BMCR 2008.07.25

Epigraphika Thessalonikeia, Symvole sten politike kai koinonike historia tes archaias Thessalonikes

, , , Epigraphika thessalonikeia : symvolē stēn politikē kai koinōnikē historia tēs archaias Thessalonikēs. Thessaloniki: University Studio Press, 2006. 646 pages : illustrations ; 24 cm. ISBN 9601215506. €40.00.

Ce livre constitue une sorte d’ “apparat épigraphique et historique étendu” de 140 inscriptions. Il comprend surtout des découvertes récentes provenant toutes de Thessalonique. L’auteur, ayant entrepris la publication d’un Supplement aux inscriptions de Thessalonique (IGX, 2, 1) dans la série de l’Academie de Berlin Inscriptiones Graecae, a voulu présenter ici quelques unes parmi les inscriptions qui feront partie de ce Supplement et qui comportent un intérêt particulier.

Dans leur majorité, les inscriptions présentées dans ce volume sont datées de l’époque impériale. Il s’agit, pour la plupart, de découvertes faites dans des fouilles de sauvetage menées dans la ville de Thessalonique après 1960, année qui constitue un terminus ante quem pour le matériel dans le corpus IG X, 2, 1, composé par le savant américain Charles Edson. Les inscriptions publiées (ou re-publiées) et commentées ici sont présentées en cinq chapitres dont voici les thèmes: a) aspects de la vie publique de la cité de Thessalonique, b) associations privées, c) aspects de la vie professionelle, d) aspects de la composition démographique de la ville, e) aspects des pratiques funéraires et plus précisement questions concernant le vocabulaire et les rites funéraires.

Ces cinq chapitres dont le matériel se recoupe sont suivies d’un sixième chapitre qui comprend tous les testimonia épigraphiques. Cette dernière partie constitue une des grandes richesses de cet ouvrage car elle actualise et enrichit le corpus de Ch. Edson; elle permet ainsi de placer Thessalonique dans un contexte plus large au sein de l’histoire de l’époque hellénistique et impériale. Le volume est completé par des conclusions qui mettent en evidence la contribution de récente découvertes épigraphiques à l’histoire de Thessalonique, par un résumé en allemand, par des indices (prosopographique, des mots grecs, des mots latins, général) et par un ensemble de 102 planches photographiques de très bonne qualité. Tout cela signifie que, pour qui veut avoir une idée complète du matériel épigraphique concernant et en provenance de Thessalonique, le volume de Nigdelis prend déjà une place à côté du corpus IG X, 2,1— dont le compte rendu magistral a été fait par L. Robert (OMS V, pp. 267-333)— et le Supplement annoncé par P. Nigdelis. Le Catalogue des Sculptures du musée de Thessalonique en deux volumes (par E. Voutiras, G. Despinis, Th. Stephanidou-Tiveriou, Katalogos glypton tou mouseiou Thessalonikis, I, Athènes 1997 et II, Athènes 2003) est aussi à prendre en compte, étant donné que nombre d’inscriptions sont accompagnées de reliefs et que beaucoup de sculptures et reliefs portent des inscriptions.

À cause de son caractère documentaire, ce livre se veut une contribution à l’histoire politique et sociale de Thessalonique et non pas une histoire systématique de la ville. Cette dernière reste toujours à entreprendre, étant entendu que le matériel épigraphique et archéologique va toujours en augmentant grâce aux fouilles dans le cadre des travaux pour la construction d’un metro qui sont actuellement menées dans la ville de Thessalonique.

Les inscriptions publiées ici ne sont pas seulement des nouveautés. L’auteur présente aussi de nouveaux suppléments et lectures pour des documents déjà publiés . Par exemple, ch.1 no 4 : nouvelle lecture de l’inscription honorifique IG X, 2, 1, 14 pour le bienfaiteur [Ser?]vilius et nouvelle interprétation concernant l’activité du bienfaiteur; l’auteur effectue en plus un raccord avec un morceau d’une inscription déjà connue où il est question d’eaux thermales; de cette manière l’inscription est placée dans le contexte de l’activité du bienfaiteur. Un autre exemple est la correction de la lecture de SEG 45 (1995) 827, qui ainsi acquiert une signification comme inscription architecturale.

