BMCR 2014.01.50

Theoi Sebastoi: il culto degli imperatori romani in Grecia (Provincia Achaia) nel secondo secolo D.C. ΜΕΛΕΤΗΜΑΤΑ, 65

, Theoi Sebastoi: il culto degli imperatori romani in Grecia (Provincia Achaia) nel secondo secolo D.C. ΜΕΛΕΤΗΜΑΤΑ, 65. Atene: Κέντρον Ελληνικής και Ρωμαϊκής Αρχαιότητος Εθνικόν Ίδρυμα Ερευνών, 2011. 367. ISBN 9789607905567. €40.00 (pb).

Francesco Camia propose une importante synthèse, tirée de sa thèse, sur les cultes impériaux au II e siècle dans la province d’Achaïe (Péloponnèse, Athènes et ses îles, Grèce centrale et probablement Thessalie). Ce thème a connu récemment une approche renouvelée avec le livre de Maria Kantiréa (pour le I er siècle) entre autres.1 L’auteur propose de poursuivre l’étude en s’intéressant à la période allant de Trajan à Commode, une période marquée par l’intense activité d’Hadrien.

Après une introduction qui explique le choix de l’auteur de privilégier essentiellement le matériel épigraphique (mais où étonnamment aucune inscription n’est citée in extenso), ce livre, de belle facture, s’organise en cinq chapitres. Il débute par une étude sur les manifestations cultuelles concernant les theoi sebastoi au II e siècle ap. J.-C. Ici comme dans tout le livre, Hadrien et Athènes occupent une place de choix. La fondation du Panhellènion est centrale (p. 43-48) et constitue le renouveau du culte impérial poursuivi par Antonin le Pieux comme le souligne l’auteur à partir des autels retrouvés à Sparte (p. 25-83).

L’auteur s’intéresse ensuite à la place des fêtes impériales dans les calendriers des cités (p. 85-131), et de fait Kaisareia et Sebasteia sont amplement attestées dans les inscriptions. Il en rappelle certaines, comme la loi dite sacrée de Gythion datant du I er siècle (présentation générale p. 85-87), qui donne le déroulement complet et mentionne les personnes honorées durant les huit jours de festivité. D’autres, comme cette inscription athénienne (fin du II e siècle ou début du III e siècle), précisent comment est honorée Julia Domna : une statue (cultuelle précise l’auteur) sera consacrée près de celle d’Athéna Polias, alors qu’un autre agalma d’or est installé au Parthénon (p. 87). Toutefois, on ne possède pas toujours d’aussi grandes précisions, car la plupart des Kaisareia et Sebasteia se greffent sur des fêtes célèbres comme les Isthmia à Corinthe (p. 112-115) et les Mouseia à Thespies (p. 126), en les revitalisant comme les Ptoia, fêtes d’Apollon Ptoios, auxquelles furent associés les empereurs (p. 125). D’autres manifestations sont connues, en particulier à Athènes, comme l’association de concours éphébiques à Hadrien, à qui l’on doit aussi les Olympia et bien sûr les Panhellenia (fondées en 131/2). On s’attendrait donc à une relation étroite entre Athéna Polias (et les Panathénées) et le culte impérial, mais les maigres indices ne favorisent pas une telle idée d’après Francesco Camia. Il faudra d’ailleurs attendre la fin du II e ou le début du III e siècle pour que cela soit avéré (voir p. 106-111). De plus, la fête impériale n’est souvent mentionnée qu’à une ou deux reprises dans les sources, alors que la fête traditionnelle est régulièrement attestée, ce qui invite à la prudence. Seules parmi les fêtes impériales, les Hadrianeia à Athènes (concours qualifiés d’œcuméniques par Francesco Camia, p. 103), et les Kommodeia à Sparte semblent avoir été créées ex novo pour remercier respectivement les empereurs Hadrien (en 131/2 ?) et Marc Aurèle (après 177/8 ?).

Le troisième chapitre (p. 133-188) est extrêmement instructif sur les élites désireuses de complaire au pouvoir et rivalisant entre elles pour obtenir les charges liées au culte impérial. À Athènes bien sûr, mais aussi à Sparte, Messène ou Élis, les études prosopographiques (voir p. 176-181) montrent combien l’ archiereus est central dans la vie municipale des cités grecques. Il n’est toutefois pas toujours facile de savoir si la seule mention d’ archiereus (comme à Thèbes, p. 164) correspond au culte impérial, ce que semble d’ailleurs admettre Francesco Camia dans ce cas précis. Évidemment, cette prêtrise entre en résonance avec la charge liée aux associations politiques traditionnelles connues en Béotie et en Phocide en particulier (p. 165-166). Les titulatures des Béotarques se parent alors, elles aussi, du titre d’ archiereus qui, employé de manière absolue, peut se référer au koinon. L’auteur en arrive à la difficile question de l’existence d’un prêtre du culte impérial pour toute l’Achaïe au niveau provincial, une question sur laquelle il revient ensuite.

