BMCR 2010.01.60

Contributi per la storia dell’esametro latino (2 vol.). Studi e Testi TardoAntichi, 8

, Contributi per la storia dell'esametro latino (2 vol.). Studi e Testi TardoAntichi, 8. Roma: Herder, 2008. 238; 110. ISBN 9788889670361. €50.00 (pb).

[NB : Seuls les aspects linguistiques de ce livre seront considérés. Un compte rendu de leurs aspects littéraires paraîtra dans la prochaine Revue des Etudes Latines.]

Lucio Ceccarelli offre un livre au titre trop modeste. En effet, ce qu’il désigne du nom de Contributi per la storia dell’esametro latino est une Storia quantitativa dell’esametro latino da Ennio a Venanzio Fortunato. On n’y trouvera ainsi aucunes considérations linguistiques, fussent-elles sémantiques ou stylistiques, sur un objet dont les équilibres rythmiques seront considérés du seul point de vue statistique.

Son ouvrage se présente comme le prolongement et la généralisation de résultats obtenus sur des corpus plus étroits (Evrard) ou limités à l’époque classique (Duckworth) ou seulement centrés sur quelques problématiques (De Neubourg). On ne manquera pas de saluer une extension vers l’antiquité vraiment tardive, acte complètement inhabituel dans un domaine poétique où le conformisme le plus étroit fait tout arrêter à la mort d’Ovide, abandonnant l’épopée flavienne aux audacieux, Juvénal aux téméraires et le reste aux marginaux.

L’auteur part de cette constatation intuitive que le poète use de ses vers comme il utilise sa langue (p. 7). Il tentera donc de mesurer diachroniquement et synchroniquement les traits distinctifs de la grammaticalité rythmique de l’hexamètre dactylique telle qu’elle s’incarne dans la parole d’un auteur particulier.

Il s’agira aussi d’appréhender une part importante de ce que j’ai ici même (cf. BMCR 2009.08.37) désigné du nom de ” stylistique de la métrique “.

L’ouvrage est construit en deux parties. La première (p. 23-138) couvre la période préclassique et classique, la seconde, plus brève (p. 139-205), touche à la période tardive.

Deux remarques s’imposent d’entrée.

La première concerne la chronologie. On peut s’étonner de voir l’antiquité tardive commencer à la mort de Juvénal. Il faut toutefois tenir compte du fait que les poètes des deuxième et troisième siècles sont rares et mal datés. Il est ainsi nécessaire d’attendre le milieu du quatrième siècle pour trouver de la poésie en quantité suffisante à la constitution de statistiques. Cette discontinuité introduit de fait un biais dans l’analyse.

La seconde concerne les auteurs choisis. La méthode statistique comporte des contraintes mathématiques. En effet, pour que les résultats produits fussent significatifs, il fallait des textes longs et continus. Sont ainsi exclus de l’analyse les textes fragmentaires, les épigrammes et les hexamètres issus de distiques.

L’ordonnancement de chacune des parties se fait selon une progression qui va du plus général au plus particulier. Elle comporte trois étapes.

La première (p. 25-85 ; 141-171 : La realizzatione dello schema metrico) touche à l’équilibre global de la rythmicité de l’hexamètre, considérée comme résultant de la constitution progressive et raisonnée de cellules rythmiques dactyliques et spondaïques.

La deuxième (p. 87-101 ; 173-181 : Il trattamento della clausola), à laquelle il faut joindre le chapitre suivant (p. 103-123 ; 183-192 : Le incisioni), voit abordé l’hexamètre par son extrémité finale et sa centralité.

La troisième (p. 125-129 ; 193-194 : La sinalefe) regroupe des considérations sur l’élision et l’équilibre phonologique qui en résulte.

