BMCR 2005.05.19

Decemviri e centumviri. Origini e competenze. Università degli Studi di Milano. Facoltà di Giurisprudenza. Pubblicazioni dell’Istituto di Diritto Romano, 36

, Decemviri e centumviri : origini e competenze. Pubblicazioni dell'Istituto di diritto romano ; 36. Milano: A. Giuffrè, 2002. xiii, 570 pages ; 24 cm.. ISBN 8814088500. €69.706 (pb).

L’ouvrage de Lorenzo Gagliardi, spécialiste de renom en droit grec et romain, porte sur les vicissitudes historiques de deux importants organes juridictionnels: les decemviri stlitibus iudicandis, magistrature à laquelle l’auteur dédie la première partie du livre, et le tribunal des centumviri, examiné dans la deuxième partie du livre.

L’auteur commence par la magistrature des decemviri stlitibus iudicandis et retrace dans le chapitre I le problème de son origine, en passant en revue les différentes positions soutenues par la doctrine à la lumière du contenu de Dion. 4.25.2; Liv. 3.55.7; et Pomp. l.s.enchir. D. 1.2.2.29 (pp. 21 ss.).

Huschke situe l’origine de cette magistrature au temps de Servius Tullius, et prend appui sur le passage de Dio Cassius, de sorte que les affaires privées seraient résolues par des juges privés, tandis que les affaires criminelles d’ordre public seraient de la compétence de Servius Tullius lui-même. Plus tard, à cause de l’apparition d’autres organes juridictionnels, la compétence des decemviri serait limitée aux affaires de liberté (p. 5).

D’autres auteurs, qui s’appuient sur le passage de Tite-Live, situent l’origine des decemviri au début de la République, puisque le fragment mentionne la peine capitale prévue dans une des leges Valeriae-Horatiae (449 a.C.) contre celui qui causerait de l’offense tribunis plebis aedilibus ( iudicibus decemviris). L’interprétation du passage a suscité, dans la doctrine, des doutes à propos du mot iudicibus, s’il qualifie ou non le mot decemviri ou s’ils sont tous deux des organes juridictionnels différents; et si la référence à ces decemviri renvoie aux decemviri legibus scribundis. Face au critère affirmatif de Mommsen, Gagliardi soutient que ce sont des organes différents, en identifiant plutôt les decemviri du passage de Tite-Live aux promoteurs de la Loi des XII Tables. Par contre, les iudices rapportés par Tite-Live constitueraient un organe plébéien chargé de juger les decemviri legibus scribundis, avec le même degré d’immunité que celle des decemviri et des tribuns et des édiles (p. 27 et 33 s.). Par conséquent, selon Gagliardi, la détermination de l’origine des decemviri stlitibus iudicandis résulte de la référence que fait le passage de Pomponius à cette magistrature, en se plaçant entre l’an 242 et 227 a.C. (p. 35).

Le chapitre II (pp. 41-59) porte sur la compétence des decemviri stlitibus iudicandis. En matière civile, cette magistrature a connu jusqu’aux leges Iuliae les causes de liberté (Cic. dom. 29.78; Caec. 33.97; et Pomp. l.s. enchir. D. 1.2.2.29) avec la concurrence des récupérateurs ( recuperatores, Plaut. Rud. 1281-1283 et Cic. Flacc. 17.40). On lui a aussi attribué une fonction symbolique et représentative, comme celle de présider le tribunal des centumviri jusqu’au surgissement du praetor hastarius.

Après que les leges Iuliae aient perdu leur compétence judiciaire, laquelle est assumée uniquement par les récupérateurs, et cessent de présider le tribunal des centumvirs (tâche qui à partir de ce moment revient au praetor hastarius). Sa compétence reste bornée à la désignation et convocation des centumviri, de sorte que la magistrature aurait expérimenté une telle perte de dignité dans le cursus honorum, en se plaçant à partir d’Auguste au premier lieu.

La deuxième partie de l’ouvrage est dédiée au tribunal des centumviri. Dans le Chapitre I, l’auteur examine les ‘problemi di origine’, et présente les passages les plus importants (Dion. 4.25.2, de Festus, s.v. centumviralia iudicia, Aulu-Gelle, N.A. 16.10.8 ou le fragment du liber singularis Enchiridii de Pomponius, déjà cité) et les différentes positions que soutient la doctrine, pour conclure avec sa propre position en fin d’ouvrage, après avoir examiné la compétence du tribunal (pp. 100-112).

