Près d’une vingtaine d’années auront été nécessaires à l’équipe multidisciplinaire anglo-hellénique (universités de Ioannina, Athènes et Cambridge) ayant fouillé l’établissement de Markiani (Amorgos, Cyclades, Grèce) pour en assurer la publication complète. Il faut dire que de très nombreuses spécialités ont été réunies pour couvrir tous les champs d’analyse des structures et des artefacts.
L’ouvrage se répartit comme suit: sommaire, liste des auteurs (avec leur affiliation), liste des illustrations, liste des tableaux, liste des planches photographiques, liste des abréviations, remerciements.
Le chapitre 1 constitue une très courte introduction à cette monographie de site présentant succinctement l’histoire des fouilles depuis la découverte de l’établissement de l’Age du Bronze Ancien en 1985 par Lila Marangou (première signataire de l’ouvrage). Les fouilles se succédèrent annuellement de 1988 à 1990 avec des périodes d’étude du matériel en 1990 et 1991.
L’histoire de la découverte du site est donnée avec bien plus de détails dans le chapitre 2, signé par Lila Marangou. Non loin de nécropoles datées du Cycladique Ancien (Notia et Stavros), le site de Markiani fut mis au jour fortuitement lors de prospections systématiques. Il avait été considérablement remanié par la construction de bâtiments récents liés à l’élevage. Quelques pans de murs, terrasses et aménagements du rocher étaient malgré tout encore visibles au niveau du sommet arasé du site.
Le chapitre 3, par Todd Whitelaw, décrit en substance le déroulement et les résultats de la campagne de prospection de 1987: un ramassage de tessons fut organisé sur une surface totale de 14 hectares de terrasses et 20 hectares de pentes. Chaque unité de sol fut classée en secteurs au sein desquels la densité de matériel archéologique fut évaluée. Une grande majorité des artefacts furent identifiés après lavage, comptage et examen, comme datant de l’Age du Bronze Ancien. La répartition par taille de tesson et par poids a permis de définir des zones d’intérêt archéologique préférentiel qui furent déterminantes pour le choix des zones à fouiller ultérieurement (en ne négligeant pas pour autant les facteurs migrateurs comme le pendage, par exemple). De nombreux schémas permettent de bien comprendre la mise en pratique de cette méthodologie ayant amené au choix de secteurs précis de fouille. Une tentative de chronologie d’occupation du site est ensuite fournie par l’auteur, qui nous semble relativement hardie car fondée uniquement sur les résultats de ce ramassage céramique de surface; peut-être serait-il plus prudent de ne pas trop en faire dire à ce matériel et s’en tenir, pour le coup, aux données issues de la fouille proprement dite. D’autant plus que les données pédologiques (par Charly French et Todd Whitelaw) ont montré une très nette dévégétalisation initiée dès l’occupation du site, à l’origine d’une favorisation du glissement et de la dispersion du matériel archéologique.
Une synthèse du résultat des fouilles est donné dans le chapitre 4 par Colin Renfrew, Lila Marangou et Christos Doumas. Ont été mis au jour des secteurs de mur de fortification, d’un bastion, d’une aire sommitale et de terrasses; l’aire sud a livré les restes de deux pièces contigues (à vocation d’habitation?). Les schémas explicatifs, nombreux, sont particulièrement clairs, bien que souvent traités de façon peu conformiste (notamment dans la figuration des reliefs des rochers: la figure 6.1, page 83 en est un exemple net).
La datation 14C de nombreux échantillons (12) fait l’objet d’une présentation critique par Colin Renfrew, Rupert Housley et Sturt Manning au sein du chapitre 5. Les analyses n’ont été réalisées que sur des restes osseux (animaux) et c’est l’occasion de rappeler que cette méthode de datation n’a, à l’origine, été validée que sur ce genre de substrat et non sur d’autres. La discussion tenant à la calibration et à la confrontation avec les données stratigraphiques s’avère particulièrement intéressante, notamment lorsqu’elle aboutit à l’exclusion d’un échantillon (OxA-4005) dont la datation s’est révélée plus jeune de 2 sigma par rapport à l’âge attendu (une aberration vraisemblablement due à une intrusion accidentelle du segment osseux d’un niveau supérieur par des fissurations telluriques…). Le résultat aboutit à quatre grandes phases sur le site de Markani: I (fin du 4ème millénaire – 3000 av. J.-C.), II (3000 – 2800 av. J.-C.), III (2800 – 2700 av. J.-C., correspondant par ailleurs au bastion précédemment décrit), IV (2400 – 2300 av. J.-C.).
