi des liens avec Athènes.
R. Fabiani, M. Nafissi, traitent de “La pubblicazione dei decreti a Iasos : cronologia e topografia”, dossier qui comprend une centaine de décrets (dont 90 pour des étrangers) du début du IVe à la fin du II e s. Il ne s’agit pas d’une étude définitive mais d’une sorte d’essai sur la période d’abondance de cette procédure et sur la topographie officielle qu’on peut en induire (sans préjudice des recherches en cours). Contrairement à la plupart des cités, qui comportent un lieu d’affichage unique, Iasos en présente plusieurs dont la localisation est ici discutée. On constate des cas de spécialisation : ainsi le sanctuaire d’Artémis Astias ne recevait que les décrets “premiers” qui mentionnaient les honneurs principaux accordés aux juges étrangers et étaient complétés par un décret secondaire accordant la citoyenneté, affiché au sanctuaire de Zeus et Héra.
F. Berti traite de topographie : “Tra mure e porte urbane : ricostruzioni, ipotesi e proposte a margine della stoà occidentale dell’agorà di Iasos”. Il s’agit d’une mise au point sur cette zone située entre la fortification médiévale et le portique ouest de l’agora, dont la fouille a été facilitée par la libération de nouveaux terrains. Malgré la maigreur des vestiges conservés, l’auteur pense qu’il y a une parenté complète entre la porte d’Iasos et la porte de Myndos à Halicarnasse. L’article ne constitue ni un abrégé de l’historique de la fouille, ni un survol chronologique de l’évolution du secteur, mais il fournit un répertoire des trouvailles qui y ont été faites, classées dans l’ordre chronologique (architecture, épigraphie, sculpture).
G. Maddoli, « Vente de la prêtrise de la Mère des dieux à Iasos » : étude préliminaire d’une stèle malheureusement lacunaire datable entre le milieu du III e s. et le milieu du IIe. L’intérêt particulier réside dans l’association à la prêtrise de la Mère des dieux de celle de la Mère phrygienne, montrant que les deux cultes sont encore bien distincts. Elle vient rejoindre deux textes déjà connus de vente de prêtrises au gymnase des anciens d’Iasos. L’auteur commente la nature de la Mère des dieux ainsi que la précision (en partie restituée) donnée en tête du texte : il s’agit d’une diagraphè. L’auteur donne un résumé du contenu de ce texte, très intéressant pour l’étude des sacrifices antiques.
M. Michelucci, « Le stipi votive dell’agorà e l’agorà augustea » : réexamen d’une fouille en partie inédite effectuée en 1972 sur l’agora et qui a livré un matériel intéressant, apportant des indices sur une agora d’époque augustéenne ayant précédé l’agora impériale. Le matériel céramique, dont une grande quantité de lampes, est brièvement analysé et daté au plus tard du 1er quart du I er s. p.C. Quelques importations occidentales laissent la place à pas moins de 153 exemplaires de sigillée orientale. La construction des portiques d’époque hadrianique a dû se faire sans remaniement majeur.
S. Lagona, « Uno spazio commerciale di fianco all’esedra di Artemide » : brève étude d’un bâtiment situé à côté de l’agora dont la fonction première est inconnue mais qui, au vu du matériel découvert (bassins de marbre, amphores, coquillages et céréales), servit à l’époque tardo-romaine (III e -IV e s.) de boutique. Les amphores appartiennent à deux groupes, l’un oriental, l’autre égéen. La denrée la plus vendue semble avoir été le poisson, ce qui n’étonne pas en raison de la situation géographique d’Iasos.
M. Landolfi, « La coroplastica votiva dal santuario di Zeus Megistos » : ce sanctuaire (proche de la porte orientale de l’enceinte hécatomnide) fut fouillé en 1972-76 et en 1982-86. Une divinité féminine carienne en fut probablement la première occupante, remplacée par Héra associée à Zeus (lui-même remplaçant un Tarhunt bien attesté en Carie) et destinée à connaître ici un effacement progressif comparable à ce qui se passa à Olympie. L’article donne un aperçu synthétique (sous forme d’un classement typologique relativement détaillé) des figurines, dont beaucoup de groupes hiérogamiques et de kourotrophes. La présence de plusieurs thymiateria renverrait à des sacrifices non sanglants à la manière perse.
