BMCR 2012.11.34

Transition to Christianity: Art of Late Antiquity, 3rd-7th Century AD

, Transition to Christianity: Art of Late Antiquity, 3rd-7th Century AD. New York: Alexander S. Onassis Public Benefit Foundation, 2011. 191. ISBN 9780981966625. $30.00 (pb).

Full Text

Souvent les livres et les sites web portant sur l’antiquité tardive sont illustrés par des images de grands objets, de peintures et d’autres œuvres d’art occidental de cette période : les peintures des catacombes, les sarcophages des Musées du Vatican ou les resplendissantes mosaïques de Ravenne. C’est donc un événement heureux de pouvoir faire la critique d’un catalogue d’exposition (publié en Occident) consacrée à l’art de l’antiquité tardive (au sens large) de provenance orientale. L’éditeur du catalogue, Anastasia Lazaridou, a réussi à rassembler des savants bien connus pour leur connaissance pointue de ladite époque pour y contribuer. En plus, le catalogue n’est pas seulement publié en imprimé, mais se lit également gratuit en ligne, garantie sûre qu’il est disponible à tous.

L’exposition vient d’avoir lieu à l’Onassis Cultural Center à New York, du 7 décembre 2011 au 14 mai 2012. Elle a réunie des œuvres d’art de plus de vingt musées de la Grèce, d’un musée de Chypre et de six musées des États-Unis. Le catalogue est précédé de onze essais qui discutent tous les aspects de la société de l’antiquité tardive, mettant l’accent sur la Grèce dite « the most representative part of the ancient world » (p. 15). La légitimité de cet enthousiasme pour la Grèce tardo-antique se discute peut-être, mais l’intérêt immédiat que présente la région est évidemment hors question. Le livre a été soigneusement illustré et édité, bien qu’il soit regrettable que les articles parfois citent des textes antiques sans donner la référence et sans mentionner une édition, ou bien une traduction, où le lecteur pourrait se renseigner. C’est un défaut qui réduit un peu la dimension scientifique du volume, dont les articles sont pourtant riches en information, faisant preuve d’une prise en considération des dernières recherches.

Dans la préface de Chalkia et Lazaridou est explicité le plan de l’exposition, qui a été rangée selon sept thèmes. Le premier – The End of Antiquity? Cultural and Religious Interactions – montre l’aspect de transition à laquelle se réfère déjà le titre même de l’exposition. Parmi les objets, une plaque représentant Héraclès qui combat l’hydre (no. 4), datant du quatrième siècle, attire le regard – signe de la persistance de la religion traditionnelle après Constantin. L’effet polychrome a été obtenu par l’utilisation de métaux différents. Un autre objet remarquable constitue le fragment d’une peinture murale de Doura Europos représentant Mithra et Sol (7), l’un des objets les plus anciens de l’exposition. Le premier thème est traité dans l’essai de Jaś Elsner qui fait bien ressortir la coexistence des traditions séculières, traditionnelles et chrétiennes dans l’antiquité tardive, tout en contestant que l’art de cette période soit un « nadir » de l’art entre l’époque classique et médiévale, comme les savants du passé avaient eu tendance à le caractériser.

Le deuxième thème de l’exposition s’appelle Christianity on the Rise: From Recognition to Authority. Le rôle de l’empereur est montré, entre autres, par des pièces dont quelques-unes n’ont pas été publiées avant (des solidi, nos. 22-27, 41, 42, 44, 46, 48). La contribution d’Averil Cameron souligne le conservatisme du monnayage antique, chose qui assez longtemps empêchait des images proprement chrétiennes à apparaître aux pièces. Dans un panorama instructif, l’auteur discute aussi d’autres aspects de la christianisation de l’empire, comme par exemple la position importante des évêques, la relation entre juifs et chrétiens et le phénomène du monachisme. Il se peut qu’une digression supplémentaire précisant le rôle du canon et de l’établissement du texte biblique ait été utile. Les mêmes pièces sont discutées dans la contribution très concise de Touratsoglou.

