BMCR 2013.01.09

Wolfgang Helbig e la scienza dell’antichità del suo tempo

, , Wolfgang Helbig e la scienza dell’antichità del suo tempo. Atti del convegno internazionale in occasione del 170° compleanno di Wolfgang Helbig, Institutum Romanum Finlandiae 2.2.2009. Acta Instituti Romani Finlandiae, 37. Roma: Institutum Romanum Finlandiae, 2011. Pp. 239. ISBN 9788871404691. €40.00 (pb).

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Le présent volume, dirigé par S. Örmä et K. Sandberg, est issu d’un colloque tenu au mois de février 2009 à l’Institutum Romanum Finlandiae, à l’occasion du 170e anniversaire de la naissance de Wolfgang Helbig.

Les travaux de l’archéologue Wolfgang Helbig (1839-1915) n’ont que rarement suscité, ces dernières décennies, l’intérêt de l’historiographie et des spécialistes de la Wissenschaftsgeschichte. Ce savant allemand, formé à l’école d’O. Jahn et de F. G. Welcker, fut pourtant, dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’une des figures de tout premier plan de l’érudition et de l’archéologie européennes. Dans des domaines aussi variés que ceux de l’étruscologie et de la protohistoire italienne, de l’étude de l’art romain et de la peinture pompéienne, Wolfgang Helbig, comme le rappellent S. Örmä et K. Sandberg dans la préface des actes du colloque (p. 11), peut en effet être considéré comme un « precursore », à l’origine de bon nombre de « contributi di natura fondamentale ». Son itinéraire, par ailleurs, inscrit dans les structures de la collaboration savante entre l’Allemagne et l’Italie, fait de lui, dans les dernières décennies du XIXe siècle, l’un des acteurs et des témoins privilégiés de l’effort d’institutionnalisation et de professionnalisation entrepris à cette époque dans le champ de l’archéologie. Au sein du Deutsches Archäologisches Institut – dont il fut, rappelons-le, vice-secrétaire entre 1865 et 1887 – comme depuis sa retraite romaine de la Villa Lante, où il devait passer les dernières années de sa vie, son activité s’adosse, tout au long de sa carrière, à une démarche de médiation, initiée à la croisée de l’archéologie, des milieux antiquaires, des acteurs du marché de l’art et des institutions muséales. C’est l’ensemble de ces facettes du parcours et de l’œuvre du savant que les contributions rassemblées ici sous le titre Wolfgang Helbig e la scienza dell’antichità del suo tempo se proposent d’éclairer à la lumière de l’époque et des différents contextes dans lesquels ils s’insèrent.

Les quatre sections que comporte l’ouvrage sont précédées d’une biographie de l’archéologue, due à Horst Blanck. Longue de quelques pages, claire et bien documentée, celle-ci constitue une utile entrée en matière pour le lecteur. La première section, « Helbig e il suo tempo », réunit six contributions. I. M. Iasiello, pour commencer, se propose d’esquisser un tableau de la situation du marché napolitain de l’art antique et de son évolution au cours du XIXe siècle, en particulier à l’époque où Helbig, au début des années 1860, effectue son premier séjour d’étude en Campanie. L’occasion, pour l’auteur, d’évoquer quelques-unes des figures majeures du commerce d’antiquités durant cette période, tels R. Gargiulo ou R. Barone, et d’envisager les rapports que ces négociants ont pu entretenir avec les spécialistes de l’art antique, comme G. Minervini ou R. Garrucci. Dans l’état des lieux qu’il dresse, I. M. Iasiello s’applique aussi à déterminer le regard que Helbig, à son arrivée, a pu porter sur les spécificités du marché napolitain – « In Neapel, écrit alors le jeune savant à ses parents, lernt man die Camorra » (p. 30) – et sa marginalisation progressive à partir des années 1870, au profit des marchés parisien ou romain. A. M. Voci s’intéresse par la suite à la réaction de Helbig et d’une partie de la science allemande aux événements du 20 septembre 1870, à savoir la prise de Rome, l’annexion de la ville au Royaume d’Italie et la fin des États pontificaux. La lettre que l’archéologue fait parvenir à son père quelques jours après cet épisode résume assez bien le jugement que les membres de l’Institut portent alors sur la situation romaine : « Glücklicher Weise ist nun auch die weltliche Herrschaft des Pabstes zu Grabe getragen worden. Ich bin gespannt, wie sich bei der neuen Ordnung der Dinge die Verhältnisse des Instituts gestalten werden. Die päbstliche Regierung – dies muß man ihr zur Ehre nachsagen – hat uns wenigstens immer frei schalten lassen und nie gehindert » (p. 53). Passées les incertitudes des premiers temps, Helbig et ses collègues allemands ne devaient pourtant guère tarder à se rendre compte que l’ « âge d’or » (W. Henzen) de l’Institut, naguère marqué par la libéralité des autorités pontificales, pouvait se prolonger à l’heure du nouvel État italien. Dans sa contribution, B. Andreae – qui a participé, dans les années 1960, à la nouvelle édition du Führer de Helbig1 – revient à son tour sur la carrière romaine du savant, son activité au sein de l’Institut jusqu’en 1887, puis, suite à sa démission du poste de vice-secrétaire, comme professeur particulier et négociant d’art. L’année 1887 marque également – c’est l’objet de la communication de M. Moltesen – le début de la collaboration de Helbig avec Carl Jacobsen. Pendant près de trente ans, l’archéologue mit son expertise, ses réseaux et ses talents de négociant au service de l’entrepreneur et collectionneur danois : l’association entre les deux hommes, rappelle M. Moltesen, à l’origine de la création de la Glyptothèque Ny Carlsberg (1897), a alimenté l’une des plus prestigieuses collections d’art antique au nord de l’Europe. Les deux derniers articles de cette section sont consacrés à la correspondance de Helbig. M. Buonocore examine la centaine de lettres envoyées par l’archéologue à Mommsen entre 1862 et 1895, aujourd’hui conservées aux archives de l’historien à la Staatsbibliothek de Berlin. Encore inédit, ce matériel épistolaire, centré sur l’actualité scientifique et politique italienne, la situation de l’Institut, mais aussi la collaboration de Helbig au Corpus des Inscriptions Latines, révèle le rôle, inattendu, de « confessore privilegiato » (p. 86) que Mommsen fut amené à jouer auprès de l’archéologue durant cette période. A. Guidi revient quant à lui sur la rivalité qui a pu animer, dans le champ de la protohistoire italienne, W. Helbig et L. Pigorini. Étudiant avec minutie la correspondance entre les deux hommes – publiée pour la première fois dans le présent volume –, A. Guidi montre que la théorie dite « de Pigorini » sur l’origine des Terramare dans la plaine du Pô est en réalité directement issue de leurs échanges durant la période qui vit la publication de la monographie de Helbig intitulée Die Italiker in der Po-Ebene (Leipzig, 1879).

