BMCR 2009.03.03

Galenos: Rivista di filologia dei testi medici antichi 1 – 2007

, Galenos: Rivista di filologia dei testi medici antichi 1 - 2007. Pisa/Roma: Fabrizio Serra, 2007. 233 (pb). ISBN 1973-5049.

Journal Details

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Il peut paraître étrange de faire le compte-rendu d’une revue. D’ordinaire, on fait la recension de l’ouvrage d’un même auteur, des actes d’un colloque ou bien d’un recueil d’articles, du type mélanges. Pourtant la revue italienne Galenos qui a pour sous-titre Rivista di filologia dei testi medici antichi n’est pas une revue comme les autres.

Ce volume de 233 pages surprend en effet tout d’abord par la qualité de son papier et par l’élégance de ses polices. Mais c’est surtout par son contenu qu’il est absolument novateur. Les contributions sont en italien, français, anglais, allemand et espagnol. Elles portent sur des textes grecs, latins et arabes. Elles concernent aussi bien les époques antiques et tardo-antiques que médiévales. Elles présentent enfin un grand nombre de sources et de conjectures inédites.

Comme le rappelle l’initiateur de la revue, Ivan Garofalo, dans un brève préface, Galenos s’inscrit dans la mouvance de l’intérêt croissant pour la philologie des textes médicaux. De cette vitalité, témoigne le grand nombre de colloques internationaux et de publications qui ont vu le jour ces trente dernières années. Le renouveau éditorial du Corpus medicorum graecorum, le lancement des éditions et traductions de Galien dans la collection des Belles Lettres ou la mise en ligne sous la rubrique medic@ des éditions des médecins anciens par la Bibliothèque interuniversitaire de médecine (BIUM) illustrent ce dynamisme du champ de la médecine antique.

La nouvelle revue, qui est annuelle, accueille des contributions philologiques sur les textes médicaux grecs, latins, arabes, syriaques et hébreux.

1) A. Lami présente une nouvelle édition critique du traité hippocratique De virginum morbis accompagnée d’une traduction italienne et d’un commentaire détaillé. Ce texte, qui n’est vraisemblablement pas un fragment mais un traité à part entière, est datable de l’époque hellénistique ou du début de la période impériale. Il traite d’un syndrome qui touche les jeunes filles au moment de leur puberté.

2) D. Irmer fait une savante mise au point sur le glossaire hippocratique d’Érotien. Il rappelle que cet ouvrage lexicographique du Ier siècle de notre ère se présente aujourd’hui sous une forme remaniée. Tandis que l’ Urglossar adoptait, pour la succession des entrées, l’ordre de lecture des traités de la Collection hippocratique qu’avait suivi Érotien, le traité actuel présente les entrées en les regroupant alphabétiquement d’après leur lettre initiale, sans toutefois que le classement alphabétique s’impose à l’intérieur de chaque section réunie sous une même lettre. Irmer retrace ensuite les progrès de la recherche qui ont permis de mieux comprendre la structure et la logique de l’actuel glossaire, en identifiant de quels traités hippocratiques provenaient les mots glosés. Cette synthèse part de l’édition princeps du glossaire, établie en 1564 par Henri Estienne,1, pour en arriver aux pages concernant Érotien dans le tome I des Testimonien zum Corpus Hippocraticum paru en 2006 grâce aux bons soins de D. Irmer et A. Anastassiou.2 L’auteur appelle de ses voeux une nouvelle édition critique du glossaire d’Érotien qui remplacerait celle de Nachmanson (1918) et prendrait en compte les données récentes de la critique.

3) A. Roselli, dans “Memoria e sommatoria nel processo cognitivo (con edizione di Galeno, Comm. In Hipp. Off. Med. XVIII B 650, 8-652, 13 Kühn) s’attache à l’édition, à la traduction et à l’exégèse d’un passage difficile du commentaire de Galien à l’ Officine du médecin hippocratique. L’édition de ce passage, qui améliore considérablement le texte corrompu de Kühn, ainsi que sa traduction annotée, offre au lecteur un témoignage important sur un débat épistémologique ancien concernant la place de la mémoire ( mnêmê) et de l’énumération ( synarithmêsis) ou récapitulation ( synkephalaiôsis) dans le processus cognitif.

