BMCR 2010.02.31

Il sistema portuale di Catania antica: studi interdisciplinari di geo-archeologia marittima. Archaeologia maritima mediterranea. Papers, 3

, , , Il sistema portuale di Catania antica: studi interdisciplinari di geo-archeologia marittima. Archaeologia maritima mediterranea. Papers, 3. Pisa/Roma: Fabrizio Serra Editore, 2008. 112. ISBN 9788862270717. €68.00.

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L’ouvrage dont il est question traite du système portuaire de la ville antique de Catane en Sicile. L’approche est fondamentalement pluridisciplinaire puisque toutes les sources sont convoquées, qu’il s’agisse de la géomorphologie, de la géologie, de la sédimentologie, de l’hydrologie, de la vulcanologie, de l’étude des fouilles archéologiques anciennes et récentes, des sources littéraires et épigraphiques ou des cartes anciennes.

Après une introduction qui présente la nature et les objectifs de cette étude, les auteurs énoncent la problématique et les perspectives. Il s’agit principalement de mettre la situation portuaire antique dans le contexte de la façade côtière en fonction des caractéristiques géomorphologiques et météo-marines, et de son rapport avec le monde agricole et les différentes composantes du commerce maritime.

La recherche d’un port adapté aux exigences politiques, militaires et administratives est une constante dans l’histoire de Catane. Ce fait est le fil conducteur du troisième chapitre de l’ouvrage. L’absence de bassin naturel capable d’absorber les besoins de la ville et de son économie a nécessité de nombreux projets d’agrandissement, depuis l’antiquité jusqu’aux temps modernes, faisant de la zone du port un lieu de la mémoire collective. A ces modifications anthropiques s’ajoutent toute une série de transformations naturelles. En effet, l’espace urbain et la topographie maritime sont profondément marqués par des processus de transformation géologiques. La présence toute proche de l’Etna et de la faille de Malte a généré une importante activité volcanique et sismique, qui, ajoutée aux modifications sédimentologiques et humaines du milieu, rend l’interprétation du système portuaire antique particulièrement difficile.

Le troisième chapitre de l’ouvrage présente l’ensemble des travaux anciens sur le problème des ports de Catane et reprend toute une série d’erreurs historiographiques que les données nouvelles invitent à corriger. En effet, les travaux récents en archéologie et en géologie permettent d’examiner à nouveau les observations topographiques et de reformuler une problématique qui considère que les ports antiques de Catane s’insèrent dans un système d’escales distinctes les unes des autres reflétant une organisation côtière mal intégrée au modèle urbain.

L’évolution naturelle du littoral de Catane fait l’objet du quatrième chapitre de l’ouvrage qui est d’une importance capitale pour résoudre les problèmes évoqués aux chapitres précédents. Les aspects géologiques, hydrographiques et morphologiques sont analysés de manière à définir le paysage en présence au moment de l’arrivée des premiers colons grecs. L’étude chronologique des différentes coulées de lave que l’on retrouve ça et là à Catane apporte une contribution de première importance. L’apport de la sédimentologie aux problèmes des ports est tout aussi important. Les résultats ont permis de définir des secteurs géomorphologiquement distincts soumis à diverses transformations naturelles. On retiendra par exemple l’existence d’une lagune à l’emplacement de l’actuelle place du Duomo, déjà colmatée à l’époque romaine par l’apport incessant de sédiments issus du réseau fluvial de l’Amenano, d’une vaste plage sablonneuse au pied de la colline du Castello Ursino recouverte par la coulée de 1669 et d’une baie située entre le golfe de la Guardia et celui d’Ognina, qui peut avoir accueilli une escale recouverte par une coulée de lave datée du Ve s. av. J.-C.