Des Considerazioni conclusive (p. 131-138) et finali (p. 195- 205) couronnent séparément chaque partie, avant qu’un chapitre de Conclusioni (p. 207-213) ne résume l’ensemble. Une Bibliografia (p. 215-235) presque exhaustive achève ce livre auquel il ne manque que l’index qui en aurait fait un instrument efficace. Mais on sait l’entreprise décourageante : tantae molis fuisset

La première partie se fonde sur cette constatation que l’hexamètre grec est beaucoup plus dactylique que l’hexamètre latin. Les résultats statistiques produits permettent de le voir évoluer vers une dactylisation — le terme n’est pas de l’auteur — dont l’intensité fournit un excellent marqueur de distance. La valeur de ce marqueur doit s’évaluer selon deux paramètres conjoints : la fréquence dactylique du pied 1 et la manière dont le rythme dactylique se répand du pied 1 au pied 4.

On constate ainsi que si l’hexamètre grec contient une moyenne de 70% de dactyles en attaque métrique, celui d’Ennius n’en contient que 40% alors que les Bucoliques de Calpurnius Siculus en comportent un peu plus de 57%. Un marquage de ce type fournit donc un excellent indice de la proximité hellénique du texte considéré. Ainsi, que l’épopée historique et archaïque d’un Ennius soit au plus éloigné de l’hellénisme se comprend parfaitement. De même ne doit-on pas s’étonner que les Bucoliques de Virgile soient plus dactyliques que son Enéide. On pourrait ajouter ici que la comparaison s’impose avec ce qui s’observe dans le domaine iambo-trochaïque où l’on voit le vieux sénaire se régulariser peu à peu et tendre, jusqu’à y aboutir, au trimètre à la grecque de Sénèque à mesure que le théâtre se délatinise et passe d’une grammaticalité rythmique latine à une grammaticalité rythmique hellénisée.

J’ajouterai à titre personnel qu’il est de ce point de vue particulièrement significatif que les usagers de l’autochtone satire usent tous d’une langue beaucoup plus spondaïque que celle qui se lit dans les textes poétiques de leurs contemporains. En utilisateurs du sermo, ils rapprochent mécaniquement leur parole d’une langue parlée dont l’influence était très forte sur les poètes archaïques puis archaïsants.

Le fait est significatif du mouvement qui a porté le latin d’oralité ancienne jusqu’à la hauteur d’une langue d’art. Déjà observé sur les plans phonologique, sémantique, lexical et syntaxique, ce mouvement de sélection diasystémique s’est également incarné dans le rythme de la langue poétique saisie dans son ensemble. L’hellénisation progressive de la rythmicité poétique apparaît ainsi moins comme l’instrument d’une délatinisation que comme celui d’une désoralisation par adoption d’une grammaticalité rythmique antinomique à celle de la langue parlée qui tendait, à quelques exceptions près, à la constitution de syllabes longues. De même que la désocclusion et l’amuïssement, l’allongement de la quantité syllabique propre à la langue de l’oralité populaire devait-elle faire sonner ” vulgairement peuple ” la langue du uulgus profanum aux oreilles de la melior pars generis humani.

Dans le domaine plus particulier de la langue poétique, l’enjeu était spécialement crucial. En effet, la langue poétique est une oratio uincta, langue d’amuïssement, terreau d’élisions traversé de syllabae ancipites, et dont bien des moyens, tels l’expressivité des sémantismes, la tolérance syntaxique et l’usage fréquent d’intensifs comme les pluriels dits ” poétiques ” sont issus du langage populaire. Il s’agissait donc d’aseptiser une oralité sans doute ressentie comme toujours vivace. L’usage à la grecque de syllabes brèves fut sans aucun doute une contribution importante à cette aseptisation. Il en est résulté un hexamètre mécaniquement plus long et de masse phonémique plus importante. C’est donc bien une nouvelle matière sonore qui se créait, à la fois plus étendue et plus dense. Le poète de la nouvelle rythmicité avait-il conscience de faire subir un véritable saut qualitatif à l’hexamètre latin ? Je veux croire que c’était le cas et que, dans la conscience linguistique latine, assez de traits rythmiques avaient désormais été changés pour que l’ancien et le nouvel hexamètre fussent deux objets désormais distincts.