4) J. Jouanna-Bouchet offre une étude lexicale exhaustive sur les instruments et les techniques de cautérisation dans la littérature latine, d’après un corpus de textes qui va du IIe siècle avant notre ère au VIe siècle après. Elle recense les différents termes désignant les cautères—essentiellement ferramentum, ferrum, cauter et cauterium —, les types d’affection soignées par cautérisation, puis les formes, les matériaux et les techniques d’utilisation de ces instruments.

5) L’article de S. Boscherini porte sur un type de notations qu’on trouve dans le De materia medica de Dioscoride, puis dans l’ Herbier attribué à Apulée. Dans cet Herbier, certaines plantes, après avoir été nommées en latin, reçoivent un autre nom étranger précédé de la mention des “Prophètes” ( Profetae). Il s’agit en fait du nom donné à la plante par les prêtres égyptiens à l’époque ptolémaïque. L’ Herbier latin du IVe siècle conserve donc les traces de cette interaction entre les cultures grecque et égyptienne.

6) Dans une contribution riche et fouillée, N. Palmieri se met en quête des sources du De medicina de Cassius Félix, bref manuel de pathologie et de thérapeutique composé en 447 en Afrique du Nord. En étudiant trois passages précis, dans lesquels est cité par deux fois Magnus de Nisibe, et en les mettant en perspective avec les ouvrages ultérieurs des iatrosophistes alexandrins, l’auteur montre que la culture médicale de Cassius Félix a connu l’influence du premier galénisme alexandrin qui lui était contemporain.

7) A. Ferraces Ródriguez apporte des nouveautés sur la traduction latine tardo-antique du De natura hominis hippocratique. À une tradition directe très fragmentaire constituée par le Parisinus lat. 7027, l’auteur ajoute le témoignage de quatre ouvrages qui préservent de brefs passages de cette traduction latine ( Liber Aurelii, Liber Glossarum, Liber interrogationis yppocratis medici, Epistula yppocratis ex quattuor humoribus). L’utilisation du Liber Aurelii par Isidore de Séville lui permet de fixer que cette traduction latine du De natura hominis fut effectuée avant le milieu du VIe siècle.

8) A. M. Ieraci Bio propose l’édition princeps d’une diérèse récapitulant le contenu des chapitres 6 à 18 de l’ Ars medica de Galien. Ce texte qui résume les signes physiques liés aux différents tempéraments se trouve dans un manuscrit de Naples, le Neapolitanus orat. gr. CF 2. 11, qui date du XVe siècle et qui a appartenu à Jean Dokeianos. La diérèse présente sous une forme rédigée le même contenu que certaines des diérèses schématiques des Tabulae Vindobonenses 3 dessinées dans le Vindobonensis med. gr. 16. Pour l’auteur, ces diérèses émanent d’une même tradition grecque du galénisme alexandrin. Avant de procéder à l’édition du texte, l’auteur relève les variantes qui existent entre le texte du manuscrit napolitain, celui du manuscrit viennois et celui de l’ Ars medica.

9) Après un préambule sur les traductions latines de Galien et un rappel des principaux outils d’érudition pour les étudier, V. Nutton en vient à une analyse claire de la tradition du traité du De motiis liquidis, perdu en grec, et en particulier à un examen de la traduction arabo-latine effectuée vers 1200 par Marc de Tolède. Les 29 manuscrits conservés se répartissent en deux familles: la famille a en comprend neuf qui sont principalement originaires d’Italie ; la famille b en compte une vingtaine, qui furent copiés et lus dans les universités de l’Europe du nord et en Italie du nord. L’étude des variantes textuelles amène l’auteur à la conclusion que les manuscrits de la famille b offrent une révision réalisée par Marc de Tolède lui-même à partir d’une première recension qui figure dans les manuscrits de la famille a. La mise en évidence de deux familles selon des critères textuels et philologiques, mais aussi d’après la codicologie et l’histoire intellectuelle constitue un jalon important pour mieux comprendre la formation des collections galéniques en Occident latin. Au-delà de ce travail sur le De motiis liquidis, l’article de Nutton livre un véritable vade-mecum à l’intention des prochains éditeurs qui s’intéresseront au Galien latin.

