BMCR 2007.05.26

Arnobe. Contre les gentils (Contre les païens). Livre III. Collection des Universités de France

, , , , , Contre les gentils. Collection des universités de France. Série latine, 255, 385, 396, 419. Paris: Les Belles Lettres, 2007. volumes ; 20 cm.. ISBN 2251010149. €35.00.

On attendait depuis longtemps la suite, interrompue par la mort de H. LeBonniec, de la traduction de l’oeuvre d’Arnobe, dont le livre I était paru en 1982. Arnobe est un auteur souvent cité mais méconnu. Cela tient notamment au grand nombre de problèmes que recèle son oeuvre, problèmes textuels et de sources notamment.

Ce volume contient une brève introduction avec une mise à jour des principales questions de sources dans l’oeuvre, un texte latin révisé, une traduction française et un commentaire.

On ne s’étonnera pas, tout d’abord, du double titre: J. Champeaux (dorénavant Ch.) explique que le titre Contre les gentils, originellement choisi pour la traduction, avait mal vieilli, d’où l’utilité de le remplacer, tout en conservant l’ancien, afin d’éviter de donner l’impression qu’il s’agit d’une oeuvre différente.

Le présent volume contient le livre III du Contre les païens, qui réfute l’existence des dieux. Or le livre II n’a pas encore été publié. Ce saut dans la séquence n’est expliqué nulle part dans l’introduction: est-ce parce que, de l’aveu même d’Arnobe, le livre II forme une digression dans la progression du discours? Ou est-ce en raison de trop grands problèmes de texte ou de sources? On le regrette un peu, mais cela ne gâche en rien le plaisir qu’on a de découvrir cette traduction qui réussit ce tour de force de conserver sa vigueur au texte d’Arnobe dans une élégance toute française.

L’introduction est brève, mais a le mérite de faire un sort à l’épineuse question labéonienne: Arnobe a-t-il ou non lu Varron directement ou ne le connaissait-il que par la lecture de l’antiquaire Labeo? L’opinion exprimée par Ch. respecte la règle d’or de la Quellenforschung et choisit la solution la plus simple: aux incertitudes des explications proposées autrefois, elle affirme qu’il n’y avait pas moins de raisons pour qu’Arnobe puisse consulter Varron directement à Sicca au début du 4 e siècle qu’Augustin à Hippone au début du 5 e siècle (p. xx) tout en renvoyant, pour la démonstration, à ses autres travaux sur le sujet. Sans nier l’usage de l’antiquaire par Arnobe, Ch. croit que son impact sur le livre III dut être assez limité et les explications qu’elle offre pour étayer ses doutes dans le commentaire sont prudentes, mais plausibles. On regrettera seulement l’impénétrabilité du tableau des pages χ sensé illustrer les différentes hypothèses d’attribution des fragments à Labeo mais qui, pour qui ne connaît pas sur le bout du doigt ces fragments ou l’oeuvre d’Arnobe, est plutôt indéchiffrable.

L’apologétique d’Arnobe a ceci de particulier dans l’histoire du genre qu’il ne cite presque aucun de ses coreligionnaires ni les Écritures. Ch. a néanmoins identifié deux allusions scripturaires dans le seul livre III, nombre qui double le total des allusions bibliques de l’oeuvre tout entière. Sans nul doute, son travail sur la recherche des sources lui permettra d’en déceler quelques autres dans les livres suivants. Quant au livre III, c’est sans conteste le De natura deorum de Cicéron qui a lui servi de source principale: les correspondances étroites, presque à chaque section du livre, montrent bien comment Arnobe, dans son passé de rhéteur, avait eu le temps de méditer l’oeuvre de l’Arpinate.

Outre la qualité de son introduction, de sa recherche sur les source et de sa traduction, ce livre se distingue également par le sérieux avec lequel le texte latin de C. Marchesi ( Arnobii Adversus nationes libri VII. Torino: Paravia, 1953. Corpus Scriptorum Latinorum Paravianum) est discuté et corrigé d’une manière conservatrice, certes, mais sans aveuglement. Toute correction est judicieusement expliquée par la paléographie, l’histoire de la religion romaine et le style d’Arnobe.

Le seul reproche que l’on pourrait adresser à cette utile édition et traduction, c’est d’avoir conservé la forme donnée au commentaire dans le premier tome: ces notes regroupées en fin de volume portant chacune sur une ou quelques phrases du texte sont difficiles de consultation. Cet embarras s’explique d’une part par la densité de la rédaction: certaines phrases n’ont pas de verbe, beaucoup sont pour moitié constituées de citations de passages où Arnobe se recoupe ou d’autres auteurs latins; d’autre part, à cause de la répétition des faits dans le texte d’Arnobe, le commentaire sur un même thème ou sujet se trouve dispersé parmi ces remarques érudites, certes, mais d’une pratique ardue. On aurait préféré un commentaire thématique plus général et des notes détaillées, séparées. Pour s’y retrouver, il faut supposer que le lecteur souhaite des éclaircissements sur un passage donné d’Arnobe, et non sur un thème que l’on sait s’y trouver, bien qu’il y ait un index nominum succint.

Cela dit, la forme n’enlève évidemment rien à la justesse et à l’érudition de ce volume, qui offre une synthèse des hypothèses et de la bibliographie sur la religion romaine des 30 dernières années et sur les principales questions d’intérêt sur l’apologétique d’Arnobe.