A. Romualdi, « Materiali dal santuario di Demetra e Kore » : le sanctuaire (“de la pointe sud”), fouillé en 1967 et 1968 par D. Levi et objet d’un nettoyage en 2005, est situé face à la mer, comme ceux de Caunos et de Thasos, mais encore inédit. Le présent article en donne une description et une étude très générale du matériel (incomplètement illustré) trouvé dans une eschara et dans un dépôt votif d’époque classique. L’auteur discute aussi le cas de quelques protomés masculines, de coupes attiques et de l’apparition au début du IV e s. d’un type de figurine d’offrant barbu qui perdurera jusqu’à la fin du III e s. (Hadès?).
S. Angiolillo, M. Giuman, « La ‘casa dei mosaici’ : una domus della Iasos romana » : découverte en 1968, cette maison n’a pas été complètement fouillée. L’article, clair et dense, en fournit une présentation bien illustrée qui décrit, phase par phase (de la fin de l’époque hellénistique à l’époque tardo-antique), ses principales caractéristiques architecturales et surtout décoratives (mosaïques, opus sectile, peintures). On en connaît la cour avec pastas et des pièces disposées à l’entour, mais les limites de la maison ne sont pas claires. Des fragments de mosaïques pourraient provenir d’un étage (le terrain est en pente). À l’époque impériale sont attribuables les mosaïques et sols en opus sectile qui occupent le portique de la pastas et les pièces avoisinantes. Les mosaïques en noir et blanc, mode répandue en Asie Mineure à l’époque romaine, sont de parenté italienne prononcée.
D. Baldoni, « Riti, usi e corredi funerari a Iasos in epoca ellenistica » : étude très détaillée (avec catalogue) de tombes, mais n’incluant pas les découvertes les plus récentes, en cours d’étude, faites sur le territoire. Certaines tombes conservaient un matériel assez riche et plusieurs ont été réutilisées au cours du temps, jusqu’au Bas-Empire. Plusieurs tombes contenaient des éléments tubulaires en terre cuite formant cercueil, d’un type attesté aussi bien à Chypre qu’en Grèce et en Espagne. Les données matérielles sont rapidement commentées et suivies de considérations générales sur l’intérêt de l’étude spatiale des nécropoles, sur l’utilisation et la symbolique du miel dans le traitement des corps et sur l’analyse sociologique que permet l’étude diachronique du matériel.
R. Parapetti, « Anastilosi grafica del monumento funerario nel Balik Pazarı di Iasos » : ce passionnant article part d’une relecture critique de l’anastylose de l’ensemble funéraire de Balık Pazarı qui amène à modifier sur des points importants l’analyse, la datation et la restauration architecturale considérées jusqu’ici comme acquises. Menée avec rigueur et retenue, cette analyse est un modèle du genre.
N. Masturzo, « Viaggiatori, epigrafisti e designatori. La topografia di Iasos dal 1600 a oggi ». Comme le titre l’indique, il s’agit d’une revue des mentions d’Iasos par les voyageurs : de Pirî Re’is (début XVII e), à Ph. Le Bas qui y fit, en 1843 une belle moisson d’inscriptions. C’est peu après que les ruines de la cité furent mises à contribution par des norias de bateaux pour des constructions à Istanbul. Les recherches d’A.E. Kontoléon, Th. Reinach et L. Robert enrichirent ensuite le dossier du gymnase des neoi et du gymnase des presbyteroi. La confrontation avec le plan dressé par W. Judeich (1890) permet de proposer une localisation plausible pour ces gymnases immédiatement au nord de l’agora.
R. Pierobon Benoit, « Archestrato e Iasos : note a margine » : l’auteur commente le passage d’Archestratos de Gela (poète parodique du IV e s. a.C.) cité par Athénée ( Deipnosophistes, 3, 104e-108d) évoquant les crevettes de grande taille existant – mais difficiles à trouver – dans les eaux d’Iasos. Ce texte a servi de point de départ à l’idée que la pêche était un moyen de subsistance essentiel pour les Iasiens, mais un rapprochement lexical avec l’Iliade amène à une lecture de nature politique du passage étudié, y détectant une allusion aux troubles internes traversés par la population locale mixte, faite de Grecs et de Cariens indigènes.