A la lumière des résultats de l’étude de l’évolution du littoral, il a été possible de réexaminer les sources textuelles antiques et la documentation cartographique antérieure à l’éruption catastrophique de 1669. Si les sources littéraires, par exemple Thucydide, Plutarque, Diodore de Sicile, Strabon et Cicéron, ne permettent pas de retracer dans le détail la morphologie côtière, elles apportent indirectement quelques éléments de compréhension de la topographie maritime. En revanche, certains fragments épigraphiques tardifs (IIIe-IVe s. apr. J.-C.) mentionnent l’existence de structures portuaires de type môle, de travaux de canalisation des eaux de l’Amenano interprétées par les auteurs comme une solution au problème de l’ensablement de la lagune portuaire mentionne ci-dessus. Enfin la documentation cartographique antérieure à 1669 confirme la configuration du littoral définie au chapitre précédent et la permanence du môle évoqué par l’épigraphie.

Une fois le contexte géomorphologique du littoral de Catane dans l’antiquité défini, il a été possible de préciser le potentiel portuaire de la cité aux époques grecques et romaines. C’est l’objet du sixième chapitre de l’ouvrage. Si les caractéristiques portuaires et les agents météo-marins auxquels était soumis le littoral ne favorisent pas l’installation d’un véritable port, il ne fait aucun doute que le secteur côtier était, en règle générale, protégé des vents et des courants dominants. Le promontoire formé par la coulée de lave préhistorique des Larmisi a favorisé la formation d’une barre sablonneuse en face de l’embouchure de l’Amenano et le développement d’une lagune déjà évoqué. Ce secteur constituait de l’époque archaïque jusqu’à l’époque romaine le site le plus favorable à la mise à l’abri des navires. Le processus de colmatage de l’embouchure et de la lagune, associé aux transformations urbaines, a finalement effacé ce port primitif.

Malgré des qualités portuaires naturelles relativement faibles, l’intégration de Catane dans le réseau des relations commerciales maritimes entretenues avec le monde grec insulaire et continental, dès l’époque archaïque, la Méditerranée centrale et orientale, ou le monde italique péninsulaire, l’Espagne et la mer Tyrrhénienne à l’époque romaine, ne fait aucun doute. Les fouilles archéologiques terrestres ou sous-marines, anciennes et récentes, le démontrent abondamment. C’est à reprendre dans ses grandes lignes les témoignages de ces relations commerciales que s’attache le septième chapitre de l’ouvrage. Il fait une place particulière aux découvertes de la place San Francesco que les auteurs associent à la présence d’un sanctuaire emporique, en relation avec la zone portuaire et parfaitement intégré à la trame urbaine de la cité grecque.

A la lumière des résultats obtenus, les auteurs parviennent, au huitième chapitre, à reconsidérer quelques sondages archéologiques anciens en fonction de l’évolution diachronique du tissu urbain. Ils émettent alors l’hypothèse de l’existence d’un système de soubassement endo-fluvial en relation directe avec le sanctuaire de la place San Francesco, de structures vouées au soutien logistique des activités portuaires commerciales à l’époque grecque. Un parallèle net est fait avec le système portuaire de Sélinonte au Ve s. av. J.-C. qui bénéficiait d’un sanctuaire en relation directe avec le port d’embouchure par l’intermédiaire d’une porte monumentale. Pour l’époque romaine, les auteurs confessent la subjectivité de leurs interprétations qui ont en revanche l’avantage de s’accorder avec la tradition historique et littéraire. Il s’agit principalement d’un système de canalisation des eaux de l’Amenano dont le colmatage de l’embouchure était déjà effectif et d’une porte monumentale identifiée comme l’accès au siège d’un organe de contrôle du port chargé de prélever la Vigesima portorii dont parle Cicéron. La reconsidération d’autres fouilles anciennes permet de formuler l’hypothèse de la présence d’un complexe d’infrastructures maritimes, peut-être des magasins, les horrea, au service de l’activité commerciale du port.

Le neuvième chapitre de l’ouvrage est consacré à des comparaisons typologiques. Les exemples choisis sont des ports également situés à l’embouchure d’un fleuve: Sélinonte, Pompéi, Ostie, Megara Hyblaea, Leptis Magna, ou des ports fluviaux comme le port sur les berges du Tibre à Rome. Il est mis en exergue la récurrence quasi systématique de l’association des ports d’embouchure avec une lagune (Pompéi, Sélinonte), et, d’un point de vue technique, la prévalence de l’utilisation de blocs cubiques, parfois liés par un système de tenons et mortaises, dans les infrastructures portuaires grecques, alors qu’à l’époque romaine ce sont les techniques décrites par Vitruve qui sont à l’honneur.