Par la suite, Gagliardi centre sur l’étude de la compétence des centumviri. Avant les leges Iuliae, s’appuyant sur divers passages de Cicéron et de Valère Maxime, ils auraient eu de la compétence uniquement sur des affaires héréditaires, tandis que depuis Auguste (p. 126), ils partagent cette compétence avec le iudex unus, qui résulte de l’exégèse qu’offre de D. 40.7.29.1 (Pomp. 18 ad. Q. Muc.). Malgré certains passages que Gagliardi a soumis à une sévère critique (Gai. 4. 16 et Cic. de orat. 1.38.173, pp. 168 ss.), les centumviri n’avaient pas de compétences hors du domaine héréditaire avant Auguste.

Après les leges Iuliae, en revanche, à la lumière des différentes sources examinées par Gagliardi (pp. 202-220), il n’est pas exclu que leur compétence se soit étendue à d’autres matières, malgré la position soutenue par l’école dominante, qui aurait limité la compétence des centumviri aux controverses testamentaires à cause de l’inofficiosité du testateur.

Dans l’examen de la compétence on se demande si, de la même manière qu’à l’époque d’Auguste, on pouvait attribuer au collège centumviral une compétence exclusivement en matière héréditaire; ou si plutôt cette compétence serait partagée avec le iudex unus de la procédure formulaire. Gagliardi, qui examine diverses positions soutenues par la doctrine à ce propos (pp. 223 ss.), prend ici le temps de nous présenter un minutieux exposé de la procédure qui avait lieu à l’égard de la querela inofficiosi testamenti (pp. 288 ss.). Gagliardi soutient que la querela inofficiosi testamenti n’avait jamais suivi la procédure devant un juge unique et, par conséquence, les références au iudex dans le Digeste auraient été faites au juge de la procédure extra ordinem, ainsi que Eisele l’avait déjà suggéré (pp. 229 ss.).

La problématique de la querela et tout ce qui concerne sa procédure était connue exclusivement par les centumviri, ce qui a permis d’introduire d’importantes modifications dans les plus traditionnels principes du ius civile en matière héréditaire. C’est pour cette raison que l’activité innovatrice des centumviri a réussi à changer certains aspects du droit héréditaire romain grâce au jeu de nouveaux critères d’équité, comme le fait de promouvoir la nullité des testaments valables selon l’ancien droit civil ou la possibilité d’attribuer la condition d’héritier ab intestato aux parents cognats, qui n’avaient aucun droit successoral reconnu à cet égard dans la Loi des XII Tables (pp. 271 ss.). En revanche, il est évident que ces facultés de dérogation et modification des principes du ius civile ne correspondaient pas au iudex unus en raison de la rigueur de la formule, car, étant donné que son pouvoir d’appréciation était très limité (surtout lorsqu’il s’agit des actions de droit strict) et qu’il était soumis à l’ordre prétorien de juger ( iussum iudicandi), il manquait de cette capacité et, donc, sa faculté restait réduite à “absoudre le défendeur, si les faits vérifiés par lui ne sont pas rigoureusement conformes à ceux prévus par la formule”;1 ou à condamner à payer le montant en argent fixé d’avance dans la formule ou laissé à l’appréciation du juge (pp. 313 ss.).

Laissant de côté la procédure de la querela inofficiosi testamenti et estimant vraisemblable l’existence d’une formule pour la pétition d’hérédité ( hereditatis petitio), Gagliardi soutient la compétence du juge unique afin de réclamer la qualité d’héritier, de sorte que dans le champ successoral, on peut aussi apprécier la concurrence de compétences avec le tribunal des centumvirs (pp. 236 ss.), ce qui détermine certaines particularités, puisque seulement les centumvirs étaient facultés pour attribuer la qualité d’héritier et pour condamner le défendeur in ipsam rem, en suivant l’ancienne procédure de la legis actio sacramento in rem (pp. 319 s.).

