BMCR 2013.03.39

Inscriptions: The Dedicatory Monuments. The Athenian Agora 18

, Inscriptions: The Dedicatory Monuments. The Athenian Agora 18. Princeton: American School of Classical Studies at Athens, 2011. xxx, 425; 80 p. of plates. ISBN 9780876612187. $150.00.

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Ce beau volume consacré aux dédicaces vient heureusement clore la publication du corpus des inscriptions de l’Agora d’Athènes découvertes grâce aux travaux de l’École américaine à Athènes (1931-1968). Un avant-propos de J. S. Traill éclaire l’histoire d’une entreprise qui a fait corps avec la vie de son auteur, D. J. Geagan. En effet, à partir de la fin des années 1970, les ennuis de santé du savant à qui l’on doit The Athenian Constitution after Sulla (1967) avaient ralenti la progression du manuscrit, sans l’arrêter. Il a fallu le dévouement d’une équipe de collègues et d’anciens étudiants après le décès de D. J. Geagan en 2009 pour permettre la parution d’un ouvrage malheureusement posthume dont la rédaction a ainsi occupé les quarante dernières années de la vie de son auteur. L’ouvrage tel qu’il est livré aujourd’hui au public est donc le fruit de cette histoire heurtée qui explique un certain nombre d’imperfections que l’on doit regretter, ainsi les lacunes dans l’emploi des outils prosopographiques des vingt dernières années.

Le corpus est divisé en cinq parties. Dans une première partie sont rassemblés les monuments datés des époques archaïque et classique (A1-27), au premier rang desquels figurent l’inscription de la base d’Harmodios et Aristogiton (A1) ou le bouclier pris sur les Lacédémoniens à Pylos connu de tous les visiteurs de l’Agora (A2). Viennent ensuite les monuments commémoratifs et les nikètèria classés généralement par type de dédicants (C28-C248), les monuments honorifiques par type d’ honorandi (H249-H558) et les monuments votifs par divinités auxquelles les offrandes sont consacrées (V559-V704). Une dernière partie rassemble les monuments de nature douteuse (X705-767) et les stèles funéraires en supplément à Agora XVII (X768-773). Même si l’auteur prend soin en introduction (p. 1 et n. 2) de rappeler les limites de tout classement, le système retenu dans ce volume n’emporte pas la conviction, car il hésite entre classement par date, par type d’offrande, par motif de l’offrande, par dédicant, honorandus et divinité honorée, débouchant ainsi sur une quarantaine de catalogues d’inscriptions différents. Ce fractionnement très poussé nuit à l’acquisition d’une vision d’ensemble et entraîne de nombreux renvois internes puisque toutes ces typologies se recoupent attendu qu’elles ne sont pas de même nature ; ceci n’empêche tout de même pas que certaines catégories soient occultées, ainsi les offrandes faites par l’Aréopage qui sont éparpillées dans tout le volume. Certains partis-pris se comprennent difficilement : pourquoi commencer par adopter un classement chronologique puis l’abandonner au profit d’un autre, par nature de la dédicace ? Pourquoi retirer du groupe des divinités les dédicaces pour l’Apollon hyp’akrais sous prétexte qu’elles sont le fait de magistrats ? Un corpus entièrement classé chronologiquement accompagné de tableaux récapitulatifs détaillés (l’unique tableau de cette sorte dans tout le corpus est consacré aux signatures de sculpteurs) rassemblant les références par catégories de dédicants, de personnes honorées et de divinités bénéficiaires aurait donné une vue sans doute moins fragmentée et plus systématique qu’une typologie dont l’auteur reconnait lui-même les limites (voir l’exemple donné en p. 1). Les indices ne permettent pas toujours de pallier les limites du classement retenu. Si l’index III est particulièrement bien conçu (il distingue les occurrences des membres de la famille impériale suivant qu’ils sont auteurs de la dédicace, honorandi ou nommés dans une formule de parenté), il n’y a pas d’index qui rassemble les mentions de magistratures ni de tableau qui récapitule les offrandes effectuées par des magistrats. Ainsi, on peut se demander comment le lecteur non systématique pourra retrouver une dédicace du conseil de l’Aréopage classée parmi les monuments éphébiques (C145). Malgré des introductions partielles (ainsi p. 36-37), on regrettera donc l’absence d’un index des dédicants (personnes physiques et morales). Ces introductions aux catalogues, souvent très détaillées, toujours très utiles, éveillent parfois une curiosité que le texte, très sec, ne vient pas assouvir. L’intéressante présentation des monuments votifs (p. 286-289) aurait sans doute gagné à systématiser des questionnements présents dans certaines sous-catégories (par exemple p. 305-306 pour les offrandes à Déméter et Korè) pour déboucher sur une histoire des modes dans le choix de monuments votifs en même temps que sur une mise en contexte sociologique de ce type d’offrandes bien particulières. Ces questions éditoriales, qui ne remettent pas en cause la grande qualité de ce volume, prennent une acuité particulière du fait qu’aucun de ces textes n’était inédit et que l’effet d’ensemble du volume (et la mise à jour des lemmes) prend donc le pas sur la rapidité de la mise à disposition des documents.

Le volume est bien imprimé et les 79 planches photographiques sont généralement de grande qualité, malgré quelques ratées (ainsi l’illustration de H425 pl. 41, où un cliché avec éclairage artificiel aurait évité les ombres de feuillage sur la surface inscrite). L’absence de restitutions graphiques de certains monuments (ainsi pour C148) est dommageable, mais l’on comprend que l’auteur a conçu son corpus dans un sens strictement épigraphique.

Ces quelques remarques de détail ne doivent pas faire perdre de vue la très grande qualité scientifique de cet ouvrage. L’ampleur du travail accompli, la précision et la finesse de la réflexion, la somme d’érudition mise en œuvre font que le lecteur se voit ainsi pourvu d’un volume de corpus soigné, répondant à toutes les règles de l’art épigraphique et appelé à rester longtemps un outil de référence. Il convient de saluer également le choix de traduire les inscriptions les moins abordables. Il n’y a pas lieu de rappeler ici tout l’intérêt de ces documents pour l’histoire sociale, politique et religieuse de la cité athénienne. L’utilité de ce volume est donc hors de doute et on ne court pas grand risque à parier sur sa postérité : le rassemblement critique ainsi opéré facilitera grandement de nombreuses études d’histoire, d’archéologie et de philologie. Il faut rendre hommage à feu D. J. Geagan du travail d’une vie au service de la Science et à l’équipe de disciples et d’amis qui n’ont pas laissé perdre l’œuvre du maître et se sont dévoués pour lui permettre de rencontrer son public. En d’autres temps, une dédicace n’eût pas manqué de commémorer leur apport au travail commun des spécialistes de l’Antiquité grecque.