BMCR 2010.07.17

Epinikien und ihr Aufführungsrahmen. Nikephoros. Beihefte, Bd. 17

, Epinikien und ihr Aufführungsrahmen. Nikephoros. Beihefte, Bd. 17. Hildesheim: Weidmann, 2009. vii, 347. ISBN 9783615003697. €58.00 (pb).

L’ouvrage d’Arlette Neumann-Hartmann comble un vide: malgré l’abondance extrême des travaux sur les épinicies et Pindare en particulier, nous ne disposions d’aucune synthèse sur le cadre dans lequel étaient exécutés ces poèmes. L’auteur (désignée ci-devant par Neumann-Hartmann ou l’auteur) publie là, avec une rapidité remarquable, sa thèse soutenue en 2007 à l’université de Fribourg.

Bien entendu, le sujet d’étude n’est en soi aucunement nouveau, et l’auteur peut compter parmi ses prédécesseurs des noms aussi prestigieux que ceux d’August Boeckh, Anders Drachmann ou Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff; des travaux récents se sont d’ailleurs aussi emparé, plus ou moins directement, de la question.1

L’introduction définit les termes et la méthode, et pose les problèmes. Le cadre envisagé est toujours celui de l’Erstaufführung, la “première” de l’épinicie. Ce n’est que très brièvement, à l’intérieur des différents chapitres, que l’auteur revient sur la question de la Wiederaufführung (reprise), puis, plus complètement, en conclusion. L’auteur a bien conscience que ce n’est pas forcément la seule exécution de l’œuvre, et que de toute manière nombre d’épinicies peuvent sans difficulté être interprétées devant des publics variés. L’édition qui nous est parvenue est celle de la bibliothèque d’Alexandrie, et nous ne savons rien d’éventuelles autres versions de la même oeuvre faites pour des cadres d’exécution différents.

En réalité, l’étude de l’auteur ne porte que sur un quart des épinicies de Pindare et Bacchylide, celles pour lesquelles l’auteur estime certain ou du moins probable le lieu de première exécution du poème; l’auteur a choisi de publier à part l’analyse du cadre d’interprétation dans les autres épinicies parvenues jusqu’à nous.2 Ce qu’il faut sans doute regretter, car l’ouvrage avait comme finalité d’être une synthèse sur l’ensemble de la question, ce que de facto il ne parvient plus à être, puisqu’on est contraint d’aller voir l’article de l’auteur pour compléter l’information.

A la suite de nombreux travaux récents, Neumann-Hartmann multiplie les angles d’approche pour reconstituer au plus près le cadre d’exécution des épinicies; elle inclut dans son analyse l’étude de la parole du poète à la première personne, celle des destinataires, des mythes, pour tenter de voir si ceux-ci correspondent à un contexte particulier. Chaque chapitre est donc construit sur le même plan (Aufführungsrahmen, Aufführungsart, Sänger, Sieger und ihre Lobpreisung, Mythische Erzählungen, Götter, Publikum). Il y a, à cette occasion, de bonnes mises au point, par exemple sur les moments de célébration de la victoire ou sur les instruments de musique mentionnés par le poète.

Le chap. 2 rassemble les cas considérés comme connus, points de départ de l’analyse de l’auteur L’exclusion de la discussion de la Pythique 12 paraît discutable. On pourra être un peu gêné par les inévitables répétitions engendrées par le choix de l’auteur, car les discussions approfondies sur les Auffführungsrahmen ou -ort sont en fait placées dans les chapitres suivants. On trouvera aussi ici une présentation des auteurs qui, dans un ouvrage qui traite d’un sujet aussi pointu, n’avait sans doute pas sa place; quel lecteur d’une dissertation aussi érudite ignore les biographies des grands poètes? Pareillement, les biographies sur les vainqueurs, ou sur certains d’entre eux en tout cas (Hiéron, Mégaklès) ne présentent guère d’utilité.

Les épinicies interprétées sur le lieu de la victoire, auxquelles est consacré le chap. 3, donnent fort peu d’indications sur le cadre et le moment exact, ni sur les conditions précises de l’interprétation (soliste ou choeur, également possibles, accompagnés de l’aulos ou de la lyre). Plusieurs moments sont théoriquement envisageables : tout de suite après la victoire, lors de la remise de la couronne, lors d’un banquet, lors d’un acte cultuel tel un sacrifice ou une offrande. Rien ne permet souvent de trancher. Les épinicies Olympique 11, Pythique 7, Bacchylide 2 et 4 (peut-être Pythique 6) s’adressent visiblement à un large public, mais celui-ci existe en différentes circonstances lors des concours. En revanche, il est peu probable, à la lecture des mythes évoqués dans les textes et du discours sur les dieux, que ces poèmes aient été interprétés lors de cérémonies religieuses. L’auteur pense que l’interprète était parfois le poète lui-même.