Aussi l’introduction du système de la cognitio extra ordinem, soit initialement comme procédure extraordinaire, en cohabitant avec ce formulaire et avec les vestiges de la procédure des actions de la loi, soit comme procédure ordinaire à partir d’Hadrien, a influé sur la manière de faire suivre son cours aux affaires héréditaires. Au début du Principat, la connaissance de la matière héréditaire, suivant la procédure extraordinaire, se présente avec la caractéristique de l’exceptionnalité, mais à partir d’Hadrien, par contre, on remarque une consolidation de la cognitio pour résoudre telles controverses héréditaires, qui étaient connues par les septemvirs ou les juges uniques. Désormais, l’innovation des principes du ius civile en matière successorale n’a eu plus lieu moyennant les sentences des centumviri, mais moyennant certaines dispositions, celles-ci ont révolutionné le système héréditaire romain, tels que le sénatusconsulte Tertullien ou celles qui reconnaissaient des expectatives successorales aux cognati (p. 356 s.). Tout cet ensemble normatif a aussi ouvert la porte à la compétence successorale d’autres fonctionnaires impériaux chargés d’évaluer si on concurrait aux plaignants les motifs présents dans l’édit permanent ( edictum perpetuum) ou dans le droit civil.

Au surplus, on peut reconnaître la volonté à peine dérogatoire des romains, puisque le domaine de la cognitio n’est pas atteint que très lentement (pp. 362 ss.). En effet, comme la procédure formulaire ne permettait pas qu’une condamnation en argent et comme elle ne s’aménageait pas bien aux conditions politiques du Principat, celle-ci a perdu peu à peu son influence, puisque l’ambiance politique et administrative de la Rome du III siècle, qui contrôlait dès la Chancellerie impériale la production normative, a bien besoin d’un autre type de procédure plus attachée à la mentalité et aux exigences du moment.

Aussi Gagliardi a dédié un ample traitement au problème de la compétence territoriale des centumviri et ses limites. Malheureusement, l’état des sources ne permet que faire des hypothèses à cet égard, comme a bien fait Gagliardi sous un minutieux examen de ces sources (pp. 384 ss.). Étant donné que la procédure moyennant la legis actio sacramento était réservée aux citoyens romains, il se pose la question, quand il s’agit des citoyens habitant une province ou au cas où l’ouverture du testament ait eu lieu dans une province, si le tribunal des centumviri aurait été aussi compétent. D’après Gagliardi, avant Auguste, les actions d’inofficisiosité auraient été déposées à Rome, juste devant les centumvirs. Ensuite, grâce à la réduction de la rigueur des principes du ius civile, il aurait été possible que les étrangers aussi utilisent la procédure des actions de la loi, soit en raison de l’attribution du ius commercium soit grâce à la flexibilité fournie par la procédure per sponsionem (pp. 390 ss., surtout pp. 395 ss.).

Enfin Gagliardi s’occupe de l’éventuelle compétence des centumvirs en matière criminelle. De l’examen des sources (Sén. Contr. 7, Praef. 6; Ovid. Trist. 2.93-96; Plin. nat. 29.8; Quint. inst. or. 7.4.20 et 4.1.57; Tac. dial. 7) résulte la thèse négative, même si en vue d’une fable de Phèdre 3.10, part. 34-50 et d’un fragment de Sénèque, Contr. 9.5.15, il est possible que les centumvirs puissent juger certaines conduites délictueuses comme un affaire préliminaire à propos de la cause héréditaire dont ils avaient la connaissance.

Finalement et comme nous avons déjà remarqué, Gagliardi aborde la question de l’origine du tribunal des centumviri, en reprenant l’exégèse de Festus et de Pomponius et en reliant ces centumvirs avec un autre tribunal ( hekaton) existant à Carthage et composé de 108 membres (Arist. Pol. 2.11.1272b-1273a). L’origine remonterait probablement à après la deuxième guerre punique (III siècle a.C.) quand les romains ont eu l’opportunité de connaître cet organe et, par conséquent, d’en créer un pareil. Cette date marquerait aussi la naissance des decemviri stlitibus iudicandis et avec l’évident développement expérimenté par le testament per aes et libram, dont l’oralité fait désormais place à la forme écrite, ce qui a rendu difficile le contrôle pour la communauté civile des déplacements patrimoniaux produits par la voie héréditaire. Ces inconvénients ont été reduits avec la création du tribunal des centumvirs (pp. 493 ss.).

La recherche de Gagliardi se termine par des réflexions finales, où il constate les coïncidences existant entre les organes étudiés, tous deux appartenant à la même époque historique (pp. 505 ss.).

La bibliographie (pp. 521 ss.) qui conclut l’ouvrage est exhaustive, et fait de sorte que, en plus des fréquents et stimulants apports de l’auteur, représente un guide extraordinairement utile pour le romaniste. L’ouvrage finit avec une table de sources et une table d’auteurs cités.

Notes

1. Monier, Manuel Élémentaire de droit romain, 1, Paris 1947, réimp. Aalen 1977 (2 tomes en un volume), Aalen 1977, 166.