Le dernier chapitre reprend de façon synthétique les informations évoquées tout au long de l’ouvrage et permet de replacer le système portuaire dans un contexte urbanistique et historico-archéologique. L’utilisation militaire du port à l’époque de la guerre que mène Athènes, alliée à Catane, contre Syracuse, répond plus à une nécessité stratégique qu’à la présence d’avantages portuaires naturels. La situation portuaire défavorable explique également l’absence d’une terminologie propre aux ports chez les auteurs antiques: Diodore, par exemple, n’utilisera jamais le terme λιμὴν. Enfin, les auteurs tentent de distinguer les principales phases chronologiques des activités militaires et mercantiles en fonction de la situation portuaire de Catane antique. On retiendra pour l’époque archaïque l’embouchure de l’Amenano considérée comme l’attrait principal pour les colons grecs venus de Chalcis et une présence, encore mal définie, sur le Castello Ursino qui peut avoir joué un rôle de support des activités marchandes, de contrôle et de défense du milieu portuaire. A partir du VIe s., et c’est sans doute là un apport fondamental de l’ouvrage, se développe à proximité du port, un sanctuaire emporique localisé sous la place San Francesco. On retrouve alors les trois composantes de la cité archaïque, le lieu de culte le plus antique sur l’acropole, la station de contrôle sur le Castello Ursino, et la ville basse qui accueille un sanctuaire emporique. A l’époque classique, la topographie côtière est hypothétiquement marquée par l’aménagement d’infrastructures militaires précaires, faute d’avantages naturels plus favorables, destinées à accueillir la flotte athénienne. Le siège de l’activité militaire serait localisé sur les plages méridionales alors que les activités mercantiles continueraient à occuper l’embouchure de l’Amenano. Avec la conquête romaine de la ville en 236 av. J.-C., débute une phase édilitaire qui touche la ville haute, la ville basse et le système portuaire. Des travaux d’aménagement toucheront la zone de l’embouchure, soumise à un ensablement important. Une originalité de Catane réside dans l’absence d’aménagement pour lutter contre cet ensablement mais, au contraire, par la présence de travaux de terrassement et de canalisation des eaux fluviales destinés à gagner des terres sur la mer. La trame urbaine s’organise selon deux axes principaux, le decumanus et le cardo, ce dernier menant au port. Dans ce cadre le forum augustéen ou julio-claudien joue un rôle central dans les activités commerciales. En outre, en périphérie du centre urbain, plusieurs autres escales ont complété le dispositif portuaire endo-lagunaire ; c’est le cas de la plage méridionale, de la baie d’Ognina et du golfe de la Guardia.

En guise de conclusion, on ne peut que saluer la publication de cet ouvrage qui s’insère parfaitement dans une dynamique générale d’approche pluridisciplinaire des ports antiques. La confrontation des sources archéologiques, historiques et géo-scientifiques apparaît désormais inévitable. A Catane, elle a permis de mettre à bas l’hypothèse ancienne, basée sur les sources littéraires, d’un port-canal unique sur l’Amenano et, au contraire, de développer, sur la base d’une argumentation solide, l’idée d’un système portuaire appuye sur un appareil fluvial complexe avec un secteur lagunaire utilisé comme port principal depuis l’époque archaïque jusqu’à l’époque romaine, et complété par plusieurs autres sites disposés le long du littoral. Cette nouvelle hypothèse permet de mieux comprendre le dialogue métaphorique entre la mer et le fleuve Amenano représenté sur les émissions monétaires de la ville jusqu’au Ier s. av. notre ère, époque où l’ensablement du port principal compromet sa fonction. Cet ensablement naturel, ainsi que les autres modifications du paysage côtier, qu’elles soient naturelles ou anthropiques, expliquent en partie l’évolution urbaine de la ville antique, depuis l’arrivée des premiers colons grecs jusqu’à la fin de l’époque romaine.