Le chap. 4 n’est qu’une courte introduction aux deux chapitres suivants. L’auteur commence à décrire ici les festivités lors du retour d’un vainqueur dans sa patrie: entrée triomphale, procession à travers la ville et proclamation sur l’agora, repas au prytanée. Les épinicies sont en fait muettes sur de tels moments d’exécution, mais l’auteur conclut avec bon sens que le seul moment concrètement possible pour une interprétation à l’intérieur de ces festivités était le rassemblement sur l’agora.

Le chapitre suivant concerne les épinicies interprétées lors des banquets, couramment organisés par les vainqueurs. Mai là aussi les épinicies livrent en réalité fort peu de détails sur ces repas. Dans les célébrations privées, le poème est centré sur le vainqueur, y compris à travers les mythes, qui, dans O.1 et I.6, font même allusion à un banquet. Neumann-Hartmann conclut que de nombreux éléments prouvent que O.1, N.1, N.9 et I.6 doivent avoir été interprétées lors d’un symposion.

Le chap. 6 envisage la possibilité de fêtes dans les sanctuaires de la patrie du vainqueur. Une fois de plus, les épinicies ne donnent pratiquement pas de renseignements. Si on rattache O.5 et O.14 à des sanctuaires, c’est qu’elles sont essentiellement constituées d’invocations aux dieux et de prières, sans éloge du vainqueur. Pour O.4, P.5, P.11, I.4 et N. 5, les éléments qui ont pu faire penser à une interprétation dans un sanctuaire (prière, invocation) occupent en fait une place assez marginale dans le texte; ces épinicies contiennent, elles, un éloge du vainqueur ou de sa famille, et même le mythe est en relation avec ces derniers. Il est donc peu probable pour l’auteur que ces poèmes aient accompagné un acte cultuel. O.4 pourrait toutefois avoir été interprétée dans un sanctuaire de Zeus à Kamarina, P.11 peut-être dans l’Isménion de Thèbes, I.4 dans le sanctuaire d’Héraclès à Thèbes. Pour la plupart des épinicies envisagées dans ce chapitre, l’auteur préfère penser, comme cadre de leur exécution, à un banquet qui fait suite au sacrifice. Pour N.5, elle doute qu’elle ait été chantée dans le sanctuaire d’Ajax; elle a pu tout aussi bien être interprétée lors d’un banquet dans la maison même du vainqueur.

Les tableaux à la fin de l’ouvrage sont assurément très utiles (mais peu utilisés par l’auteur sur le plan historique), mais était-il nécessaire de les multiplier, d’autant qu’en définitive l’auteur en tire peu de choses? L’auteur nous donne en effet différentes informations sur les épinicies étudiées en variant l’ordre de présentation (en fonction du lieu, de la catégorie d’âge etc.). Comme un tableau entier sur Pindare tient sur deux pages, le lecteur aurait sans doute pu, dans certains cas, faire lui-même ce travail de reclassement des informations quand il s’avère nécessaire. Et pourquoi séparer Pindare de Bacchylide, alors que l’auteur conclut elle-même qu’il n’y a pas de différence visible sur la question qui l’intéresse?

La bibliographie, qui occupe vingt-deux pages, paraît très complète et rendra service.3 On attendra surtout la bibliographie que l’auteur prépare pour Lustrum 2010, portant sur Pindare et Bacchylide entre 1988 et 2005, et qui fait suite à celle de D.E. Gerber.

Assurément l’ouvrage de Neumann-Hartmann, érudit, systématique et prudent, servira de point de départ pour tous ceux qui s’intéressent à Pindare et Bacchylide, aux épinicies et à leur interprétation, mais aussi à leur exécution elle-même (chanteurs, choeurs, instruments). Cependant, une fois qu’on a appris quels étaient les différents cadres possibles, l’intérêt d’étudier celui-ci pour chaque épinicie n’apparaît pas toujours, compte tenu des incertitudes énormes qui pèsent sur notre information ou plus simplement de sa grande pauvreté. Surtout, l’auteur ne nous semble dégager aucune conclusion historique neuve sur le sujet; on aurait, entre autres et dans la ligne de travaux récents, aimé savoir ce que tout cela nous apprend sur les élites sociales de l’époque de Pindare et Bacchylide.

Notes

1. Notamment ceux de C. Carey et A.D. Morrison.

2. “Der Aufführungsrahmen von Epinikien: ein Diskussionsbeitrag”, Nikephoros 20 (2007), p. 49-112.

3. On relèvera, parmi les rares lacunes, le double article de F. Salviat sur la seconde Olympique, “La pensée de Pindare et la 2e Olympique”, JS 2007, dont le premier volet aurait été utile à l’étude de Neumann-Hartmann.