La seconde partie est consacrée à la clausule. Lucio Ceccarelli y examine en détail son évolution vers des types canoniques tels condere gentem ou conde sepulchro. Leur nette prévalence, surtout du premier type, montre une forte tendance à la recherche de ce qu’il faut appeler une “clausule lexématique ” où non seulement ictus et accent sont homodynes, mais encore où chaque pied correspond exactement à un mot. Cette tendance effacera les types non standards tels que primus ab oris ou si bona norint.

La seconde partie touche également au délicat problème de la césure. On y sent l’embarras né d’un choix difficile à opérer et ardu à interpréter. En effet, d’un vers à césure multiples, lesquelles considérer, puisque dans un vers tel VERG. Aen. 1,1 Arma uirum / que cano / Troiae / qui primus ab oris ou LVCR. 5,1091 Illud in his / rebus / tacitus / ne forte requiras, tout s’observe ? Fort d’une doctrine issue des grammairiens mais qui se trouve souvent en contradiction avec les faits, Lucio Ceccarelli ne reconnaitrait pas à ces vers de césure trihémimère mais seulement des césures penthémimère et hephthémimère. Mais quoi qu’il en soit, comme le reconnaît Lucio Ceccarelli lui-même, la statistique devient délicate sitôt que la césure n’a qu’une existence rythmique et que ni syntaxe ni sémantique n’y ont leur partie à jouer (p. 103). J’ajouterais que tout montre par exemple que la coupe bucolique, pour ne citer qu’elle, correspond presque invariablement chez un Juvénal à une rupture argumentative forte. Considérer les autres césures amène à des constatations toutes semblables et contraint à les reconnaître soumises à des exigences non pas rythmiques mais sémantiques.

Dans le domaine particulier de la césure, les résultats auxquels aboutit Lucio Ceccarelli éclairent également un peu de l’évolution linguistique. Il me semble en effet, si l’hexamètre grec est foncièrement une dipodie coupée au trochée troisième, c’est-à-dire entre les deux syllabes brèves de son centre géométrique, l’hexamètre latin, quant à lui, devient un vers homogène césuré à la penthémimère, c’est-à-dire un peu asymétriquement après une syllabe longue qui n’est pas exactement centrale. On peut voir ici l’effet de la tendance à la longueur syllabique du latin oral qui aura évacué la double brève du centre de l’hexamètre. Le point extrême du goût du latin oral et archaïque pour les grandes longueurs syllabiques est d’ailleurs atteint d’une part dans ces vers sans coupe penthémimère que le classicisme révoquera, mais surtout dans ces vers à centralité lexématique massivement circonscrite entre les césures trihémimère et hephthémimère tels ENN. ann. 423 Qui clamos / oppugnantis / uagore uolanti ou LVCR. 5,1370 Cernebant / indulgendo / blandeque colendo, dont la binarité colométrique évoque les prière agricoles catoniennes, et que l’on trouve parfois mâtinée d’ennianismes lexématiques et phoniques, comme dans VERG. Aen. 5,407 Magnanimus / que Anchisiades / et pondus et ipsa.

La troisième partie touche à l’élision. Comme l’affirme Lucio Ceccarelli lui-même (p. 128) : Il dato oraziano suggerisce di considerare l’alta frequenza di sinalefi come una caratteristica della lingua parlata e dello stile colloquiale. Je crois donc que la fréquence de l’élision devra être interprétée soit comme une touche d’oralité archaïsante chez un Virgile ou un Silius, soit comme une affirmation d’oralité pure chez un Perse ou un Horace satiriste. A l’inverse, ce même Horace saura significativement raréfier ses élisions lorsqu’il voudra se faire hellénique, comme dans l’ Ars poetica.