La deuxième section du volume est spécifiquement consacrée aux recherches de l’archéologue dans le domaine de l’étruscologie. Dans leurs contributions respectives, C. Weber-Lehmann et F. Delpino soulignent la place qu’ont occupé, dans la vie et l’œuvre de Helbig, ses travaux sur les nécropoles de Tarquinia et la peinture funéraire étrusque. Dans le sillage des découvertes réalisées à cette époque en Étrurie, la monumentale entreprise de classification et de description du matériel archéologique initiée par le savant dans le dernier tiers du XIXe siècle fait de lui l’un des premiers « spécialistes » ( Fachmann) de la peinture antique (p. 143).

L’art romain est à l’honneur dans la troisième partie de l’ouvrage – laquelle ne contient, à vrai dire, que le seul texte de T. Fröhlich. Dans une enquête remarquable, ce dernier ambitionne de ressaisir les présupposés intellectuels et les traditions savantes sur lesquels s’appuient les travaux de Helbig sur la peinture pompéienne.2 Adossée à l’étude de cas spécifiques – ainsi la fresque de Médée de la Villa des Dioscures –, destinés à illustrer la démarche de l’historien de l’art, l’analyse de T. Fröhlich fait apparaître, tout d’abord, l’attachement du savant à la vision winckelmannienne, qui tend à faire de l’art romain un art nécessairement « dérivé », dénué d’originalité propre, et le reflet, qui plus est, d’une période de « déclin » et de « décadence » de l’Antiquité ; son adhésion, ensuite, au projet d’une monumentale Philologie élaboré par E. Gerhard et la volonté, héritée de Welcker et de Jahn, de ne pas séparer l’étude des « chefs-d’œuvre » de l’art antique de celle des sources littéraires. Relisant l’œuvre de Helbig à la lumière de ces héritages intellectuels, T. Fröhlich souligne enfin l’influence que les vues du savant, ancrées dans les méthodes de la Kopienkritik et de la Meisterforschung, ont longtemps exercée dans le champ de l’histoire de l’art.

La quatrième et dernière partie de l’ouvrage est entièrement dédiée à l’ « affaire » (p. 225) de la Fibule de Préneste, présentée par Helbig pour la première fois au public en 1887. On sait les interrogations et les polémiques que l’authenticité de cet objet et de l’inscription qu’il porte n’ont cessé d’alimenter dans les rangs de l’épigraphie et de la linguistique, depuis les doutes formulés dès les premiers temps par G. Lignana jusqu’aux accusations de faussaire portées à l’endroit de Helbig, dans les années 1980, par M. Guarducci.3 Les trois communications rassemblées dans la dernière section visent à réhabiliter définitivement le travail de l’archéologue et à lever les dernières incertitudes qui entourent la question de l’authenticité de la fibule. A. Franchi de Bellis et H. Solin s’appliquent ainsi à faire valoir la fragilité et la partialité des arguments proposés par M. Guarducci dans son enquête à charge, tout en évoquant les avancées décisives que les analyses archéométriques menées en 2011 par D. Ferro et E. Formigli ont permis de réaliser dans ce dossier controversé. Réexaminant le texte de l’inscription à l’aune des acquis récents de la linguistique comparée, C. de Simone parvient pour sa part à des conclusions similaires.