10) La contribution cosignée par J. Jouanna et K.-D. Fischer explore une série de textes grecs et latins tardifs qui ont pour point commun d’associer la variation quotidienne des quatre humeurs aux heures de la journée et de la nuit. Cette chronobiologie, faussement attribuée à Hippocrate, appartient en réalité à la médecine tardive puisqu’elle est postérieure à Galien. Les textes de ce dossier se divisent en deux groupes. Le premier groupe dérive d’un texte grec Sur le pouls et le tempérament humain et comprend la Lettre à Pentadius du pseudo-Vindicien et l’ Isagoge saluberrima du pseudo-Soranos. Il envisage l’alternance des quatre humeurs sur une période de vingt-quatre heures. En revanche, le deuxième groupe, qui comprend le traité grec sur la Formation de l’homme, ainsi qu’un traité inédit découvert par K.-D. Fischer à la bibliothèque nationale de la République tchèque ( Pragensis lat. XIV. H. 28), décrit l’alternance des humeurs sur un cycle de douze heures et dans un contexte embryologique, les heures de la journée déterminant le tempérament du futur enfant.

11) Une brève note de K.-D. Fischer intitulée “Aphorismorum Hippocratis argumentum metricum” rectifie l’une des nombreuses informations erronées de l’ Hippocratus latinus de Pearl Kibre,4 relative à un commentaire anonyme des Aphorismes d’Hippocrate. En fait, les cinq vers en hexamètres, qui sont pour la première fois édités par l’auteur, ne sont pas le début d’un commentaire anonyme, mais des vers introductifs ajoutés à la traduction latine des Aphorismes d’Hippocrate ou à celle de leur commentaire par Galien, réalisée par Constantin l’Africain.

12) I. Garofalo se penche sur la traduction arabe du De sectis de Galien et de son sommaire alexandrin. Après avoir effectué une présentation codicologique, paléographique et textuelle des manuscrits arabes du De sectis, I. Garofalo passe en revue les passages où la confrontation avec la traduction arabe et avec l’ancienne traduction latine amène à revoir les choix éditoriaux d’Helmreich, le précédent éditeur du texte grec. L’auteur fournit aussi une liste fort utile sur les procédés stylistiques et les caractéristiques de la traduction arabe, attribuée à Hunain Ibn Ishaq. Sa contribution se poursuit par un développement sur le sommaire alexandrin du De sectis tel qu’il est préservé en arabe. Le traducteur de ce sommaire n’est pas le même que celui du De sectis.

13) À partir de l’exemple du De humoribus d’Hippocrate, O. Overwien s’interroge sur l’origine de la traduction arabe des traités hippocratiques. La plupart de ces traductions arabes d’Hippocrate proviennent de leur commentaire galénique, c’est-à-dire que les traducteurs n’eurent pas accès directement aux traités de la Collection hippocratique, mais qu’ils ont reconstitué le texte de ces traités, en mettant bout à bout les passages hippocratiques qui se trouvaient expliqués dans les commentaires de Galien. Le problème pour le De humoribus est que, si le traité est bien conservé en traduction arabe, son commentaire par Galien est perdu en grec comme en arabe. Toutefois, en recourant à des indices internes et à des passages parallèles, l’auteur démontre de manière convaincante que le De humoribus conservé en arabe dérive bien du Commentaire aux humeurs de Galien qui est aujourd’hui perdu.

14) Une courte note de P. Annese publie pour la première fois un index du livre I du De naturalibus facultatibus de Galien qui se trouve au f. 55 r du Laurentianus 74, 5.

Ce premier numéro de la revue Galenos se clôt par une série de conjectures inédites sur des textes médicaux grecs, latins et arabes. Cette section est tout à fait remarquable, puisqu’elle témoigne d’une pratique philologique savante et innovante et qu’elle ouvre la voie à l’important travail d’édition qui reste à accomplir sur ces textes de médecine. Ces conjectures ne sont qu’un échantillon d’un ensemble plus vaste recueilli en ligne sur le site de l’AFMA (Archivio Filologico per la Medicina Antica).

