BMCR 2011.04.15

Intorno all’Adriatico. Atti del convegno Intorno all’Adriatico, Trieste (Italia) – Piran/Pirano (Slovenja), 30-31 maggio 2009. Quaderni Friulani di Archeologia 19

, Intorno all'Adriatico. Atti del convegno Intorno all'Adriatico, Trieste (Italia) - Piran/Pirano (Slovenja), 30-31 maggio 2009. Quaderni Friulani di Archeologia 19. Trieste: Società Friulana di Archeologia, 2009. 248. ISBN 11227133. (pb).

Ce dix-neuvième volume des Cahiers Archéologiques du Friouls rassemble les actes du colloque italo-slovène qui a eu lieu à Trieste et à Piran en mai 2009, publiés, avec une rapidité remarquable, en janvier 2010. Sous un titre très général, qui se rattache au courant désormais bien nourri des « études adriatiques », le volume traite en réalité d’un sujet très précis, à savoir l’artisanat et le commerce du verre. L’évocation de cet objet de recherche dans un éventuel sous-titre aurait été souhaitable car plus cohérente avec le contenu de l’ouvrage. Le volume s’ouvre sur trois courtes présentations, suivies de vingt-cinq interventions, qui comptent chacune une dizaine de pages environ. La présentation scientifique, signée par M. Buora, I. Lazar et C. Moretti explique le choix d’éditer les interventions et les posters présentés au colloque selon l’ordre alphabétique des auteurs. Ce choix d’édition ne pouvait rester sans effets sur l’hétérogénéité de la matière et sur la succession aléatoire des arguments, d’autant plus que la fourchette chronologique et spatiale prise en compte est très vaste. La période considérée s’étale en effet de l’époque républicaine romaine jusqu’à l’ère moderne (XVIIIe siècle). L’espace géographique, tout en étant prioritairement axé sur les territoires adriatiques, (région d’Aquilée, côtes dalmates, Picenum) touche aussi la plaine du Pô (Pavie), la Calabre médiévale ou l’horizon égéen (Thessalonique). Au vue du nombre et de la variété des interventions, il ne serait pas envisageable de reprendre ici, systématiquement, chacune d’entre elles. Je viserai plutôt à souligner les quelques problématiques communes qui se dégagent de cette vaste matière.

Une première section thématique comprend les études typologiques et iconographiques menées sur plusieurs catégories d’objets en verre. L. Mandruzzato et M. Vidulli Tuorlo présentent des riches ensembles du Musée de Trieste, dont un petit noyau daterait déjà du VIe s. av. J-C. mais la plupart remonterait aux IIIe-IVe siècles apr. J-C. Acquis dans l’aire égéenne et proche-orientale (Chypre, Crète, Palestine), ces ensembles ont été exposés au musée municipal de Trieste lors du colloque (ce qui explique probablement la dérogation à l’ordre alphabétique établi pour l’ensemble du volume). Malgré les belles images en couleur, l’absence des renvois aux illustrations rend quelque peu difficile l’identification des pièces. Ensuite, A. Antonaras étudie des récipients globulaires et ornithomorphes du Musée de Thessalonique, qui apparaissent entre le Ier et le début du IIe siècle en Grèce, en Adriatique et en Europe centrale. Par ailleurs, un récipient en forme d’oiseau est présenté dans ce même volume, provenant d’un mobilier de Garlasco, dans la Gaule cisalpine (M. G. Diani-R. Invernizzi-F. Rebajoli), mais les deux articles ont curieusement omis cette référence commune. D’autres études portent sur des formes et productions particulières, par leurs caractéristiques techniques ou morphologiques. C’est le cas d’une tasse en verre phytomorphe retrouvée à Zadar (Croatie) : S. Perovic retrace les prototypes botaniques (pomme de pin ou de cèdre) qui pourraient fournir des indices sur l’origine territoriale des modèles (Palestine?). Citons encore les rhyta étudiés par L. Sartori, attestés en Adriatique et en Italie Septentrionale, probablement produits à Aquilée entre les Ier et IIe siècles apr. J-C. et imités successivement (IIe-IIIe siècles) jusqu’à la vallée du Rhin. D’autres objets répondent à des usages spécifiques, tels les pendentifs en forme de petites bouteilles utilisés comme amulettes, produits à Aquilée au IIIe-IVe siècles (A. Giovannini) et les vases de pharmacie retrouvés à quelques pas de la place San Marco à Venise, provenant probablement d’une boutique annexe au palais des Dandolo (M. Minini). A partir du IVe siècle et jusqu’au Haut-Moyen Âge, des objets aussi sophistiqués que les calices à pied aux colonnettes ajourées ont eu une destination cérémoniale, dans le domaine militaire (cf. l’exemplaire provenant de Monte Barro, 480-540 apr. J-C.) ou religieux, comme le montrent les nombreuses découvertes dans des églises fréquentées jusqu’au VIIIe siècle (M. Uboldi). Retenons enfin l’étude iconographique exemplaire menée par Irena Lazar sur la bouteille avec représentation du phare d’Alexandrie, retrouvée dans une tombe de Ptuj (ancienne Poetovio) en Slovénie, attribuée à un atelier de graveurs (Contour Groove Group) actif à Alexandrie entre le milieu du IIe et le IIIe siècle, déjà connu en Adriatique orientale par un autre célèbre exemplaire, le plat gravé de Bakar (Croatie).