Le Ier chapitre jette une vive lumière sur la vie publique: honneurs pour les empereurs (nos 1 et 6 ); évergétisme (nos 2, 3 et 4); architecture urbaine (nos 5, 8, 9, 11), élite et fêtes (no 10), à travers les invitations à des combats des gladiateurs et des chasses (no 10), les témoignages pour les bâtiments publiques, les honneurs pour les bienfaiteurs, les témoignages concernant la vie du gymnase, la vie publique de Thessalonique à l’époque impériale se présente désormais comme digne d’une cité siège de l’administration de la province de Macédoine et centre urbain très important.

Le IIème chapitre fait connaître dix nouvelles associations qui s’ajoutent aux vingt-six déjà connues de la ville de Thessalonique: ch. II, no 1: speira dionysiaque; no 2: association pour Dionysos Horophoros; no 4: association (synetheia) d’Artemis Gourasia; no 5: association (synetheia) d’Artemis Akraia; no 7: association (synetheia) epi tou Poseidonos; no 9: association (synetheia) de Nemesis; no 10: collège des muletiers; no 11: association (synetheia) des fabriquants et commerçants des couronnes; no 12: association (synetheia) des farceurs, philopaiktores(!). Ces informations sont intéressantes tant pour le phénomène associatif, c’est-à-dire l’expansion des associations à la fin de l’époque hellénistique et impériale, que pour la vie cultuelle et religieuse, et en général la religion en Grèce romaine. On peut signaler, dans l’ensemble des associations de Thessalonique, l’importance de associations dionysiaques qui semblent constituer la catégorie la plus populaire dans la ville de l’époque impériale.

Le IIIème chapitre regroupe des témoignages sur la vie professionelle à Thessalonique (principalement des épigrammes funéraires): ch. III no 1: vendeur de parfums; no 2: intendant; nos 3, 4 et 5: des gladiateurs; no 6 (en latin): un bestiaire (inscription en latin); no 7: un marin; no 8 (avec relief): un muletier; no 9: des “diacres” (diakonoi: fonctionnaires cultuels ou simples serviteurs?); no 10: un trésorier de la vicesima hereditatium, c’est-à-dire la caisse impériale qui collecte les impôts sur l’héritage; ce témoignage constitue une première attestation pour l’existence de cette caisse à Thessalonique, bien connue en d’autres endroits de l’empire.

Le IVème chapitre donne à voir une des grandes forces de l’ouvrage, c’est-à-dire la recherche prosopographique; cette méthode enrichit nos informations sur la composition démographique de Thessalonique à l’époque impériale. Il y a des contributions à l’histoire des dix-neuf familles italiennes de Thessalonique. Certaines de ces familles sont déjà connues à Thessalonique (par exemple, : ch. IV, no 1; : no 2; Avii: no 3; , et : no 4; : no 5; : no 6; : no 8; : no 9; : no 10). Certaines sont attestées à Thessalonique pour la première fois (: no 7; : no 11; et : no 15; : no 16; : no 17; et : no 18; : no 19; voir aussi les : ch. II no 1; les : ch. II no 14; : ch. II no 15). Dans certains cas la prosopographie peut utilement se combiner avec la recherche sur les cultes pour serrer de plus près non seulement l’origine et la mobilité de certaines personnes et familles mais aussi des phénomènes socio-religieux plus compliqués (par exemple voir ch. IV no 1 sur le rapport entre la famille italienne des Mannii Salariiet le culte égyptien). De plus, les nouveaux documents contribuent à l’histoire de la communauté juive de Thessalonique (ch. II, no 8 et ch. IV, nos 20 et 21); cette communauté se range parmi les plus importantes de la peninsule balkanique et elle est mentionnée dans les Actes des Apôtres. Sur la longue histoire de cette communauté, il faut lire le livre de Marc Mazower, Salonica, city of ghosts, Londres, 2004, que N. complète pour l’antiquité.