Pour conclure, on ne peut que saluer l’initiative courageuse d’Ivan Garofalo qui est le maître d’oeuvre de la revue. Il offre en effet un outil rigoureux et exigeant pour diffuser les travaux philologiques sur la médecine antique auprès du public et pour accueillir les publications sur un domaine en plein essor. La revue Galenos est promise à un long avenir: elle s’impose comme un organe de communication indispensable entre les chercheurs internationaux. Elle est le reflet de la richesse des approches critiques, linguistiques, lexicales, philologiques et historiques qui construisent le champ de la médecine antique: elle en constitue en quelque sorte le fleuron. Le numéro 2 de la revue, paru en 2008, contient un programme alléchant:

Vol. 2, 2008: L. Arata, Due emmenagoghi in Sulle malattie femminili I 74; M. Cronier, L’apport de la traduction arabe de Stéphane à l’établissement du texte grec du de materia medica de Dioscoride; L. Perilli, Su Esichio e i cosiddetti ‘frammenti’ del Glossario ippocratico di Erotiano; S. Grimaudo, Galeno, l’Ordine dei suoi libri e i destinatari del trattato di Igiene (de ord. libr. suor. II 13); I. Garofalo, Gli scoli al de sectis e all’ad Glauconem nel Parisinus suppl. gr. 634; M. E. Vázquez Buján, Sur les traces de l’ancienne traduction latine des Aphorismes dans le manuscrit Paris, BNF, latin 710; S. Buzzi, Aezio Amideno 16.124.12-25 e 125.1-6 Zervós nel Parisinus suppl. gr. 446; B. Zipser, Die uneinheitliche Überlieferung eines Fragmentes über den Puls und ein Iatrosophion. Congetture inedite sui testi medici. Abstracts.

Liste des auteurs et des titres de Galenos 1, 2007:

Vol. 1, 2007: A. Lami, Lo scritto ippocratico Sui disturbi virginali; D. Irmer, Das Hippokratesglossar Erotians und die Identifizierung der erklärten Stellen im Corpus Hippocraticum; A. Roselli, Memoria e sommatoria nel processo cognitivo (con edizione di Galeno, comm. in hipp. off. med. XVIII B 650,8-652,13 Kühn); J. Jouanna-Bouchet, La cautérisation dans la médecine antique, étude sur le vocabulaire, les instruments et les techniques dans la littérature latine; S. Boscherini, L’Erbario di Apuleio e le ricette dei profeti; N. Palmieri, Elementi alessandrini in Cassio Felice; A. Ferraces Rodríguez, Fragmentos de la antigua traducción latina del de natura hominis hipocrático en textos médicos tardoantiguos; A. M. Ieraci Bio, Dihaireseis relative all’ars medica di Galeno nel Neap. Orat. CF 2.1-1 (olim XXII-1); V. Nutton, De motibus liquidis and the medieval Latin Galen; J. Jouanna, K.-D. Fischer, Chronobiologie dans la médecine tardive. La variation quotidienne des quatre humeurs: nouveaux témoignages grecs et latins; K.-D. Fischer, Argumentum aphorismorum Hippocratis metricum Latinum; I. Garofalo, La traduzione araba del de sectis di Galeno e il sommario degli alessandrini; O. Overwien, Zur Herkunft der arabischen Übersetzung von Hippokrates’ de humoribus. Note: P. Annese, L’indice del de nat. fac. nel Laurentianus 74.5. Congetture da AFMA. Abstracts.

Notes

1. Cet ouvrage est disponible dans une réimpression anastatique de l’édition de 1780 (parue à Leipzig) chez Georg Olms Verlag, Hildesheim-Zürich-New York, 2005, p. 1-398.

2. A. Anastassiou et D. Irmer, Testimonium zum Corpus Hippocraticum, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2006, p. 547-560.

3. Sur ces diagrammes, voir B. Gundert, “Die Tabulae Vindobonenses als Zeugnis alexandrinischer Lehrtätigkeit um 600 n. Chr.”, dans K.-D. Fischer, D. Nickel, P. Potter (éd.), Text and Tradition, Studies in Ancient Medicine and its Transmission presented to Jutta Kollesch, Leiden-Boston-Köln, 1998, p. 91-144.

4. P. Kibre, Hippocrates latinus. Repertorium of Hippocratic writings in the Latin Middle ages, revised edition, New York, 1985.