Plusieurs communications traitent des résultats des analyses chimiques menées sur des objets finis et sur des noyaux bruts, par exemple sur les restes découverts dans les épaves de Gnalic (C. Jackson) et de Mljet (I. Radic Rossi). La composition chimique du verre et la nature des métaux employés dans le processus de pigmentation permettent parfois de reconstituer la chaîne des provenances et de la circulation. Ainsi, l’importation de la matière brute de l’aire proche-orientale (Egypte, Syrie, Palestine) apparaît prioritaire aux époques hellénistique et romaine. En revanche, à la fin du XVIe ou au début du XVIIe siècle, le verre « à la façon vénitienne » était réalisé dans plusieurs ateliers européens (Anvers, Ljubljana), employant des matériaux –l’aventurine- produits à Venise (Z. Smit, M.Kos). Or, ces réseaux de circulation des matières premières essentielles à la fabrication du verre peuvent expliquer à mon sens le rôle particulier des régions adriatiques dans cette production artisanale. La spécificité de cette région se fonderait conjointement sur la disponibilité des métaux balkaniques, indispensables au travail du verre et sur l’expérience artisanale consolidée et florissante dans le Caput Adriae, où la grande tradition d’Aquilée sera reprise par Venise à l’époque moderne.

Le tableau que nous avons jusqu’ici dressé fait une large place à la question cruciale des ateliers et de l’interaction entre production et distribution. De nouvelles données sur la topographie d’Aquilée ressortent de la communication de M. Buora, L. Mandruzzato et M. Verità, concernant la distribution de résidus et de scories de transformation du verre dans le centre urbain. Un véritable quartier artisanal était probablement situé à proximité de la porte Ouest et d’un cours d’eau au nom évocateur, le ‘Canale Anfora’. Ce n’est probablement pas un hasard si cette même aire a livré une concentration de bouteilles avec des marques inscrites, en lettres grecques, et figurées, avec des cercles concentriques (L. Mandruzzato). Il serait intéressant de comparer ces données avec le tissu artisanal d’autres centres urbains ; je pense notamment aux recherches récentes de N. Monteix sur la collocation des aires artisanales dans le centre urbain de Pompéi.1 L’article de Z. Buljevic donne un aperçu significatif des dynamiques complexes entre les ateliers réputés à l’échelle interrégionale et leurs imitations locales. Sur la côte dalmate ( Narona, Burnum, Tilurium), les nombreux exemples de verres signés par un célèbre maître verrier, Ennion, ouvrent la question de la circulation des objets, des moulages et la multiplication possible des ateliers dans la première moitié du Ier siècle apr. J-C. Les trois hypothèses ont été émises pour expliquer la présence considérable, concentrée notamment en Italie septentrionale, des produits de ce personnage au nom sémite – sidonien? – héllenisé, qui travaille avec un associé d’origine chypriote, Aristéas. Par ailleurs, ces réseaux s’intègrent dans de plus vastes courants de déplacements de marchandises, et s’appuient sur un cadre plus général de relations politiques. C’est le cas des précieux verres « à mosaïque » polychrome retrouvés sur les côtes dalmates ( Nesactium, Salona, Zadar et Narona), analysés par G.M. Facchini. Produits dans la région entre Aquilée et Adria entre la fin du Ier s. av. J-C. et le Ier siècle apr. J-C., ces objets prisés circulent avec d’autres marchandises italiques (céramique sigillée, vin du Picenum) au sein d’un espace maritime désormais sécurisé par la fondation des colonies d’ Hadria, Ariminum, et Sipontum (IIIe-IIe siècles av. J-C.).

Les réseaux des échanges anciens ne sont jamais linéaires, bien au contraire ; la composition des cargaisons le montre sans conteste. L’épave romaine découverte près de Mljet (Croatie) comportait, à côté des objets utilisés par l’équipage (vaisselle, outils de mesure) des noyaux bruts de verre vert-bleu, provenant probablement de Palestine, des pains de plomb, probablement extraits dans les mines illyriennes, utilisés dans la pigmentation et dans la production des émaux, enfin de la vaisselle de cuisine provenant d’Italie méridionale. Si cette dernière pourrait être un indice de l’origine de l’équipage, le caractère composite des biens indique une route de longue distance avec plusieurs étapes, reliant un port de la Méditerranée orientale à la côte dalmate, destinée probablement à atteindre la Haute Adriatique.