Dans ses Considerazioni conclusive, Lucio Ceccarelli ne cache pas la difficulté qu’il y a de distinguer des influences, voire des écoles rythmique. En effet, l’examen des données statistiques montre que l’évolution ne s’est pas faite de manière homogène mais ponctuellement. Certes, comme je l’ai dit plus haut, la tendance non pas à l’hellénisation de l’hexamètre, mais à l’effacement de ses traits d’oralité par l’adoption de traits observables sur le grec, apparaît assez nettement pour être signalée avec plus de force que ne le fait Lucio Ceccarelli. Pour le reste, je crois qu’il faut constater que chaque auteur fait ses emplettes où bon lui semble. Un Ovide (p. 132) se veut fortement dactylique, mais surtout fait ce qu’il veut. Sans doute, si l’on y cherche bien, lui trouve-t-on des rattachements rythmiques avec les Bucoliques. Mais ceux-ci ne sont vraisemblablement que le résultat d’un commun désir d’hellénisme. Il faut le croire innovateur mais peu suivi dans des créations rythmiques qui resteront des idiosyncrasies ovidiennes. En revanche, des surprises surgissent parfois. On découvre ainsi (p. 133) que les auteurs rythmiquement les plus influencés par la pratique virgilienne sont Manilius et Grattius, que Germanicus se veut cicéronien et que l’ovidienne Ilias latina est d’une rythmicité très virgilienne. Il va de soi que de telles constatations devront trouver leur place dans les évaluations futures de ces auteurs et d’autres encore. Mais un fait demeure toutefois : quel qu’en soit l’aspect rythmique étudié, l’ Enéide occupe une place médiane qui la situe comme le point d’équilibre de la rythmicité poétique latine.

L’examen détaillé de la pratique tardo-antique éclaire la perception par des locuteurs natifs d’une rythmicité héritée et réinterprétée. Il faut toutefois rappeler, mieux que ne le fait Lucio Ceccarelli, que le locuteur de cette période évolue dans un univers phonétique où la réalisation des longueurs syllabiques s’est effacée ou au moins recomposée en oppositions de syllabes accentuées et de syllabes atones, tendant à leur allongement et raccourcissement respectifs.

Des continuités se distinguent en terme d’influences auctoriales — le modèle rythmique virgilien se perpétue en référence — et de choix fondés sur d’autres critères. Ainsi la séquence DSSS reste-t-elle privilégiée de même que la séquence DSDS qui permet d’obtenir une alternance totale : DSDSDS. Cependant, comme le reconnaît Lucio Ceccarelli (p. 170-171), un même auteur peut simultanément s’apparenter à plusieurs modèles très différents selon l’aspect rythmique considéré. En matière de clausules, même si les types canoniques s’imposent aux temps tardifs comme aux temps classiques, il semble bien que l’on ait usé en la matière d’une liberté assez grande pour qu’on puisse la croire fondée sur l’indifférence à toute influence (p. 181).

Lucio Ceccarelli peine a trouver raisons et modèles cohérents, sinon convaincants, à la pratique tardive de la césure. Il est vraisemblable qu’elle tende à n’être plus utilisée que comme relais tactique destiné à mettre en relief l’adjectif antéposé et séparé de son substantif par hyperbate, selon le type : ALC. AVIT. carm. 1,1 Quidquid agit uarios / humana in gente labores. Quant à l’élision, si des fréquences d’usage semblent se corréler avec celles qui s’observent chez un Virgile par exemple, l’impression générale qui se dégage est qu’elle ne fait plus l’objet de soins particuliers, ou qu’elle n’est plus utilisée que comme un marqueur phatique, mécaniquement créateur de signifiant poétique.

La liberté de choix rythmique, que reconnaît d’ailleurs Lucio Ceccarelli (p. 203 et 213), ne me semble pas témoigner d’un désir de rattachement polymorphique qui lierait, par exemple, la césure à Ovide, la clausule à Virgile et les séquences quantitatives à qui sais-je encore. L’auteur tardif fait visiblement son choix dans une rythmique comme il le fait dans le domaine générique, en fonction d’un désir qui est moins de pieuse filiation que d’immédiate nécessité et volonté expressive.

Au terme de la lecture du livre de Lucio Ceccarelli, on doit en outre arriver à cette conviction que la périodisation qui l’articule doit être révisée. En effet, tout dans les données qu’il recueille et analyse montre que l’histoire rythmique de l’hexamètre s’ordonne en cinq périodes.

1) Une période de constitution d’une rythmicité proprement latine, dont les fragments sont malaisés à étudier, mais dont les traits communs avec l’oralité et sans doute avec de vieilles formes colométriques et/ou saturniennes devaient apparaître à qui savait les entendre.