Le chapitre 6, par Lila Marangou, donne une synthèse architecturale sur l’ensemble des structures dégagées. Le système de drainage, particulièrement original, y est très bien décrit, mi-creusé dans le roc et mi-construit par des élévations de petits blocs de poros; d’autres exemples contemporains existent sur l’île d’Amorgos, dans des structures agriculturales (fermes).
Le chapitre 7, long et dense, traite les données liées aux poteries. Une étude pétrographique menée par Sarah Vaughan, dans la continuité de ses travaux portant sur les contenants des Cyclades: ont été identifiés de nombreux substrats, principalement du marbre et du schiste bleu. La mise en évidence de pierres extérieures à l’île (volcaniques, notamment), implique des échanges commerciaux avec les territoires environnants. Avec un appareil iconographique fourni, Efi Karantzali analyses les céramiques des phases I et II, tandis Kiki Birtacha se charge de la phase III et Pantelis Eskitzioglou de la phase IV.
Les petits objets font l’objet d’un catalogue analytique dans le chapitre 8, par plusieurs auteurs: lames et nucleus d’obsidienne (par Anastasia Angelopoulou); objets en pierre dont des haches polies, des poids et des pierres à moudre (par Chris Scarre); impressions (souvent accidentelles) de textile, de vannerie ou de végétaux (par Jane Renfrew); fusaïoles, avec d’ailleurs une classification bien pratique (figure 8.19, page 202) (par Giorgos Gavalas); modèle de bateau en terre cuite d’environ 6 centimètres de long (par Neil Brodie); objets métalliques en plomb, bronze et cuivre principalement représentés par des instruments domestiques (par Kiki Birtacha); sceaux en plomb et impression de sceaux sur céramiques (par Anastasia Angelopoulou).
Les matériaux organiques sont examinés de façon systématique dans le chapitre 9, à commencer par les os animaux, soit à l’état brut, soit transformés en outils (par Katerina Trantalidou); la répartition par animal ne varie pas considérablement d’une phase à l’autre, avec une prédominance nette d’ovi-capridés, suivie d’une représentation moindre des suidés et, très loin derrière, des bovidés. Mêlés à cet inventaire, cinq restes humains (fragments de voûtes crâniennes) ont été isolés dans une habitation de la phase IV; ces éléments auraient mérité une étude bien plus poussée (ici, 8 lignes seulement!), menée par un anthropologue, avec des conclusions plus précises vis-à-vis de l’âge que “four adults and one baby?” (page 231) et de véritables développements archéologiques. L’étude des mollusques a été réalisée par une des plus grandes spécialistes de ce domaine (Liliane Karali-Giannakopoulou) avec des analyses tant anatomiques que pratiques (type d’utilisation? signification pratique?). Les résidus carboneux ont été examinés par Jane Renfrew, sans identification possible des charbons (trop fragmentés) mais avec de nombreux restes caractéristiques de barley (céréale prédominante).
Colin Renfrew et Lila Marangou fournissent dans le chapitre 10 des remarques générales et conclusives sur l’étude archéologique de ce site, intéressant autant pour les aspects liés à la vie quotidienne à l’Age du Bronze Ancien dans les Cyclades qu’à la preuve supplémentaire d’échanges commerciaux entre Amorgos et les îles avoisinantes.
Un résumé en grec moderne est disponible (pages 259-271), suivi par une bibliographie multilingue (pages 273-283), un index précis fort bien fait (pages 285-296) et une suite de 56 planches d’une grande qualité de reproduction (bien qu’une échelle ne soit pas toujours présente au contact des objets photographiés ou des vues des secteurs de fouille…).
En pratique, cet ouvrage, complet, présente de façon didactique l’ensemble des données archéologiques d’une fouille bien menée dont le matériel a été très bien exploité; on espère que l’avenir fournira l’opportunité d’étendre l’analyse aux zones voisines des secteurs dégagés pour mieux comprendre l’organisation des structures (habitat, bastion, terrasses) dans son environnement direct.