Pour conclure, ce volume apporte des données très utiles à un domaine important de l’artisanat spécialisé ancien et médiéval, tels la production et le commerce du verre. Une répartition thématique et une réflexion de synthèse, ne serait-ce que quelques pages de conclusions, auraient sans doute aidé le lecteur à s’orienter dans ce riche ensemble de documents.

Table des matières : Presentazione / Preliminary remarks (Maurizio Buora, Irena Lazar, Cesare Moretti) – p. 6 ; Presentazione (Adriano Dugulin) – p. 8 ; Presentazione (Luigi Fozzati) – p. 9 ; Luciana Mandruzzato, Marzia Vidulli Torlo, Dalle sponde levantine. Traffico di vetri antichi lungo le rotte mercantili del Mediterraneo orientale dalle collezioni del Civico Museo di Storia ed Arte di Trieste p. 22 ; Anastassios C. Antonaras, Glass Doves and Globes from Thessaloniki. North Italian Imports or local Products? p. 27 ; Zrinka BuljeviĆ, Traces of Glassmakers in the Roman Province of Dalmatia ?- p. 35 ; Maurizio Buora, Luciana Mandruzzato, MarcoVerità, Vecchie e nuove evidenze di officine vetrarie romane ad Aquileia – p. 51 ; Roberto Caprara, I vetri nella ricerca archeologica degli ultimi trent’anni in Puglia e Basilicata, p. 59 ; Claudia Casagrande, Annamaria Larese, I vetri di Montebelluna: analisi delle forme in rapporto alle associazioni di corredo – p. 71 ; Sofia Cingolani, Vetri romani dallo scavo e dal territorio di Urbs Salvia: note preliminari, p. 81 ; Adele Coscarella, Aspetti formali e periodizzazione dei prodotti vitrei nella Calabria Medievale – p. 91 ; Maria Grazia Diani, Rosanina Invernizzi, Francesca Rebajoli, Recenti attestazioni di vetri in Lomellina: la necropoli di Garlasco (PV) – Cascina Solferina – p. 103 ; Giuliana M. Facchini, La diffusione dei vetri a mosaico sulle sponde dell’Adriatico in età romana, p. 111 ; Annalisa Giovannini, Alcuni tipi di ornamenti per il collo dalle collezioni del Civico Museo di Storia ed Arte di Trieste, p. 119 ; Chiara Guarnieri, Vetri da contesti postclassici di Faenza (XV-XVIIIsecolo) – p. 127 ; Caroline Jackson, Compositional case studies: Glass from the Gnalić Wreck, p. 137 ; Irena Lazar, La bottiglia di Poetovio con rappresentazione del Faro di Alessandria Un raffinato oggetto con decorazione incisa proveniente dall’Egitto p. 147 ; Luciana Mandruzzato, Bottiglie in vetro con marchio da recenti scavi ad Aquileia e Trieste, p. 159 ; Alessandra Marcante, Marta Novello, Michele Bueno, Aquileia (UD), Casa delle bestie ferite. Il materiale vitreo: Rapporto preliminare, p. 165 ; Martina Minini, Reperti vitrei da un’indagine archeologica presso Piazza San Marco a Venezia: l’intervento nell’ex Cinema San Marco – p. 171 ; Giovanna Montevecchi, Un contenitore in vetro dal pozzo dell’area termale nella villa romana di Russi (Ravenna) – p. 179 ; Šime Perović, Tazza di vetro a forma di pigna da Zara – p. 185 ; Irena Radić Rossi, Il vetro grezzo e le altre materie prime del relitto romano di Mljet (Meleda), Croazia – p. 193 ; Lucia Sartori, Diffusione di rhytà vitrei di epoca romana in Italia settentrionale e sulle sponde del mare Adriatico, p. 203 ; Žiga Šmit, Mateja Kos, Non-Destructive Analysis of the Movable Cultural Objects – Studies of Glass in the National Museum of Slovenia- p. 213 ; M. Uboldi, Lo sviluppo del calice altomedievale con elementi “a colonnine” tra gambo e coppa – p. 221 ; Lucina Vattuone, Produzioni altoadriatiche antiche e moderne di vetri dorati , p. 229 ; Marco Verità, Sandro Zecchin, La tecnologia vetraria veneziana del XV-XVI secolo attraverso le analisi di reperti in vetro d’uso comune, p. 237

Notes

1. Nicolas Monteix, « Les boutiques et les ateliers de l’insula VI à Herculanum », Contributi di Archeologia Vesuviana, I, Roma, « L’Erma » di Bretschneider, 2006 (« Studi della SAP », 17), p. 7-76.