Les contributions réunies dans le présent volume ambitionnaient d’évaluer, à la lumière des différents contextes qu’elle mobilise, la place de l’œuvre de Helbig dans l’histoire des études anciennes. À cet égard, l’ouvrage constitue une précieuse synthèse : la vision d’ensemble qu’il propose, riche et particulièrement complète, apporte un éclairage neuf sur des aspects souvent méconnus du parcours et des travaux de l’archéologue allemand. L’architecture du volume, il est vrai, quelque peu déséquilibrée, laisse parfois au lecteur une impression de dispersion, notamment à l’intérieur de la première section. De même, on pourra regretter l’absence de bibliographie générale, élément qui eût constitué, tant pour l’œuvre de Helbig que pour les études dont elle a fait l’objet, un utile instrument de travail. D’une manière générale, enfin, l’enquête, centrée sur l’itinéraire de l’archéologue, son inscription dans les institutions et les pratiques savantes de la fin du XIXe siècle, relègue parfois au second plan de l’analyse la réflexion sur les traditions intellectuelles dont se nourrissent ses travaux, sur sa conception du métier d’antiquisant ou les représentations de l’Antiquité que son œuvre, dans le dialogue entre les sources anciennes et les débats du temps présent, contribue à façonner. Au final, toutefois, les thématiques et les questionnements abordés dans le volume ouvrent bon nombre de pistes de recherche ou de réflexion particulièrement fécondes pour appréhender l’évolution des études anciennes au XIXe siècle, qu’il s’agisse, en particulier, de l’analyse des transferts savants entre l’Allemagne et l’Italie, du rôle des musées et des milieux antiquaires dans le développement des disciplines archéologiques, ou encore de l’apport de la correspondance à l’étude de la formation des savoirs sur l’Antiquité.

Table of Contents

Abbreviazioni bibliografiche 7
Prefazione 11
Horst Blanck, “Wolfgang Helbig: una breve biografia”> 15
Helbig e il suo tempo
Italo M. Iasiello, “Il giovane Helbig nel contesto del mercato: il commercio delle antichità tra Campania e Roma” 23
Anna Maria Voci, “Helbig e il 20 settembre 1870” 51
Bernard Andreae, “Wolfgang Helbig: Zweiter Sekretär des Instituto di Corrispondenza Archeologica und dessen Nachfolgeinstitution des ‘Archäologischen Instituts des deutschen Reiches’ 1865-1887” 61
Mette Moltesen, “Wolfgang Helbig e la Ny Carlsberg Glyptotek” 69
Marco Buonocore, “Helbig e Mommsen: dal Nachlaß Mommsen presso la Staatsbibliothek z Berlin Preussischer Kulturbesitz” 81
Alessandro Guidi, “Helbig, Pigorini e la ‘teoria pigoriniana'” 103
Helbig e l’Etruria
Cornelia Weber-Lehmann, “Die etruskische Grabmalerei in Leben und Werk Wolfgang Helbigs” 141
Filippo Delpino, “Helbig, Tarquinia e la periodizzazione culturale dell’Etruria protostorica” 155
Helbig e l’arte romana
Thomas Fröhlich, “Helbig e la pittura pompeiana” 161
Fibula prenestina
Annalisa Franchi de Bellis, “La fibula prenestina. Margherita Guarducci e Wolfgang Helbig, presunto falsario” 181
Heikki Solin, “Helbig, la Fibula e fin de siècle” 217
Carlo de Simone, “Ancora sulla Fibula Praenestina (e fine)” 229
Indice dei nomi 237

Notes

1. Führer durch die öffentlichen Sammlungen klassischer Alterthümer in Rom (2 vol., Leipzig, 1891). Ce guide, qui fit le succès et la renommée de Helbig auprès du grand public, a connu de nombreuses rééditions.

2. Wandgemälde der vom Vesuv verschütteten Städte Campaniens, Leipzig, 1868 ; Untersuchungen über die campanische Wandmalerei, Leipzig, 1873.

3. M. Guarducci, « La cosiddetta Fibula prenestina. Antiquari, eruditi e falsari nella Roma dell’Ottocento (con un Appendice di esami e analisi a cura di Pico Cellini, Guido Devoto, ed altri) », MAL, 24,4 (1980), p. 413-574 ; « La cosiddetta Fibula prenestina: elementi nuovi », MAL, 28,2 (1984), p. 127-177.