2) Une période de réaction à la vieille oralité latine. Les années 50 témoignent parfaitement des tentatives non pas d’hellénisation de l’hexamètre, mais de sa désoralisation. Un Lucrèce tente de civiliser Ennius, mais sans oser se séparer totalement de lui ; un Cicéron, en zélateur bien revendiqué de la poésie ennienne, s’efforce, mais sans succès, d’en tirer de quoi établir une norme rythmique acceptable ; un Catulle vise l’hellénisme, mais dans une fidélité à la latinité qui l’amène, comme Cicéron, à une attitude tout aussi typée, quoique différente, et tout aussi idiosyncrasique dans son insuccès.

3) Une période de normalisation. Elle voit deux tendances se dessiner. La première est latine et conservatrice. Elle a pour représentant un Virgile qui établit une norme par l’adoption presque systématique de fréquences moyennes dans l’usage des procédés qu’il juge assez éloignés de l’oralité ancienne pour constituer une norme rythmique qu’il faut qualifier de ” moderne “. De ce point de vue, il ne procède pas différemment de ces praticiens de la prose qui, dans le courant du deuxième siècle, avaient établi par criblage et élimination une norme syntaxique et lexicale. La seconde tendance est novatrice et hellénisante. Elle s’incarne dans la pratique d’un Ovide, qui adopte une attitude plus radicalement à la grecque dans une pratique rythmique qui apparaît comme l’aboutissement final d’une désoralisation de l’hexamètre.

4) Une période d’éclatement où l’adoption d’une des deux normes établies par l’époque précédente se subordonne très systématiquement à un désir d’expressivité. De ce point de vue, la difficulté où se trouve Lucio Ceccarelli à interpréter en termes de filiations et d’influences ses propres données montre, d’une manière qui méritera un examen plus approfondi, que cette époque voit le triomphe de la sémantique sur la rythmique. J’entends par là que le désir d’expressivité qui s’exacerbe alors amène les poètes à faire des choix qui ne sont plus motivés par une doctrine rythmique, mais par la volonté de voir s’accomplir efficacement le munus pesuadendi. Leur attitude rythmique n’est dès lors plus langagière mais oratoire ; le signifiant rythmique a désormais changé non pas de référent, mais de signifié. Il ne dénote plus une revendication linguistique mais une volonté d’efficacité persuasive.

5) Une période phatique et expressionniste. Considérée sous l’angle de l’expressivité, la pratique rythmique y apparaît motivée comme celle des poètes de l’époque précédente. Cependant, les auteurs postérieurs à la fin du troisième siècle sont les usagers d’une langue qui n’est désormais plus quantitative au sens ancien du terme ; ils emploient un idiome dans lequel l’accent l’a emporté sur une quantité syllabique qui en a vraisemblablement été réorganisée, suffisamment en tout cas, comme en témoignent les vers de Commodien, pour devenir impropre à la fabrication de vers ” à l’ancienne “. Dans un pareil cadre langagier, un respect très conservateur des objets s’affirme comme la marque phatique de la poéticité. Quant à la liberté de leur usage, on la croira motivée par un besoin immédiat d’expressivité ou alors par une fidélité très fragmentée à d’illustres modèles des temps anciens. Quidquid id est, in aeternum sub iudice lis erit.

On aura compris qu’il est extrêmement rare de se confronter à un livre aussi riche et aussi stimulant. On aura surtout constaté qu’il n’est désormais plus possible de mener quelque étude que ce soit sur de la matière poétique romaine sans prendre en considération les résultats rassemblés par Lucio Ceccarelli. Sans doute exploitera-t-on davantage les tables qui constituent le second volume de son ouvrage. Elles sont le résultat de l’analyse de presqu’un million de pieds et contraignent à l’admiration la plus respectueuse quiconque s’est jamais soucié d’introduire de la géométrie dans le flou inévitable des études littéraires. On lira cependant aussi son premier volume, sans doute pour les résultats qui y sont analysés, mais également pour goûter la rigueur d’une méthode, la clarté d’une écriture et l’agilité d’une intelligence créatrice d’un livre qui est moins une synthèse qu’un tremplin.