L. Cianciulli, « L’architettura lelega nella chora di Iasos ». Cet article livre des observations très intéressantes sur les quelques 120 sites lélèges identifiables par les techniques de construction en plaques de calcaire schisteux accumulées en murs épais et couvertures à encorbellement. Ils s’échelonnent de l’époque archaïque à l’époque hellénistique. Les édifices étudiés par W. Radt dans la presqu’île d’Halicarnasse et W. Voigtländer près d’Akbük présentent exactement les mêmes caractéristiques. La répartition des constructions sur le territoire montre une occupation dense et une typologie bien repérable. Il en ressort une contribution archéologique essentielle à la connaissance de cette partie de l’Asie Mineure, à ses aspects ethniques et politiques.
A. Baran, « Arkaik dönem ion mimarisinde friz kullanımı »: ce petit article intègre les fragments de reliefs archaïques d’Iasos à une nouvelle tentative pour démontrer que la frise continue d’entablement existait déjà dans des édifices ioniques d’époque archaïque : rien de nouveau à l’appui d’une théorie bien fragile.
S. Önder, M. H. Sayar, « Foreign Judges in Caria » : s’appuyant largement sur les travaux de C.V. Crowther, les auteurs esquissent une présentation très générale des sources concernant les juges étrangers dans les cités grecques et analysent synthétiquement le fonctionnement de cette institution originale, en faisant appel à des exemples régionaux. Il ne s’agit pas d’une véritable étude, aucun texte n’étant cité ni analysé, mais d’une introduction rapide à la question.
Ce livre apporte donc aussi bien d’utiles mises à jour que la mention de trouvailles nouvelles mais, abordant des sujets variés au gré des intervenants, il fournit surtout des informations sur des recherches en cours, offrant ainsi une sorte de rapport intermédiaire un peu hétéroclite. Le lecteur aurait apprécié d’y trouver aussi une histoire et un bilan synthétique des 50 années de fouilles italiennes, qui eussent mis en valeur l’importance archéologique du site et la qualité des résultats des fouilles italiennes. On comprend bien que dans le contexte difficile qui entoure actuellement le fonctionnement des missions étrangères en Asie Mineure, nos collègues italiens aient souhaité montrer qu’ils sont actifs et féconds : de ce point de vue, la démonstration est un succès, mais le livre laissera un peu sur leur faim ceux qui, attirés par son titre, souhaiteraient y trouver des données archéologiques précises ou des conclusions argumentées.
Table of Contents
M. Benzi, G. Graziadio, Iasos nel Tardo Bronzo III. Un sito miceneizzato alla periferia del mondo miceneo
L. Donati Agorà. The fountains and the archaic period
R. Fabiani, M. Nafissi, La pubblicazione dei decreti a Iasos : cronologia e topografia
F. Berti, Tra mure e porte urbane : ricostruzioni, ipotesi e proposte a margine della stoà occidentale dell’agorà di Iasos
G. Maddoli, Vendita del sacerdozio della madre degli dei a Iasos
M. Michelucci, Le stipi votive dell’agorà e l’agorà augustea
S. Lagona, Uno spazio commerciale di fianco all’esedra di Artemide
M. Landolfi, La coroplastica votiva dal santuario di Zeus Megistos di Iasos
A. Romualdi, Materiali dal santuario di Demetra e Kore
S. Angiolillo, M. Giuman, La ‘casa dei mosaici’ : una domus della Iasos romana
D. Baldoni, Riti, usi e corredi funerari a Iasos in epoca ellenistica
R. Parapetti, Anastilosi grafica del monumento funerario nel Balık Pazarı di Iasos
N. Masturzo, Viaggiatori, epigrafisti e designatori. La topografia di Iasos dal 1600 a oggi
R. Pierobon Benoit, Archestrato e Iasos : note a margine
L. Cianciulli, L’architettura lelega nella chora di Iasos
A. Baran, Arkaik dönem ion mimarisinde friz kullanımı
S. Önder, M. H. Sayar, Foreign judges in Caria