Le troisième thème concerne les cités dans l’antiquité tardive, plus précisément les cités de la Grèce (notamment Athènes et Thessalonique). Saradi-Mendelovici étudie le développement urbain du quatrième au septième siècle, mettant en lumière le rôle grandissant des cités dans la culture tardo-antique. Elle fait mention de l’intérêt diminuant des édifices publics : on peut signaler en revanche que les églises sont plus que des bâtiments religieux ; elles fonctionnent, par exemple, aussi comme des agoras de la cité chrétienne. Quoiqu’il soit vrai que c’est avant tout l’élite d’une ville qui lui assure son aspect caractéristique (p. 38), il aurait été intéressant à lire davantage sur la majorité des habitants de la cité antique – qui étaient des hommes ordinaires. Les jeux, auxquels plusieurs objets de l’exposition sont relatés, sont aussi mentionnés par Saradi-Mendelovici.

Un autre thème-clé de l’exposition constitue la vie quotidienne. Toute une série d’objets – notamment des bijoux, mais aussi une peigne aux personnifications de Rome et de Constantinople et un miroir – témoignent de cet aspect de la société de l’antiquité tardive (nos. 67 et 69 n’ayant jamais été publié auparavant). L’essai de Maguire se rattache à ce sujet. Suivant son analyse, l’antiquité tardive par sa prédilection pour l’or et les métaux précieux semble pouvoir être justement appelée une époque bling-bling, malgré le mode de vie plus sobre propagé par les pères de l’Église.1 Maguire prête aussi attention à l’influence de la magie, laquelle dans l’exposition est illustrée par des tablettes. Peu convaincant me paraît pourtant sa thèse que cette influence s’explique par la situation politique incertaine. En général, la contribution de Maguire frappe par ses références nombreuses aux pièces exposées (ce qui n’est pas un mérite négligeable dans un catalogue) et par des références précises aux sources primaires.

La vie chrétienne à proprement parler (le thème Early Christian Worship) est discutée notamment dans l’article de Bowes. Il esquisse les débuts du christianisme avant Constantin, quand la nouvelle religion se développait lentement. Par conséquent, les traces architecturales de cette période sont rares, la domus ecclesiae de Doura Europos étant une exception remarquable. Ensuite, Maguire donne une idée des décorations et des objets liturgiques des églises monumentales construites dès le règne du premier empereur chrétien. L’exposition montre plusieurs objets liturgiques (nos. 96-112 par exemple), mais aussi une série de lampes aux images chrétiennes (nos. 121-127, dont 124-125 sont publiées pour la première fois). Parmi ces objets, le numéro 98 est particulièrement intéressant : ce chapiteau de Thaumakos, décoré des quatre fleuves du Paradis et deux oiseaux qui ressemblent des cygnes, n’était pas encore publié. Des quatre rivières trois sont indiquées par leur nom. La patène de la communion des apôtres (no. 106, daté du règne de Justin II, et plus précisément – mais sans explication – à 577) est une pièce remarquable de cette section. Le groupe des apôtres est divisé en deux ; le Christ a été représenté deux fois, à la fois distribuant le pain et le vin eucharistique.

La mort et la vie nouvelle ( Death and New Life) constitue le sixième thème de l’exposition. Évidemment, pour le culte des saints une place centrale s’impose dans l’article correspondant de Metzos. Parmi d’autres choses, il relève le nombre croissant des translations de reliques et discute les formes architecturales diverses qu’on a donné aux martyria jusqu’à la fin de l’antiquité, fixée (selon le catalogue) au septième siècle.