Le Vème chapitre regroupe des épigrammes et des inscriptions funéraires qui nous informent sur le vocabulaire concernant les pratiques funéraires (voir sur l’existence des murs d’enceinte à l’intérieur de cimetières no 3; sur une tombe sobre no 6), l’histoire des sentiments (nos 7 et 8), les questions juridiques (no 5), les relations familiales (nos 9 et 10), les peines prévues en cas d’infraction d’un monument funéraire (no 11), l’inflation qui affecte les amendes funéraires (no 14), sur des cultes et des conceptions autour la mort (no 15).

À un deuxième niveau, ici et là, dans le texte principal ou dans les notes, on peut tirer un nombre d’informations sur le contexte de trouvaille des inscriptions; ces renseignements donnent parfois une image assez vive de la vie de Thessalonique à la fin du 19ème ou du début du 20ème siècle, ville multi-culturelle de l’empire ottoman. En ce sens, ce livre devient aussi intéressant pour ceux et celles qui s’intéressent sur l’historiographie de la recherche sur l’antiquité. Sur le même thème il y a une étude de Nigdelis; voir la notice du Bull. Épig. 2005 no 298.

En général, N. apporte une foule de nouvelles informations concernant la topographie de l’ancienne Thessalonique, l’activité édilitaire à l’époque impériale, les fêtes et les concours, l’onomastique, le phénomène de l’immigration et la démographie de la ville à l’époque imperiale. En ce qui concerne cette dernière, une chose qui ressort clairement du matériel de ce volume est l’importance de l’élément démographique d’origine italienne. Cependant, comme le fait remarquer N., le terme souvent n’aide pas pour se rendre compte de la nature de la présence de personnes au nom italien en Thessalonique surtout pour la période impériale plus avancée: en effet, si à la fin de l’époque républicaine, on constate à Thessalonique la présence d’immigrants au nom italien qui peuvent provenir directement de l’Occident (Italie), à partir du début de l’époque impériale et encore plus tard (IIème-IIIème siècles), nous avons à faire avec des descendants hellénisés d’Italiens ou de leurs affranchis, qui peuvent provenir même de l’Orient, dans une deuxième phase migratoire. Peut-être d’autres stratégies devraient être deployées pour saisir des phénomènes identitaires derrières la formation des groupements et leur rapport avec les milieux d’immigration et de diaspora. Sur ce genre de questions on peut lire avec profit les reflexions de N. Purcell, “Romans in the Roman world”, The Cambridge companion to the age of Augustus (éd. K. Galinsky), Cambridge University Press, 2005, pp. 85-105. Le volume de N. fait état aussi de la possibilité de répérer, à travers les inscriptions, une immigration proche vers Thessalonique (depuis les villes d’Edessa, Dion, Pella, Philippes). Enfin, une remarque plus générale en ce qui concerne la vie économique, est que le nouveau matériel confirme la place de Thessalonique comme centre de commerce de transit pour la région qui comporte le sud de la peninsule balkanique, le nord-ouest de l’Asie Mineure et les grandes cités de l’Asie Mineure occidentale. Dans ce contexte, on déplore un peu dans cette ouvrage l’absence des cartes de la région de Thessalonique, de la Macédoine et de la partie orientale de l’empire romain; de telles cartes aideraient aussi à la compréhension des hypothèses concernant la topographie de l’ancienne Thessalonique.

N. écrit dans un grec moderne extrêmement précis et clair, les références sont fouillées et à jour. Signalons seulement une petite inadvertence: à la p. 478, le donateur de l’inscription IG X, 2, 1 no 259 n’est pas une prêtresse de Dionysos mais un certain Iulius Bessartes. Il convient aussi de dire au passsage que cet ouvrage est caractérisé par la clémence des jugements sur les tentatives malheureuses de suppléer aux lacunes du matériel épigraphique. Ce volume ne sera pas intéressant seulement pour quelques spécialistes mais sera précieux pour les historiens de l’empire romain plus généralement.