Le quatrième chapitre (p. 189-228) tente une approche plus religieuse à partir d’exemples déjà étudiés, ce qui conduit à quelques redites, inévitables selon les plan choisi par l’auteur. Il montre très bien que les dieux choisis et les lieux du culte impérial trahissent une volonté d’installer les empereurs auprès des divinités les plus anciennes et les plus importantes des cités, au premier chef Zeus. Ainsi, il n’existe que très peu de bâtiments religieux comme le fameux Sebasteion construit à Messène, les cités grecques préférant faire des empereurs les synnaoi d’autres divinités.

Le dernier chapitre concerne le problème des confédérations ou koina (p. 229-242). Déjà évoquée dans la III e partie, la question d’un véritable koinon au niveau provincial est de nouveau posée. Bien que cette fonction ne soit pas attestée, la présence d’un archiereus du koinon achéen rend possible, d’après l’auteur (p. 236-242), au moins durant un temps, une représentation pour la province entière (Péloponnèse et Grèce centrale).

Bien que la conclusion générale soit rapide (p. 243-247), ce livre agréable à lire et bien documenté sera, à n’en pas douter, une référence pour de nombreuses années. La bibliographie, essentiellement archéologique et épigraphique (p. 285-322), est complète ou presque (l’auteur n’a pu intégrer le livre de F. Lozano cité en note) ; elle est précédée de tableaux précis et précieux qui fournissent toutes les mentions épigraphiques connues à ce jour (p. 249-283) et d’un index (p. 323-341). Une série de planches (p. 345-367) permet au lecteur de mesurer la distance qu’il y a entre les données épigraphiques, les reconstitutions des archéologues et l’interprétation que l’on peut en faire, comme dans le cas du Panhellènion (voir la discussion p. 46-47 et le plan traditionnellement associé fig. 5, p. 348).

Le livre de Francesco Camia donne une idée juste et précise des manifestations du culte des empereurs dans la province d’Achaïe. En particulier, et le lecteur y sera sensible, l’auteur reste très prudent face aux hypothèses archéologiques. Il s’attache de plus à bien distinguer statue honorifique et « statue de culte » sans que cela soit toujours aisé. Dans ce domaine, il aurait été intéressant de ne pas réduire l’analyse à la seule étude épigraphique (et archéologique). En effet, l’auteur le plus cité dans l’index est naturellement Pausanias. Or les différentes discussions autour de ses descriptions et de sa vision du culte des empereurs romains – je pense aux études d’A. Jacquemin ou V. Pirenne-Delforge absentes de la bibliographie2 – ne sont pas prises en considération, alors que se posent de nombreuses questions d’interprétation loin d’être résolues, comme à Marmaria (Delphes) à propos de la Tholos (où d’après Francesco Camia le culte impérial s’est installé p. 226-227). Dans le cas d’Élis, Pausanias décrit un temple rond au toit écroulé et aux statues absentes. L’auteur se demande si ces statues absentes représentaient des empereurs (p. 220-221). En réalité, Pausanias fait probablement référence aux anciennes divinités grecques disparues, car le mot agalma ne désigne jamais dans son œuvre une statue d’empereur, à la différence de ce que l’on peut lire dans les inscriptions. Mais comme le souligne l’auteur à juste titre (p. 225), la présence d’une statue d’empereur dans un temple ne signifie pas que ce dernier soit dédié au culte impérial. Par ces exemples, on retrouve aussi le phénomène plusieurs fois souligné d’une association de l’empereur au niveau du panthéon local à la divinité qui est, le plus souvent, représentative politiquement du lieu, comme Asclépios à Messène (p. 217-218). L’empereur ‘occupe’ le sanctuaire pour mieux s’intégrer à la vie politique de la cité et sa présence pose le problème des manifestations d’adhésion des élites et de la réception de ce culte dans les cités.

En définitive, à l’exception de l’œuvre d’Hadrien, relayée par Athènes/Éleusis et le Panhellènion, cet ouvrage montre l’importance, mais aussi les limites actuelles d’une étude centrée sur le culte impérial dans la province romaine d’Achaïe au II e siècle. Toutefois, par sa précision et sa prudence, Francesco Camia a réussi à donner, malgré toutes les difficultés, une image claire et dynamique de la question.

Notes

1. M. Kantiréa, Les dieux et les dieux augustes. Le culte impérial en Grèce sous les Julio-claudiens et les Flaviens. Études épigraphiques et archéologiques, Athènes, 2007; mais aussi A. Lo Monaco, « Ospite nelle case degli dei. Il culto di Augusto in Achaia », RAL, vol 18, 2009, p. 1-42; ou F. Lozano Gomez, Un dios entre los hombres. La adoración a los emperadores romanos en Grecia, Barcelone, 2010.

2. A. Jacquemin, « Pausanias et les Empereurs romains », Ktèma 21, 1996 p. 29-42; V. Pirenne-Delforge, Retour à la source. Pausanias et la religion grecque. Kernos Suppléments 20, Liège, 2008, p. 148-171, et en particulier pour le Panhellènion, voir la longue discussion p. 156-171. Cf. BMCR 2010.02.24