Plusieurs objets précieux font partie de la dernière section de l’exposition ( The Genesis of Christian Art), dont les plats en argent de David sont parmi les plus remarquables du catalogue (nos. 133a-c). La série des plats, qui sont autrement partagées par le Metropolitan Museum (six exemplaires) et le musée de Chypre à Nicosie (les trois autres), ést exposé en entier à New York pendant l’exposition. Malheureusement, il n’était pas encore possible de les voir au même espace. Les caractéristiques de l’art chrétien font l’objet de trois articles du catalogue : ceux de Bisconti, Marsengill et Ćurčić. L’article de Bisconti est un peu décevant : quoiqu’il est peu probable que le contenu propre de l’article soit douté, il s’occupe pour la plupart de l’art d’Occident, sans répondre aux questions relatives à l’art d’Orient (par exemple: pourquoi il nous reste si peu d’art chrétien oriental de la première période par rapport à l’Occident). En plus, il réussit à renvoyer à ses propres œuvres treize fois dans une bibliographie de vingt-six titres et ne cite aucun autre auteur que soi-même après l’an 2000. La contribution de Marsengill, par contre, est une des meilleures de ce volume. Lardé de références scientifiques (cas d’exception dans le catalogue), son article met en relief la position du portrait dans la culture classique et chrétienne (orthodoxe aussi bien qu’hérétique) et son développement vers l’art de l’icône. Trois beaux portraits encaustiques provenant de l’Égypte (nos. 139-141) et des belles illustrations chrétiennes (sur lin, en mosaïque et sur bois, nos. 142-4) peuvent être attachés au texte de Marsengill. Excellente est également la contribution de Ćurčić. Il traite l’esthétique de l’art byzantin qui, d’après lui, par sa nature même se distingue profondément de l’art de l’Occident parce qu’il est fondé sur une réflexion théologique et non pas sur une théorie d’art. C’est aussi la raison pour laquelle l’art byzantin est moins accessible pour tous ceux qui n’y sont pas habitués. Les caractéristiques principales discutées de l’art byzantin sont l’abstraction, la dématérialisation et la nature à deux dimensions.

En bref, le catalogue présente une série d’articles intéressants qui font le tour d’horizon de plusieurs aspects de l’art chrétien en Orient jusqu’au septième siècle. Pourtant, la concision des articles empêche que les sujets respectifs soient discutés de façon plus approfondie. Chaque auteur a bien fournie une bibliographie à la fin de sa contribution, mais souvent néglige de renvoyer aux sources dans l’article lui-même (il n’y a pas de notes non plus). Tous les objets de l’exposition ont été inclus dans ce catalogue soigneusement produit, pourvus d’une photo, une bibliographie (si elle est disponible) et une description instructive.2 La sélection de plusieurs objets de haute qualité – dont il y a plusieurs qui n’ont pas été publiés avant la parution du catalogue – et la contribution d’un grand nombre de savants renommés pour leur connaissance de l’art et de la société byzantine font qu’on dispose dorénavant d’une bonne introduction de plus à cet art, qui est quelquefois difficile à apprécier. Le centre Onassis mérite à être loué pour avoir mis ce livre en libre accès à la disposition de tous les intéressés.3

Notes

1. Il aurait fallu que l’ouvrage de Michael Roberts ( The Jeweled Style. Poetry and Poetics in Late Antiquity, 1989), qui a introduit le mot jeweled style pour décrire cette préférence aux lettres et aux arts, figure dans la bibliographie.

2. Il me reste à signaler quelques petites erreurs dans le texte du catalogue: il manque le verbe be à la page 18 (il faut lire must be viewed) ; Carrie à la page 25 manque d’un accent ; Elsner date le numéro 11 du catalogue au sixième ou septième siècle (p. 27), tandis que la description du catalogue le date au cinquième ; pour olden à la page 64 il faut lire older. Dans la bibliographie, le mot décor dans le titre du livre de De Blaauw a été mal écrit et le livre de Zanker a été mentionné deux fois, en allemand et dans la traduction italienne, ce qui est un peu bizarre.

3. Je remercie le dr. Michiel Op de Coul pour ses corrections et ses conseils.